L’escalade continue.
La Russie a annoncé le 16 février 2022 la fin de manoeuvres en Crimée et les médias se sont empressés de parler de désescalade en général, comme la veille. Or, en pratique, le matériel et les troupes continuent d’arriver aux frontières de l’Ukraine, alors que des trois regroupements ayant quitté la Crimée, un part en Tchétchénie d’où il provient, les deux autres dans leurs bases… près de l’Ukraine.
La Russie joue ici beaucoup sur la volonté des gens des pays capitalistes de ne pas croire que quelque chose puisse vraiment arriver, qu’il puisse réellement y avoir, comme c’est le cas désormais, plus de 300 000 soldats surarmés et au poste de combat. C’est une tension extraordinaire qu’il y a en Ukraine en ce moment. C’est une partie de l’Histoire du monde qui est en train de se jouer. Les gens ne veulent pas le voir. Les rares médias de gauche ou d’extrême-gauche qui parlent de la situation en Ukraine ne saisissent rien à l’envergure de ce qui se passe – parce qu’ils ne le veulent pas. Ils sont corrompus, ils veulent vivre comme avant. Sauf que le monde court à l’abîme.
Symbole de cette tension, trois avions de chasse russes Su-35 ont intercepté de manière non-professionnelle selon la superpuissance américaine des avions patrouilleurs US Navy P-8A de celle-ci en Méditerranée, s’en rapprochant jusqu’à une distance de 1 mètre 50. C’est tout à fait expressif de la situation. Pour rappel, le 12 février, la Marine russe avait chassé par la force un sous-marin américain des eaux territoriales russes dans le Pacifique.
Symbole également de cette tension, la journée d’unité nationale appelée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été un fiasco. Au niveau des institutions occidentales ou pro-occidentales, cela a été une énorme réussite, avec de nombreux bâtiments illuminés aux couleurs ukrainiennes, comme ici le ministère des affaires étrangères de l’Estonie.
Le régime avait toutefois demandé à la population de placer des drapeaux partout, et force est de reconnaître qu’il n’y a pas eu d’engouement populaire, de marches de millions d’Ukrainiens dans la rue. Il n’y a même rien eu du tout, et c’est logique vue la nature du régime ukrainien, corrompu, avec une oligarchie aussi ignoble qu’en Russie mais en plus une absence encore plus marquée de lois appliquées dans le pays, à quoi s’ajoutent les activités ininterrompues des nationalistes d’un côté, des pro-occidentaux de l’autre.
Cette absence de nature démocratique et populaire de l’Ukraine est d’ailleurs le grand espoir de la Russie pour annexer une bonne partie du pays : il est considéré que les gens ne se bougeront pas pour sauver un tel régime, un État en faillite. Pour donner un exemple de cela, il suffit de parler de la mésaventure qui vient d’arriver à Alina Pash.
Cette chanteuse née en 1992 devait représenter l’Ukraine à l’Eurovision avec sa chanson Les ombres des ancêtres oubliés, une chanson historico-patriotique racontant l’Ukraine dans une perspective romantique et pacifique, ayant comme référence le très célèbre film du même nom de 1965 du réalisateur soviétique arménien Sergei Parajanov, qui se fonde sur le roman au même titre de Mykhaïlo Kotsioubynsky. Le film comme le roman se passe dans les Carpates ukrainiennes d’où vient Alina Pash, et musicalement la chanson de cette dernière est dans la veine de Dakhabrakha et de ce formidable mélange musical à base folk.
Seulement voilà, le régime ukrainien est fanatique et Alina Pash a été victime d’une terrible campagne la forçant à abandonner le 16 février 2022 sa candidature à l’Eurovision. Elle a été accusée de plusieurs « crimes » en étant la cible d’une intense campagne nationaliste.
Primo, elle se dit constamment pour la « paix », ce qui ne correspond pas au discours officiel- une chanteuse comme Onuka qui prononce 50 fois le mot Ukraine par minute et assume l’orientation du régime est au contraire très appréciée, forcément. Secundo, elle a été à un anniversaire en Crimée en 2015 (conquise à l’Ukraine et annexée en 2014 par la Russie), en passant qui plus est par Moscou, ce dernier aspect étant illégal en Ukraine (elle-même a niée être passée par la Russie mais les garde-frontières ukrainiens n’ont pas trace de son passage).
Tertio, elle pose sur les réseaux sociaux à Moscou en 2017- tout en disant « Kyiv » (à l’ukrainienne) et non pas « Kiev » (à la russe), mais cela ne compte pas pour les fanatiques en Ukraine.
Et sur les réseaux sociaux, elle a posé aux couleurs russes, une chose inacceptable par définition pour le régime ukrainien, même si cela remonte à… 2012.
Et Il faut ajouter deux autres choses : en 2018, elle devait participer en Russie au festival musical organisé par la marque Bosco di Ciliegi, appartenant à Mikhail Kusnirovich, un proche de Vladimir Poutine. Elle et d’autres ont été obligés d’annuler in extremis en raison du « scandale » en Ukraine.
En 2019, lors de la journée de l’indépendance ukrainienne, alors qu’elle devait chanter l’hymne national avec d’autres artistes pour une séquence de huit minutes, elle a pris l’initiative de rapper des vers de sa propre composition au sujet de l’Ukraine.
Alina Pash a démissionné mais tous ces éléments faisaient qu’elle devait de toute façon être exclue par les organisateurs du concours. Celui qui a par contre un grand succès en Ukraine est l’ambassadeur ukrainien au Japon, Sergiy Korsunsky, qui pose en pseudo-samouraï pour défier la Russie, avec une iconographie patriarcale-nationaliste… Pathétique.
L’Ukraine est bien mal partie avec un tel régime, avec ses fanatiques, avec la superpuissance américaine et le Royaume-Uni (ainsi que d’autres) la poussant à la guerre. Les armements fournis par les Américains sont d’ailleurs déployés aux frontières avec le Donbass séparatiste désormais – la Russie n’attendant que leur emploi pour justifier son intervention.
La Russie dira : les pays occidentaux disent qu’on voulait envahir, mais on n’a rien envahi, tout est mensonge. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères – un ministère déversant des moqueries de manière ininterrompue sur les réseaux sociaux – a ainsi déclaré le 16 février 2022 :
« Je fais une demande particulière aux médias de désinformation britanniques et américains. Pouvez-vous annoncer le calendrier de nos invasions pour l’année à venir ? J’aimerais planifier des vacances. »
Mais dans la foulée, la Russie mentant sur sa propre escalade précise : toute cette propagande informationnelle contre nous a été un prétexte pour armer l’Ukraine contre le Donbass. Et c’est vrai, car l’Ukraine est poussée à la guerre par les pays occidentaux, qui y voient de la chair à canon.
Telle est la réelle actualité : les grandes puissances prêtes à tout pour diviser pour régner, pour diffuser la guerre, pour s’imposer dans la bataille pour le repartage du monde !