Ce qui se passe est bien français.
Au lieu de faire des mugs à en-tête, les dirigeants de la direction du Renseignement militaire auraient dû lire Agauche.org sur l’Ukraine. Mais ils l’ont forcément fait, car c’est leur travail que de tout lire, et il n’y avait pas grand monde, pour ne pas dire personne, pour en parler, surtout dès avril 2021, pour annoncer qui plus est que la guerre était inévitable.
Cette guerre, le général Vidaud n’y a toutefois pas cru, et il vient de se faire éjecter pour cela de son poste de chef de la direction militaire, sept mois seulement après sa nomination. La presse parle de « briefings insuffisants » et d’un « manque de maîtrise des sujets », en clair : il n’a pas suivi correctement la tendance à la guerre et a été dépassé.
Seulement voilà, là où c’est intéressant, c’est que le général en question n’était pas un stratège, mais ce que l’armée française produit de « mieux » : des hommes de coups de main. C’est par exemple lui qui, au Mali, a dirigé la liquidation le 3 juin 2020, d’Abdelmalek Droukdal, chef d’Al Qaïda au Maghreb islamique. Voici comment le Renseignement militaire français présentait encore hier son directeur :
Saint-Cyrien de la promotion « général Callies » (86-89), le général de corps d’armée Éric Vidaud choisit, à la fin de sa scolarité, de servir dans les troupes de marine, spécialité infanterie. A la sortie de son école d’application, il est affecté au 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine (1er RPIMa) à Bayonne en 1990.
Il est breveté de l’enseignement militaire supérieur et obtient également le Master of Business of Administration (MBA) d’HEC pendant la période 2000 et 2002.
Détaché à la direction du Trésor au sein du ministère des Finances, il est chargé de la politique économique en Afrique de l’Ouest et du suivi du franc CFA de 2004 à 2006. Il est affecté à l’État-major de l’armée de Terre (EMAT) en charge des relations parlementaires pour l’armée de Terre tout en étant auditeur de l’Institut des hautes études de l’entreprise (IHEE) pendant les deux années suivantes.
En 2008, il prend le commandement du 1er RPIMa.
De septembre 2010 à juin 2011, il est auditeur de la 60e session du Centre des hautes études militaires et de la 63e session de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
En juillet 2011, il devient directeur des opérations au Commandement des opérations spéciales (COS). Il est ensuite affecté au cabinet du ministre de la Défense au poste de chef du bureau réservé d’octobre 2012 à septembre 2017.
Promu général de brigade en 2017, il devient le commandant supérieur des forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) et commandant de la base de défense de La Réunion-Mayotte.
En juillet 2019, il prend la direction du Commandement des opérations spéciales (COS).
Il est nommé directeur du renseignement militaire à compter du 1er septembre 2021, élevé le même jour aux rang et appellation de général de corps d’armée.
Le général de corps d’armée Éric Vidaud a été engagé à plusieurs reprises en opérations extérieures dans les Balkans, en Somalie, en République Centrafricaine, au Congo Brazzaville, en République de Côte d’Ivoire, en Haïti et en Afghanistan.
Officier de la Légion d’Honneur, commandeur de l’ordre national du Mérite, le général de corps d’armée Éric Vidaud est titulaire de la croix de la valeur militaire avec cinq citations.
On chercherait en vain une dimension stratégique. Le type est un homme de main, un de ces baroudeurs à la française, dont l’heure de « gloire » fut la guerre d’Algérie. Donc on le choisit.C’est tout à fait représentatif de l’armée française. D’ailleurs, qu’est-ce que raconte le chef d’état-major des armées Thierry Burkhard au quotidien Le Monde après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ? Que :
« Les Américains disaient que les Russes allaient attaquer, ils avaient raison. Nos services pensaient plutôt que la conquête de l’Ukraine aurait un coût monstrueux et que les Russes avaient d’autres options. »
C’est là encore exemplaire de la mentalité du baroudeur, qui organise un coup, et qui calcule de manière comptable si ce coup est rentable ou pas. C’est la quintessence de l’esprit militaire français, et on reconnaît que le théoricien militaire de l’armée française, c’est Napoléon, avec l’ingéniosité pour les batailles « décisives ».
L’exemple suprême peut-être de la démarche est racontée par Tolstoï dans son fameux roman Guerre et paix. Devant en 1805 prendre un long pont contrôlé par les Autrichiens, Lannes et Murat y vont les mains dans les poches, faisant croire qu’un armistice est signé. Les soldats français suivent pareillement, l’air de rien mais en réalité enlevant les explosifs et prenant le contrôle du pont.
De la subtilité et du panache… Le rêve du soldat français. D’ailleurs, qui est pressenti pour prendre la tête du Renseignement militaire ? Le général Jacques de Montgros, un parachutiste qui a été en Bosnie, au Rwanda, au Tchad, en en République centrafricaine, en Afghanistan… C’est totalement à rebours par exemple de la Defense Intelligence Agency américaine, dont les directeurs sont non pas des baroudeurs, mais des analystes.
C’est à la fois révélateur et riche d’enseignement. Parce que ce sont ces gens-là qui vont diriger la guerre dans laquelle nous précipite la grande bourgeoisie française. Il faut savoir comment ils fonctionnent, car il faudra triompher d’eux !