Il était expliqué qu’il n’y aurait pas de guerre.
« Révolution permanente », une tendance trotskiste du NPA qui en a été exclu, est l’une des très rares structures de la Gauche à avoir parlé de la situation en Ukraine avant que la guerre ne se déclenche. C’est plutôt très bien. Le souci, c’est que la ligne de « Révolution permanente » a été de faire de la géopolitique – d’ailleurs cela continue – et à force de couper les cheveux en quatre, d’expliquer que la guerre n’aurait pas lieu.
Dans l’article « Pourquoi la Russie menace-t-elle l’Ukraine ? » du 20 janvier 2022, il est ainsi dit ouvertement qu’il n’y aurait pas la guerre, que la Russie mobilisait ses troupes pour réaliser une « posture ». Même si la Russie finissait par désirer la guerre, elle n’aurait pas les moyens d’enchaîner l’Ukraine et d’ailleurs « d’un point de vue des intérêts de l’impérialisme nord-américain un affrontement avec la Russie autour de l’Ukraine ne fait aucun sens ».
Pas de chance, les faits ont montré très exactement le contraire : la superpuissance américaine a mis tout le paquet pour une confrontation à ce sujet, et ce n’est pas fini.
Le fait que la Russie entendait envahir l’Ukraine a également été littéralement mise de côté, au nom de la dénonciation de l’OTAN. L’article du 28 janvier 2022 Crise Russie-Ukraine. Quid de l’agressivité de l’OTAN ? dresse encore et toujours un panorama géopolitique où la principale menace, ce n’est pas la Russie entendant envahir l’Ukraine. C’est erroné comme les faits l’ont montré.
« C’est donc dans ce contexte qu’il faut comprendre les frictions, les menaces de guerre, la « diplomatie armée » et les tentatives d’arrangements. Et comme on voit on est loin de l’image présentée par les médias dominants où l’escalade serait seulement du fait de la Russie.
En réalité le principal responsable de la menace de conflit est avant tout l’OTAN : cette alliance militaire impérialiste et réactionnaire qui utilise sa force collective pour contraindre les différents États à travers le monde à se plier à ses intérêts géopolitiques et économiques. »
Cette thèse de l’OTAN comme principale menace de conflit témoigne de l’incompréhension par « Révolution permanente » des contradictions entre les grandes puissances. Bien entendu, tant l’OTAN que la Russie sont dénoncés. Mais la contradiction des deux blocs n’est pas comprise en tant que tel, c’est considéré comme un arrière-plan géopolitique seulement, il n’y a pas la considération que la tendance à la guerre prime, que l’actualité historique c’est la guerre entre les blocs.
Pour preuve, dans le long document du regroupement international auquel appartient « Révolution permanente », « A bas l’escalade militaire de l’OTAN en Europe de l’Est. Ni intervention impérialiste, ni ingérence militaire russe en Ukraine ! » du 29 janvier 2022, le terme de guerre n’est présent au sens strict que… deux fois.
Le document du même regroupement, le 2 mars 2022, « Non à la guerre ! Troupes russes hors d’Ukraine ! OTAN hors d’Europe de l’est ! A bas le réarmement impérialiste !« , présente la guerre simplement comme un accrochage produit par la concurrence :
« Cette montée du militarisme et l’arrivée de la guerre au cœur de l’Europe de l’est dévoilent le mensonge selon lequel la « mondialisation » néolibérale et la fin de la Guerre froide auraient ouvert une nouvelle ère, dans laquelle le pouvoir des États se serait transformé et les guerres appartiendraient au passé. Après que le mirage d’un monde capitaliste dirigé par une seule « hyperpuissance » se soit estompé, le déclin de la puissance étatsunienne est désormais visible aux yeux de tous.
L’intégration accrue de l’économie mondiale par le biais de « chaînes de valeur » liées à la production industrielle et aux services, de même que le système financier et des télécommunications ont accru la concurrence entre monopoles et entre États, qui n’a pas du tout diminué.
La lutte pour se tailler une part accrue du pouvoir mondial, entre les États-Unis, la Chine et la Russie, mais également avec les tentatives de l’Allemagne et de la France, ainsi que du Japon, de mener une politique impérialiste plus indépendante pour renforcer leur poids respectif dans leur aire d’influence, rend l’ensemble de la situation internationale plus instable. »
On comprend pourquoi il y a une tendance de la part de « Révolution permanente » à basculer dans la géopolitique, jusqu’à reproduire des points de vue de pseudos « agences » géopolitiques comme « Strafor » (Invasion de l’Ukraine : les 4 scénarios de Stratfor sur l’issue de l’offensive russe, le 28 février 2022). C’est là profondément erroné, c’est une incompréhension que le capitalisme va inéluctablement à la guerre, c’est résumer la guerre à un militarisme accompagnant le capitalisme, comme un simple fruit de la concurrence… C’est historiquement la ligne de droite de la social-démocratie d’avant 1914.