La Gauche française est dirigée par des cancres politiques.
La Gauche s’est fait torpiller à l’élection présidentielle. C’est entièrement de sa faute, car elle n’a pas su convaincre, ni même simplement s’adresser aux gens. Il se pose maintenant la question de savoir quoi faire pour sauver la mise à l’Assemblée nationale, avec les élections législatives prévues pour le mois de juin 2022.
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, dans la foulée de sa troisième place au premier tour de la présidentielle, a tenté de forcer la main à tout le monde et d’obliger au rassemblement unilatéral sous sa bannière. De surcroît, avec la prétention de pouvoir rafler la mise et d’obtenir une majorité de gouvernement.
Cela ne peut pas marcher évidemment, car chacun sait qu’il n’y a aucun report mécanique du vote « utile » qu’a été Jean-Luc Mélenchon vers un vote local pour tel ou tel député étiqueté, sous la bannière mélenchoniste, « Union populaire ». Cela vaudrait si Jean-Luc Mélenchon était président, mais pas en étant arrivé troisième, donc deuxième des perdants.
Seule une union large de tous les groupements de gauche, ou vaguement de gauche, ou issus de la Gauche, peut créer éventuellement une dynamique électorale, permettant un ralliement massif prenant effet sur les candidatures locales dans chaque circonscription. C’est ce que savait très bien faire le Parti socialiste en son temps, emmenant avec lui tout un tas de vassaux politiques, y trouvant chacun très bien leur compte.
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon saura-t-elle en faire autant ? Peut-être, mais le temps presse et rien de concret n’a abouti fin avril. C’est que la France insoumise paye chèr son positionnement magmatique, censé ouvrir la porte à n’importe qui, n’importe comment. Car en vérité, ce genre de chose à gauche suscite surtout beaucoup de méfiance, étant considérée comme floue. Et comme le dit l’expression (expression inappropriée car injustement méprisante pour les loups) : quand c’est flou c’est qu’il y a un loup.
Toujours est-il que c’est la France insoumise qui a la main, à défaut d’autre chose, tant toutes les autres forces sont ridiculement faibles, et isolées. Alors il y a des tractations, ou en tous cas il est parlé de tractations. Le PCF de Fabien Roussel (qui était avec Jean-Luc Mélenchon aux élections d’il y a cinq ans) tente de vendre à prix d’or son ralliement derrière une barrière commune, en faisant des comptes d’apothicaires.
Il faut additionner les 7 millions de voix de Jean-Luc Mélenchon aux 3 millions obtenues par Anne Hidalgo, Yannick Jadot et lui-même, pour faire 10 millions au moins, et facilement 11 millions, dit-il. Mais pour cela le PCF veut au moins 16 investitures, alors que la France insoumise ne lui en propose que 11, toutes concernant des « sortants ». C’est donc 5 qui manquent, le compte n’y est pas.
Du côté du Parti socialiste et d’Europe Écologie-Les Verts, le problème est bien plus politique. Il y a la considération, comme l’a fort habillement résumé le socialiste Jean-Christophe Cambadélis, que la proposition d’union ne porte pas tant sur une « coalition » que sur une « reddition ».
Et en effet, on entend tous ces gens se critiquer par médias interposés, mettre sur la table leurs divergences, poser des « lignes rouges », etc. Mais n’ont-ils jamais fait de politique avant ? Est-ce vraiment si difficile pour eux de discuter autour d’une table et de venir présenter publiquement quelques points majeurs pour créer des dynamiques locales dans chaque circonscription ?
D’ailleurs, on se demande bien pourquoi une telle coalition n’a pas existé avant. D’Europe Écologie-Les Verts à la France insoumise, du PCF au PS, en passant par Génération-s, Place publique, La Gauche républicaine et socialiste, La Gauche démocratique et sociale, etc., tous ces gens disent peu ou prou la même chose sur l’immense majorité des sujets. Ils portent les même valeurs, rejettent les mêmes valeurs.
La France insoumise d’ailleurs a tenté le coup, en mettant en avant seulement trois points incontournables : la retraite à 60 ans, la 6e République, la planification écologique.
Cela ne va pas chercher bien loin et c’est largement suffisant. Alors on peine à comprendre pourquoi ce n’est pas déjà réglé depuis une semaine au moins. La Gauche, ou ce qu’il en reste, semble se diriger vers une nouvelle humiliation électorale plutôt que de se retrousser les manches et y mettre un minimum du siens avec une ligne pourtant ultra minimaliste et facile.
Mais quelqu’un comme Julien Bayou préfère raconter :
« Nous c’est très simple : on a des convictions, elles sont à prendre ou à laisser. Nous sommes prêts à discuter d’une coalition, de grandes mesures programmatiques qui font un projet de gouvernement, simplement si vous me dites qu’il faut sortir de l’Europe et reprendre le nucléaire, ce sera sans nous, c’est très simple. »
Ok, mais alors dans ce cas, pourquoi ne pas plutôt faire alliance avec Emmanuel Macron, et ne pas faire perdre du temps à la Gauche ? A moins que ce soit là justement le rôle de tous ces gens : affaiblir la Gauche de l’intérieur, pour la faire disparaître ?
En attendant, il n’y a aucune dynamique démocratique locale qui soit possible, tant tout le monde est suspendu à d’hypothétiques négociations nationales, qui sont menées, ou prétendument menées, par de piètres dirigeants politiques.
Tout cela est bien fade, et très loin du peuple. Mais si encore cette Gauche avait des valeurs et s’accrochait à des principes solidement ancrés. Cependant, pas du tout, il n’y a aucune valeur, par exemple personne ne parle jamais des animaux, et il n’y aucun principe, le refus de la guerre et le rejet de l’OTAN devrait pourtant en être un fondamental.
L’addition s’annonce très salée pour juin prochain.