La mer Égée est au cœur de la bataille pour le repartage du monde.
Cela fait des années et des années que la Grèce et la Turquie se toisent du regard, s’invectivent, s’accusent, se provoquent, etc. Et la France est pleinement partie prenante de ces tensions.
En 2020, l’opposition entre la Grèce et la Turquie a pris une nouvelle tournure, au point que le risque de guerre s’est avéré imminent. La France est intervenue militairement au côté de la Grèce, et a dénoncé sans vergogne la Turquie, jetant ainsi de l’huile sur le feu. Puis elle s’est officiellement alliée à la Grèce.
Un nouvel épisode de cette saga guerrière s’est produit mardi 31 mai 2022. En arrière plan, il y a la Turquie qui reproche à la Grèce de sur-armer ses îles proches du territoire continental turc en mer Égée. Le ministre turc des Affaires étrangères a fait une déclaration choc à ce sujet, dans laquelle il dit notamment :
« La Grèce a violé le statut de ces îles et doit les désarmer. Sinon, un débat sur leur souveraineté commencera ».
Autrement dit, la Turquie reproche à la Grèce de ne pas respecter ses engagements historiques et menace de ne plus lui reconnaître ces îles. Rappelons que ce qui intéresse la Turquie ce ne sont pas ces îles en elles-mêmes, mais leurs eaux territoriales adjacentes.
Cela fait que la Turquie pourrait profiter de la situation pour enfin s’approprier des eaux (et leur sous-sol) qu’elle considère comme les siennes depuis des années. Le problème, on l’aura compris, c’est que justement si la Grèce sur-arme les îles en question, c’est précisément parce que de son côté elle considère que sa souveraineté est menacée.
De quelque manière qu’on prenne le problème, ce ne peut être que l’escalade. Il ne manque plus qu’une étincelle pour que le baril de poudre qu’est cette situation, explose. Et la France a clairement pris parti, et assumera s’il le faut un conflit militaire avec la Turquie, ce qu’elle souhaite même en fait, considérant que c’est un adversaire à sa portée.
D’où une prise de position unilatérale pour la Grèce, comme l’a annoncé Emmanuel Macron, dans une série de remarques à la presse sur cette question, lors d’un sommet européen. Il a parlé de la souveraineté territoriale de la Grèce, qu’il faut absolument défendre face à la Turquie.
Alors ce n’est pas nouveau, certes. La France est déjà engagée militairement auprès de la Grèce face à la Turquie, elle a déjà participé à des manœuvres en août 2020 avec trois avions Rafale, la frégate La Fayette et un hélicoptère. Et donc, surtout, la France a un pacte d’intervention avec la Grèce, comme nous l’expliquions ici en octobre 2021.
Mais nous sommes dans une situation de crise. La France, qui est une puissance en perdition, doit être de plus en plus agressive pour continuer à exister sur la scène internationale. Alors elle se pose comme gendarme de la Méditerranée, qu’elle considère comme sorte de prolongement naturel de son passé impérial puis colonial, avec le Liban comme aboutissement.
En pratique cependant, la France n’agit nullement comme un gendarme, elle n’arbitre rien dut tout mais prend clairement part à un conflit. Ce conflit fait partie des grands points d’accroche mondiaux pouvant mener à une nouvelle grande guerre mondiale.
Pour l’instant, la situation est même relativement figée, en raison de la complexité de la formation de grands blocs, nécessaire historiquement à la dégénération en une guerre mondiale. Concrètement, si on prend la question Ukrainienne, on voit tout de suite que cela freine tant la Grèce que la Turquie. Les deux sont dans la même position, au sein de l’OTAN donc tournée vers l’Ukraine en raison de leur soumission à la superpuissance américaine, mais en même temps ils sont chacun naturellement tournés vers la Russie avec la perspective d’exister de manière plus puissante en étant du côté de la Russie.
Tant la Grèce que la Turquie ont une position bien moins tranchante que les autres membre de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. La Grèce est accusée d’aider objectivement la Russie à contourner les blocus, via ses ports. La Turquie assume officiellement de bloquer l’élargissement de l’OTAN contre la Russie, en raison du soutien suédois aux forces kurdes indépendantistes.
Cela peut néanmoins changer à tout moment, car personne ne décide de rien. C’est la crise qui décide de tout et précipite la monde. Toutefois, il est clair que la France participe activement à envenimer la situation en mer Égée, poussant objectivement la Turquie dans les bras de la Russie, et tirant la Grèce vers elle pour qu’elle se soumette avec elle entièrement à l’OTAN… avec l’espoir de bousculer la Turquie.
C’est la bataille pour le repartage du monde.