Promouvoir la paix est une chose, assumer le pacifisme en est une autre.
Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a marqué l’entrée dans une nouvelle époque. Une nouvelle époque démarrée bien avant cela pour quiconque scrute les tensions entre grandes puissances, mais qui a été saisie comme telle par beaucoup de gens à ce moment là.
Mais comme il ne reste plus que très peu de positions de l’expérience du mouvement ouvrier dans le peuple, le retour de la Guerre dite conventionnelle, chars contre chars si on veut, est surtout vue de manière unilatérale par les gens, mais aussi par les organisations de gauche.
Grosso modo, tout serait de la faute de Vladimir Poutine, de son cerveau malade, de sa volonté impériale vue comme volonté d’un autocrate isolé dans sa Tour d’ivoire…
Le problème évident d’une telle analyse, c’est qu’elle néglige les tendances historiques de fond, et par là-même elle n’aide pas à faire émerger une large mobilisation précisément contre la Guerre. Pourtant, on l’aura compris, cette guerre ne relève pas d’une anomalie régionale, ni même d’un passé mal digéré, mais d’une tendance de fond qui doit être le support à une prise de conscience pacifiste.
Ainsi lorsque l’on a vu fleurir à la fin février, des appels à la paix, ils se sont quasi immédiatement transformés en des discours alignés sur l’OTAN et la superpuissance américaine.
Ces prises de position ne servaient qu’à acculer la Russie, pour mieux servir les intérêts de la puissance américaine, et cela est d’autant plus flagrant qu’il n’en reste plus rien aujourd’hui. C’est au contraire la course à qui livrera le plus d’armes à l’armée ukrainienne, pour que ses soldats se fassent massacrer au nom de « l’occident ».
On peut même remarquer que les appels à la paix d’il y a peu de temps ne servaient qu’à masquer une volonté de figer les choses, comme si la guerre d’une grande puissance en Europe relevait d’une erreur et qu’il faudrait conquérir la paix pour mieux revenir au « monde d’avant ». D’ailleurs, l’élection présidentielle avec la réélection d’Emmanuel Macron a bien confirmé cet espoir qui n’est rien d’autre qu’un mirage inatteignable.
Avec le recul, on peut même dire qu’en appeler à la paix dans le contexte actuel de la Guerre en Ukraine sonne comme une perspective momentanée, conjoncturelle, et ne faisant que servir un camp contre un autre. En fait, en appeler à la paix ne vaudrait que si cela était porté concrètement par le peuple ukrainien à la base et en antagonisme avec son propre régime, devenu un vassal des États-Unis. Et qu’il y avait également en Russie une base populaire forte pour dénoncer le militarisme de son pays. Et qu’il y avait dans les pays de l’OTAN une opposition forte et franche à l’armée de chaque pays.
Mais de manière générale, se référer simplement à la paix, et non pas au pacifisme, ce n’est pas aujourd’hui s’opposer à la Guerre, cette tendance qui emporte tout dans le cadre du capitalisme en crise cherchant à se relancer.
Car la Guerre en Ukraine relève bel et bien d’une tendance de fond qui emporte le monder entier. C’est bien ce à quoi s’évertue à expliquer en long et en large agauche.org depuis avril 2021, fidèle aux enseignements historiques du mouvement ouvrier, notamment à sa pointe avancée au début du XXe siècle, la social-démocratie allemande.
Si la social-démocratie historique s’est opposée à l’impérialisme, au militarisme, c’est justement parce qu’elle avait saisi que ces aspects du capitalisme contemporain, n’étaient pas des adjectifs supplémentaires à ajouter à une liste de « revendications ».
Par opposition à l’impérialisme et au militarisme, forcément il fallait non pas opposer un slogan conjoncturel, mais une perspective de fond, puisant dans les entrailles de la société humaine, ce qui aboutissait à la défense du pacifisme, à la mise en avant de l’internationalisme prolétarien. Valeurs contre valeurs en somme.
Le fait même qu’il soit parlé de « pacifisme », ajoutant donc le suffixe isme au mot paix, c’est bien pour souligner que cela relève d’un regard général sur les choses, en opposition à un monde capitaliste qui cherche à se relancer en exacerbant ses caractéristiques mortifères, transformant l’exploitation de l’homme par l’homme en tuerie de masses d’hommes par d’autres masses d’hommes.
Mettre en avant, défendre le pacifisme, c’est avoir compris que la guerre n’est pas une affaire momentanée, conjoncturelle, liée à des enjeux ici ou là, locaux ou régionaux, mais bien un aspect à part entière du capitalisme en crise, à part entière car visant à le relancer par sa base même.
En appeler à la paix ne suffit donc pas. Ce dont on a besoin pour aujourd’hui, et plus encore demain, c’est d’un grand mouvement pacifiste internationale, pour faire face à la lame de fond qui s’empare des sociétés capitalistes et du monde entier.