Le Donbass séparatiste applique la mobilisation totale.
Le Donbass avait été marqué le 17 février 2022 par de violents affrontements à coups d’artillerie (et de snipers, et de drones laissant tomber des grenades). Ils avaient commencé très tôt, s’étaient arrêtés dans la matinée, pour reprendre par la suite notamment en soirée, montant en charge à chaque fois.
On peut se demander pourquoi le régime ukrainien est assez fou ou stupide pour se permettre une telle participation aux combats alors qu’il y a pratiquement 200 000 soldats d’une armée russe cherchant un prétexte pour lancer son offensive. Cela montre vraiment à quel point ce régime est gangrené par la superpuissance américaine et l’aveuglement nationaliste. Un pays est transformé en chair à canon pour satisfaire les ambitions des pays capitalistes occidentaux dans leur conquête de l’Est.
L’aggravation de la situation a amené, de manière authentique ou forcée (ou du moins calculée), les « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk à annoncer le 18 février dans l’après-midi une mesure radicale : celle de la mobilisation totale. L’ensemble de la population civile non intégrable dans les forces combattantes – femmes, enfants, retraités – est envoyé en Russie, à Rostov sur le Don.
Il y a environ 2,3 millions de personnes dans la « république populaire » de Donetzk et 700 000 personnes vont être transférées ; il y a environ 1,5 million de personnes dans la « république populaire » de Louhansk, donc on parle d’autour d’un peu plus d’un million de personnes au total. C’est un chiffre immense, cela demande une intendance gigantesque, et bien entendu une mobilisation étatique complète.
C’est quelque chose qui marque très profondément l’opinion publique russe, mais aussi les gens en Ukraine, qu’ils soient liés à la culture nationale russe de manière directe ou pas. Il y a là une cassure historique – qu’il faut assumer ou pas. C’est une action choc s’inscrivant parfaitement dans la narration russe justifiant l’invasion de l’Ukraine.
Le pire est qu’il y a une part de vérité dans l’accusation faite comme quoi le régime ukrainien veut tenter de prendre le Donbass séparatiste par la force, ou plus exactement de prendre militairement la zone frontalière avec la Russie et de couper géographiquement les deux « républiques populaires ». Car plus que d’une invasion totale du Donbass séparatiste, tel est l’objectif ukrainien, en sachant que si cela réussit, le reste tombera assez rapidement dans la foulée.
Les deux « républiques populaires » se positionnent, quoi qu’il en soit, pour une guerre totale. On remarquera que leurs décisions, si elles sont les mêmes, sont toujours strictement distinctes, les deux « républiques » appliquant à tous les niveaux le principe d’un gouvernement distinct appliquant des mesures distinctes.
On notera que les acteurs sur les réseaux sociaux favorables à l’OTAN – des experts attitrés ou non – sont allés jusqu’à affirmer que la Russie bombarderait les réfugiés du Donbass allant en Russie, pour ensuite accuser l’Ukraine. Devant la grossièreté de l’accusation, ils ont fini par retirer ces posts, mais c’est assez typique. Les réseaux sociaux, principalement twitter et telegram, avec des individus agissant de manière « romantique », ou bien des experts ou des think tank, déversent toutes les propagandes faites d’un côté comme de l’autre.
On rentre de toutes façons dans la période où la première victime est la vérité, car désormais les choses doivent être forcées. L’arc narratif est mis en place, ce qui est dit relève de coups assénés pour faire avancer les choses et plus il y a des idiots utiles mieux c’est. Car coups montés ou réelles actions, il devient impossible de savoir.
Il y a eu ainsi le 18 février un attentat à Donetzk, une voiture a explosé près des bâtiments gouvernementaux, celle du colonel Denis Sinenkov, chef de la milice populaire. Est-ce un véritable attentat ou une mise en scène? Le même jour, la « république populaire » de Donetzk a intercepté deux commandos ukrainiens composés de gens parlant polonais en mission pour aller faire sauter une usine de produits chimiques. Or, les Etats-Unis avaient prévenu d’un « false flag » impliquant des agents chimiques. S’agit-il d’une propagande du Donbass séparatiste ou bien d’une tentative ukrainienne pour accuser le Donbass séparatiste si l’opération avait réussi?
Il y a également un gazoduc ayant connu une explosion non loin de Louhansk, ce qui a grandement inquiété les médias pour le coup, car la question du gaz est primordial. Le président du Conseil italien Mario Draghi a d’ailleurs expliqué le même jour qu’il ne fallait surtout pas que les sanctions contre la Russie en cas d’invasion touchent les importations de gaz. Le bloc occidental n’est pas unifié ; il ne peut l’être qu’en cas de victoire, mais elle n’est pas assurée. C’est la superpuissance américaine qui tient avant tout à disposer d’une unité anti-russe, d’où les propos encore très agressifs du président américain Joe Biden à la Maison Blanche le même jour dans une allocution au sujet de l’Ukraine.
La situation se développe exactement comme expliqué depuis début avril 2021 sur agauche.org/ukraine. La bataille pour le repartage du monde refaçonne des pays, des sociétés, des rapports entre les pays, des situations politiques, des rapports de force militaire, la nature des actions internationales en général en leur conférant une nature militaire directe ou indirecte…
Et on se demande ce qui est le pire en ce moment en France : la nullité des très rares gens à gauche cherchant à parler de l’Ukraine car c’est une actualité vue à la TV, ou bien le silence général de la Gauche en général, qui passe complètement à côté d’un événement fondamental changeant la face du mur. Que les gens aient peur des grandes transformations quand elles se profilent ainsi, c’est compréhensibles. Mais de la part de gens affirmant comprendre le monde et savoir comment le changer, c’est inacceptable.