Il n’est pas tourné vers l’Afrique, mais vers les grandes universités américaines.
Immédiatement après son entrée en fonction comme ministre de l’Éducation vendredi 20 mai 2022, Pap Ndiaye a donné le ton :
« je suis peut-être un symbole, celui de la méritocratie, mais aussi, peut-être aussi, celui de la diversité. Je n’en tire nulle fierté, mais plutôt le sens du devoir et des responsabilités qui sont désormais les miennes. »
Il n’en tire aucune fierté, mais il en parle quand-même dans sa prise de parole de quelques minutes, sans que cela n’ait de rapport avec l’Éducation nationale. Voilà qui illustre très bien la perspective de Pap Ndiaye : il est un militant racialiste à l’américaine, avec une bonne dose d’indigénisme à la française. Tout ce qui compte, c’est de focaliser sur la couleur de peau, de manière identitaire, voire franchement raciste.
Il y a pourtant une tradition républicaine bourgeoise en France qui est de ne pas parler de sa couleur de peau, car ce n’est pas important, et surtout cela ne doit pas être un sujet. Il peut être parlé des origines, d’un parcours personnel lié à l’immigration et à l’intégration à la France, mais nullement pour en faire un sujet principal, surtout pas d’entrée de jeu.
Prenons un exemple très concret et tout aussi récent : la nouvelle ministre de la Culture Rima Abdul Malak. Elle est née dans un pays arabe, le Liban, et arrivée en France à 10 ans. Mais ce n’est pas un sujet dans sa prise de parole après son entrée en fonction. Elle a plutôt parlé de la culture, félicitant au passage sa prédécesseure pour avoir récité du Molière, du Racine, du Joachim du Bellay, bref la culture classique française.
Précisément ce que rejette Pap Ndiaye et la mouvance racialiste post-moderne qu’il incarne. Et ce, de manière caricaturale. Alors l’extrême-Droite s’est régalée après son entrée en fonction, tellement son parcours est grossier et grotesque : participation à des réunions « interdites aux blancs » et discours sur le « racisme d’État », dénonciation de la Police nationale comme marquée par un « racisme » institutionnel, discours sur les « violences policières », etc.
Il fait d’ailleurs partie des gens ayant soutenu de très près les militants racialistes du comité Adama Traoré. Il a pour référence les racialistes Franz Fanon et Aimé Césaire, qui tous deux assument un ethno-différentialisme profondément marqué. Et tout comme eux, il est totalement intégré et inséré dans les grandes institutions françaises. Son parcours scolaire est absolument lisse, dans des établissements très bourgeois : lycée Lakanal de Sceaux, classes préparatoires au Lycée Henri-IV de Paris, École normale supérieure à Saint-Cloud, agrégation d’histoire, thèse d’histoire aux États-Unis et enfin maître de conférences à l’EHESS.
C’est là, dans ce bastion de la « gauche » postmoderne, qu’il a développé son créneau universitaire racialiste, focalisant sur la couleur de peau de la peau des gens. Il a pour cela écrit un livre au titre évocateur : La Condition noire : essai sur une minorité française, tout en étant partie prenante du « Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) ».
Pap Ndiaye est un racialiste tellement forcené qu’il était opposé à la suppression du mot « race » dans la Constitution française en 2018. Voici le verbiage universitaire dont il faisait usage dans Le Monde pour justifier sa position :
« Même s’il est évident que la « race » n’existe pas d’un point de vue biologique, force est de constater qu’elle n’a pas disparu dans les mentalités : elle a survécu en tant que catégorie imaginaire historiquement construite, avec de puissants effets sociaux.
Même si l’intention est louable, abolir la « race » dans les sciences sociales ou la Constitution ne fera pas disparaître les discriminations fondées sur elle. L’usage de la catégorie raciale n’implique pas un engagement ontologique douteux du législateur ou du chercheur sur l’existence des « races », mais l’utilisation pragmatique d’une catégorie située pour décrire des phénomènes discriminatoires. »
Et donc, cette personne est maintenant ministre de l’Éducation nationale. Cela en dit très long sur l’état de décomposition morale et politique de la France. C’est là un aspect évident de la crise, car une telle personne avec un telle discours aurait été impensable il n’y a ne serait-ce que dix ans. La France s’américanise, mais pas dans le bon sens : elle copie dans ce qu’il y a de pire le monstre qu’est la superpuissance américaine, et elle va s’effondrer aussi brutalement qu’elle.
On notera au passage que Jean-Luc Mélenchon trouve cela très bien. Selon lui, Pap Ndiaye est un « grand intellectuel », et sa nomination relève de « l’audace ». Ce n’est pas étonnant : on assiste en France à un découpage à l’américaine entre « Républicains » et « Démocrates », Emmanuel Macron tentant d’unir pour l’instant les uns et les autres, en lessivant le reste. Et Pap Ndiaye représente typiquement ces gens voulant ré-impulser le capitalisme au moyen de réformes sociétales.
Comment ne peut-on pas le voir d’ailleurs ? C’est tellement évident que le capitalisme, s’il un a côté conservateur, de repli nationaliste-belliciste, a également un côté cosmopolite – relativiste de toute morale pour oeuvrer à élargir son marché. Ne pas voir cela c’est ne pas regarder le capitalisme dans sa contradiction interne qui saute pourtant aux yeux !