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Henri Guaino donne des arguments pour justifier la guerre

Il dit à la bourgeoisie ce qu’elle a besoin d’entendre.

Il dit à la bourgeoisie ce qu’elle a besoin d’entendre.


Henri Guaino est une des principales figures du néo-gaullisme en France, remportant beaucoup de succès intellectuel et médiatique pendant les années 2010. Il a été conseiller spécial de Nicolas Sarkozy alors président de la République, écrivant ses discours les plus marquants, et il en garde une grande aura à Droite (malgré qu’il soit souvent considéré comme trop social, voire presque de gauche).

Lorsqu’il prend la parole, cela est en tout cas très écouté et apprécié dans la bourgeoisie française. Ses propos sont considérés comme une sorte de synthèse un peu piquante de ce qu’il faut penser pour « la France » telle que la conçoit la bourgeoisie française, en tous cas ses franges les plus puissantes, et disons, traditionnelles. Autrement dit, on ne parle pas là des ultra-modernistes, des entrepreneurs startupers fascinés par la silicon valley et l’idéologie LGBT, mais de gens qui lisent chaque jour Le Figaro avec une grande attention, qui envoient leurs enfants dans les établissements les plus prestigieux pour en faire forcément, d’une manière ou d’une autre, les administrateurs de la société française.

Voici ce qu’explique Henri Guaino à cette bourgeoisie française, dans un article du Figaro du vendredi 13 mai au titre lyrique : « Ukraine : nous marchons vers la guerre comme des somnambules ».

Il raconte ni plus ni moins que la guerre est inévitable, que la rupture avec la Russie est bien trop consommée, que la tendance est inaltérable. Cela en dit très long sur l’état d’esprit pouvant régner dans la bourgeoisie française, pour qu’Henri Guaino assume un ton aussi unilatéral, et que le Figaro le reprenne et le mette en avant sur son site pendant tout le week-end.

Henri Guaino le néo-gaulliste se pose de manière extérieure et supérieure à la situation, précisément car l’idéologie qu’il incarne a pour objet de placer la France de manière extérieure et supérieure au grand concert des nations marqué par les conflits d’intérêts.

C’est une fable bien sûr, car la France depuis 1848 n’est pas et n’a jamais été en dehors du capitalisme mondial, elle n’est pas « neutre », c’est au contraire une championne de l’exportation de ses capitaux, c’est une championne des délocalisations et du made in China, c’est une championne de la fabrication et de la vente de matériel militaire, etc.

C’est également une fable que la position d’Henri Guaino se voulant au-dessus de la mêlée, constatant avec bravoure et philosophie la terrible situation. Mais que dit-il précisément ?

Il commence par expliquer qu’en 1914, personne ne voulait la grande boucherie de la guerre mondiale, mais que cela s’est fait par un enchaînement tragique historique. Il dit ensuite que c’était la même chose pour la seconde guerre mondiale, et qu’on a par contre échappé au pire pendant la guerre froide grâce à l’intelligence des dirigeants de l’époque (dont le Général de Gaulle est censé faire partie).

Tout cela pour introduire l’idée que c’est exactement ce qu’il se passe actuellement avec la guerre en Ukraine. Henri Guaino n’hésite pas à mettre l’OTAN et la Russie dos à dos, ce qui dénote dans le Figaro, furieusement atlantiste et anti-Russie depuis le mois de février. Mais justement, c’est son rôle que de servir de poil à gratter pour dire ce qu’il faut entendre dans la bourgeoisie.

Et la bourgeoisie française entend donc ce qu’elle a besoin d’entendre : ce n’est pas de sa faute, mais elle va aller à la guerre. Voilà tout.

Bien sûr, Henri Guaino est très fin dans sa façon de le dire. Il fait mine de demander où est la voix de la France comme en 2003 pour dire « non » à la guerre en Irak, pour surtout sous-entendre ensuite que c’est trop tard, et que « nous marchons vers la guerre comme des somnambules ».

Évidemment, il a raison de constater la tendance à la guerre, il a raison de dire que la superpuissance américaine, avec sa façon d’acculer la Russie, de la poussée dans ses retranchements, ne peut que déclencher le pire.

Mais Henri Guaino n’est pas un socialiste, il n’est pas pour la grande union des peuples du monde derrière le drapeau rouge pour le pacifisme en écrasant les fauteurs de guerre. Henri Guaino est un néo-gaulliste, et donc sa tendance naturelle est l’expression du nationalisme français, reflet de la position de puissance secondaire mais majeure qu’est la France et son capitalisme.

Alors, pas de pacifisme, pas de rejet concret et actif du bellicisme : juste un beau discours pour la bourgeoisie française, afin qu’elle affûte ses arguments disant qu’elle ne fait que constater les choses et est entraînée malgré elle par l’Histoire, et bientôt la guerre.

D’ailleurs, le terme « bientôt » est impropre, car la France participe déjà activement et concrètement à une guerre contre la Russie depuis février 2022. Une guerre politique, culturelle et économique. Mais aussi une guerre militaire avec des livraisons d’armes et du conseil militaire (en plus de l’envoi probable d’officiers et de pseudo-mercenaires).

Henri Guaino ne dénonce pas concrètement la position de la France, il ne fait qu’acter le fait que la France est bien trop insérée dans ses liens avec l’OTAN et qu’elle ne pourra pas faire autrement que d’aller dans le sens de la guerre aux côtés de la superpuissance américaine. C’est ici concrètement un échec de sa position néo-gaulliste modérée. Cela souligne de ce fait la menace d’une ligne néo-gaulliste ultra-agressive émergeant de la haute bourgeoisie refusant la rétrogradation de la France comme puissance de second rang se plaçant unilatéralement derrière la superpuissance américaine.

Toutefois, quelles que soient les options, c’est en tous cas la guerre qui se profile. A moins que la Gauche, reflétant la classe ouvrière consciente, renverse la table et fasse la guerre à la guerre.