C’est le grand repartage qui est visé.
Si la Russie a des visées impériales, les autres grandes puissances en ont tout aussi et l’un de leurs objectifs est justement de dépecer la Russie. Lech Walesa, la grande figure de l’opposition ouvrière et malheureusement catholique à la domination russe dans le cadre de l’URSS comme superpuissance des années 1980, a ainsi tenu les propos suivants sur LCI :
« On compte 60 peuples qui ont été annexés comme les Ukrainiens aujourd’hui. Il faudrait soulever ces peuples qui ont été annexés par la Russie (…). Il faut soit changer le système politique de la Russie, soit la ramener à une population de moins de 50 millions d’habitants. »
C’est un discours qu’on trouve de manière récurrente depuis plusieurs mois déjà, y compris avant l’invasion. Voici une carte qu’on peut trouver ici ou là, parmi beaucoup d’autres.
Il n’est pas étonnant que Lech Walesa exprime ce point de vue car son opposition à la Russie hégémonique s’est alignée, depuis le départ, sur le nationalisme polonais et le Vatican. Ce sont deux forces qui aimeraient réduire la Russie à une « Moscovie » afin de pouvoir dominer dans la région. Il faut rappeler ici que la Pologne catholique a été jusqu’à Moscou au début du 17e siècle, alors qu’elle était une très grande puissance, puis les choses se sont totalement inversées en faveur de la Russie.
Le discours ukrainien depuis plusieurs mois consiste également à vouloir réduire la Russie à une Moscovie. Et ces nationalismes polonais et ukrainien convergent avec les objectifs de la superpuissance américaine de manière ouverte. Lech Walesa a pu ainsi expliquer sur LCI que :
« On doit comprendre que l’Occident développe son pouvoir par l’OTAN, par l’UE, en s’élargissant mais c’est par voie démocratique. La Russie le fait par la violence. »
Cet objectif de dépecer la Russie est au cœur de l’initiative de l’OTAN, parce que sinon il serait impossible d’obtenir l’unité de pays aux intérêts divergents. La prise de contrôle de la Russie est l’objectif avoué du Royaume-Uni, qui est d’une agressivité totalement folle : il est peu présent dans la région et a tout à gagner. Le port d’Odessa est son objectif principal.
L’Allemagne, très présente quant à elle dans la région, n’a pu être poussée dans le soutien à l’Ukraine, et encore avec difficulté, que par une proposition justement de s’élargir à l’Est, aux dépens de la Russie : sans cet objectif, elle a tout à perdre, car elle gagnait énormément d’un statu quo.
La France est entre les deux, et elle penche du côté où elle a le plus à gagner, et verrait bien la Russie perdre maintenant qu’elle s’en est retirée et qu’elle a perdu toutes ses positions là-bas.
Il est en fin de compte considéré que le gâteau russe est tellement grand qu’il satisfera bien tout le monde, au moins pour un temps. Si cela rate par contre et que la Russie gagne, les contradictions entre grandes puissances vont alors devenir très rapidement explosives.