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Dmitri Medvedev et le « jugement dernier » pour l’Ukraine si elle touche à la Crimée

Le danger est plus que réel.

Le danger est plus que réel.

Dmitri Medvedev était auparavant présenté par les « experts » comme quelqu’un de mesuré ; désormais, il fait figure de tête brûlée du régime russe, par lequel il est de plus en plus mis en avant comme un homme à poigne, une sorte de Vladimir Poutine bis.

Lorsque Vladimir Poutine ne pouvait plus être président, en raison de deux mandats consécutifs, c’est d’ailleurs Dmitri Medvedev qui a servi de président homme de paille de 2008 à 2012. Il a ensuit été à la tête du gouvernement de 2012 à 2020, puis vice-président du Conseil de sécurité de Russie (Vladimir Poutine étant le président). Il est également depuis 2012 à la tête de « Russie unie », le parti présidentiel.

Bref, c’est quelqu’un qui compte dans le régime russe et voici les propos qu’il vient de tenir au sujet de la Crimée, récupérée par la Russie en 2014 au moyen d’un coup de force et d’une annexion aux dépens de l’Ukraine, même si historiquement la Crimée est russe.

« Des clowns sanglants exaltés qui apparaissent périodiquement là-bas [en Ukraine] avec des déclarations essaient également de nous menacer, je veux dire l’attaque contre la Crimée, etc. Si quelque chose comme ça se produit, pour tous, le jour du jugement viendra d’un coup, très vite et durement, il sera très difficile de se cacher. »

Cela fait suite à des propos ininterrompus de la part du régime ukrainien, qui cette dernière semaine explique que la guerre ne cessera pas avant que l’ensemble de l’Ukraine d’avant 2014 ne soit reconquise. Cela va de pair avec un jusqu’au boutisme ultra-nationaliste et belliciste, alors que le régime ukrainien connaît lui-même beaucoup de problèmes internes.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a ainsi limogé la procureure générale Iryna Venediktova et le chef des services de sécurité Ivan Bakanov, dans le cadre d’une grande enquête sur l’influence des réseaux russes. C’est un signe de panique, naturellement, surtout alors qu’Ivan Bakanov est un grand ami du président ukrainien, et ce depuis l’enfance, les deux ayant participé au business des médias avant leur lancée en politique.

C’est que le régime ukrainien est à un moment clef. Sur le terrain, il perd : les opérations russes grignotent toujours plus de territoire, l’armée ukrainienne se délite, la tendance est très mauvaise et dans l’état, l’Ukraine ne passera pas l’hiver en raison du manque de ressources pour se chauffer, voire se nourrir.

Le régime maintient pourtant la fiction d’une vaste contre-offensive, sans cesse repoussée : il a été parlé de l’été, de septembre, possiblement avant la fin de l’année… Mais en pratique ce n’est pas possible.

La raison de cette fiction est l’arrivée de matériel américain, français, allemand… permettant hypothétiquement de neutraliser l’armée russe. On parle ici de lance-roquettes multiples, avec des roquettes extrêmement précises (et extrêmement onéreuses, on parle ici autour de 150 000 dollars la roquette).

Il s’agit des Himars américains (qui sont au nombre de 21 pour l’instant), des CAESAr  français… qui frappent à grande distance, 50-300 km selon le type, puis se déplacent rapidement pour éviter de subir des représailles. C’est là quelque chose de très technique et il est fort probable qu’il y ait sur place du personnel militaire américain, français, allemand, britannique, canadien, etc.

Ces deux dernières semaines, l’armée ukrainienne a pu ainsi détruire chaque jour en moyenne un dépôt de munitions russe.

Pour faire simple, on a ainsi en gros l’armée russe qui bombarde à coups d’obus pas forcément précis, mais faisant masse, avec des stocks immenses, et l’armée ukrainienne qui espère obtenir des lance-roquettes multiples mobiles, de manière suffisante pour renverser la vapeur. Or, même si les pays occidentaux le voulaient, ils ne pourraient pas fournir des centaines de tels armements avec leurs munitions, car ils ne sont pas disponibles.

Ils peuvent cependant en fournir suffisamment pour prolonger la guerre en Ukraine et frapper en Russie même, notamment en Crimée. D’où l’avertissement de Dmitri Medvedev, alors qu’en plus l’Union européenne vient de décider, par une réunion des ministres des Affaires étrangères, de fournir 500 millions d’euros de plus d’armement à l’Ukraine (ce qui fait un total de 2,5 milliards d’euros).

On est ici dans un processus d’escalade : la superpuissance américaine utilise l’Ukraine comme chair à canon, les pays de l’Union européenne acceptent cela car cette institution est désormais pieds et poings liés par rapport à l’OTAN (et ce de manière officielle), la Russie comprend cela comme un vaste défi à ses ambitions impériales.

Vu ainsi, la guerre en Ukraine est partie pour durer… alors que vont s’enchaîner les événements la transformant, inexorablement, de manière prolongée et contradictoire, en troisième guerre mondiale.