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Le « militant », incapable de saisir les changements dans le monde

Le monde militant, d’improductif, est devenu une partie du problème.

Le monde militant, d’improductif, est devenu une partie du problème.

La capacité de la Gauche historique a toujours été d’être en mesure de saisir le cours des évènements, de produire des cadres politiques en mesure d’orienter des militants, eux-mêmes capables d’orienter des discussions du quotidien dans tel ou tel sens. Un sens démocratique, populaire, évidemment.

Cette capacité politique militante n’est jamais tombée pas du ciel, elle est toujours le produit d’un effort intellectuel à la base, de la capacité de tout un chacun d’intervenir dans les grandes questions idéologiques.

Or, on sait comment des petits-bourgeois excités provoquent une corruption du militantisme réel. A la suite de mai 1968, et déjà un peu avant, il y avait déjà des gens au comportement stéréotypé, au raisonnement borné.

Mais ce que l’on constate au vue de 2022, c’est que la figure du militant est devenue une expression d’un vieux monde. Disons simplement qu’il y a encore 15, 20 ans, un militant de gauche pouvait, ou devait, être critiqué car il avait les clefs d’analyses à disposition, mais il ne les utilisait pas ou se les faisait déformer par l’opportunisme.

Ces clefs d’analyses, c’était grosso modo une lecture, même approximative, du capitalisme, des classes, des tendances politiques, bref du cours des choses. Cela était lié à une certaine formation idéologique.

Les années 2010 ont été la grande lessiveuse de ce processus. Avec la pandémie de Covid-19 puis, donc, la guerre en Ukraine, les militants se révèlent pour ce qu’ils sont devenus : une entrave au progrès de la conscience.

Non pas qu’ils en aient conscience eux-mêmes, mais parce qu’ils pensent maîtriser les choses sans en avoir la capacité, car ayant abandonné tout travail intellectuel de fond. Ils donnent l’impression de savoir, iles véhiculent l’illusion d’avoir des positions justes, voire même des positions tout court, et c’est en cela qu’ils participent à l’entrave de la conscience des gens.

Il y a un décalage frappant à ce sujet. Si l’on prend par exemple le début du covid-19 il y a deux ans, l’idée comme quoi la société avait heurté un mur, notamment au plan écologique, était présent chez des gens, mais très peu chez les militants. C’est l’expression d’un énorme problème.

C’est encore plus vrai avec la Guerre en Ukraine. Que l’on prenne n’importe quel militant ou militante il y a un mois, et cette question était absolument invisible, alors qu’elle pouvait déjà être présente chez certaines personnes ayant une vie normale.

Avec le déclenchement de la Guerre, la question d’une généralisation mondiale du conflit, l’inquiétude face au retour de la menace nucléaire, ou bien encore le risque d’une plus grande paupérisation du fait de l’inflation, forme une inquiétude partagée par le plus grand nombre.

A l’inverse, les militants pensent dire des choses, croient développer des positions, mais ne font que copier-coller des raisonnements préconçus, sans prise de conscience du drame de la situation. Leurs comportements sont stéréotypés.

Pour preuve, leur incapacité à sortir des considérations purement électorales, à aborder des choses sérieuses, à affronter réellement la tendance à la guerre, la montée du fascisme, la souffrance des animaux, la destruction sans fin de la Planète…

Alors qu’une partie des gens normaux sont terrifiés par la situation car ayant instinctivement compris l’ampleur des changements à effectuer, les militants ont démissionné de la raison d’être du militant historique de la Gauche, celle de servir le peuple dans sa volonté d’explication du monde.

Les militants ont perdu toute la substance de ce qui faisait la force de la Gauche : la capacité à analyser le changement des choses, à interpréter les grandes bifurcations historiques.

Pour les « militants » d’esprit petit-bourgeois, la Guerre en Ukraine n’est finalement qu’une histoire de conjoncture, tout cela devant passer après que l’on ait, au mieux manifesté avec un drapeau ukrainien et que l’on ait appelé à l’accueil des réfugiés, au pire critiqué telle position pro-russe ou telle position pro-OTAN, ou encore mieux s’être caché en renvoyant les deux dos à dos.

Dans leurs têtes, tout va redevenir comme avant, bientôt, et à ce moment là on reprendra les discussions sur le niveau de son salaire, sur telle injustice là-bas, sur tel propos infâmant ici, etc. Il n’y a aucune envergure, aucune volonté même d’aller vers une réelle envergure, aucune volonté de rupture réelle, le militant étant devenu une forme de l’identité possible, parmi d’autres, dans la société de consommation.

Comment pourrait-il en être autrement alors qu’il n’y a pratiquement plus de vie militante dans les organisations ? Vie militante au sens d’un débat d’idées, non pas simplement autour de l’actualité ou de luttes, ce qui est important évidemment, mais plus généralement autour des grands tendances qui agitent le monde.

La figure du « militant » est devenue une partie du problème et l’on en revient finalement au point de départ de la Gauche historique : reconstruire un socle idéologique, reformer des cadres politiques, relancer un mouvement à la base, dans le feu d’une époque d’ores et déjà tumultueuse et qui ne va laisser personne indemne.

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