Le côté pile a remplacé le côté face.
C’est quelque chose d’absolument flagrant : Eric Zemmour est arrivé sur la scène politique française au moment où les « Indigènes de la République » en sortait. Et c’est d’autant plus marquant que le discours d’Eric Zemmour est exactement l’inverse de celui des « Indigènes de la République ». Voilà qui est lourd de sens !
Eric Zemmour dit que la France est par « essence » une bonne chose, tout comme les « Indigènes de la République » expliquait qu’elle était par « essence » une mauvaise chose. Eric Zemmour veut « refranciser » tout comme les « Indigènes de la République » voulaient « décoloniser ». Eric Zemmour pare de toutes les vertus le « Français de souche » abhorré par les « Indigènes de la République », tout comme Eric Zemmour a une obsession en mal des « Arabo-africains » que les « Indigènes de la République » voyaient comme la lumière du monde.
Le parallélisme est indéniable et c’est au fond le même communautarisme, le même rejet de la lutte des classes, la même haine de la Gauche historique. Cela va même encore plus loin, car l’un a remplacé l’autre. Les « Indigènes de la République » sont un mouvement né dans les années 2000 et qui ont connu un énorme succès dans les milieux anarchistes et trotskistes, obtenant une reconnaissance complète au point de contribuer à la naissance d’un nouveau milieu militant, une sorte d’étrange milieu mêlant anarchisme, théorie du genre, « décolonialisme » communautariste, fascination pour l’Islam comme religion des opprimés, haine de la police, culte du virilisme « militant ».
C’est la raison pour laquelle Houria Bouteldja, figure de proue du mouvement, a quitté le mouvement en octobre 2020 pour annoncer un an plus tard… son soutien à Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle 2022, alors qu’effectivement La France Insoumise a été largement touchée par l’irruption de ce nouveau milieu activiste. C’est une convergence logique puisque La France Insoumise ne se revendique plus de la Gauche mais du « populisme », opposant abstraitement un haut et un bas de la société.
Les « Indigènes de la République » avaient jusque-là souvent défrayé la chronique avec leurs thèses post-modernes provocatrices et communautaristes. Et une fois disparu, ils sont remplacés par quelqu’un tenant le même discours qu’eux, mais inversé, Eric Zemmour ! Nul hasard à cela. Leur conception du monde a essaimé, leurs idées anti-universalistes, anti-métissage, anti-collectiviste se sont répandues.
C’est qu’elles sont dans l’air du temps. Les « Indigènes de la République » ont été l’expression petite-bourgeoise d’immigrés cherchant à s’élever socialement en France, Eric Zemmour est l’expression de la bourgeoisie française cherchent à s’élever socialement dans le monde. C’est « moi d’abord », et comme il n’y a aucun mérite, il faut en inventer un, et c’est là qu’on trouve comme dans les années 1920-1930 le thème de la nation, de la « race », de la nation « prolétaire », de la « race » supérieure de parce qu’elle véhicule.
Tout cela est évident pour qui regarde les choses du point de vue de la Gauche historique – à rebours des anarchistes, des trotskistes et de leurs variantes désormais « post-modernes » hantant les universités et le « militantisme » dans les grandes villes.