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Parlement : où est la voix du pacifisme à gauche ?

Perdue entre les social-patriotes et les euro-libéraux.

Perdue entre les social-patriotes et les euro-libéraux.

Mardi 26 juillet avait lieu devant la commission de défense de l’Assemblée nationale la présentation du futur projet de loi pour la ratification du protocole d’accession de la Suède et de la Finlande à l’OTAN.

C’est la députée de la majorité présidentielle Natalia Pouzyreff qui en tant que rapporteuse du projet de loi a énoncé devant les différents membres de la commission les enjeux de ces adhésions, reprenant de bout en bout la litanie américaine à propos de la « menace russe » et de la nécessité d’apporter soutien à l’adhésion des deux pays nordiques à l’OTAN.

Après avoir présenté vaguement la « contribution » militaire de ces deux pays à l’alliance atlantique, elle a dévoilé le principal objectif qui est l’ « apport de profondeur stratégique sur le flanc oriental », consistant en fait à accentuer une logique de bloc contre bloc, et donc l’engrenage belliciste.

Les présidents de chaque groupe parlementaire devaient à la suite de cette présentation exposer leurs positions en vue du prochain vote à l’Assemblée nationale le 2 août. La Gauche était en droit d’attendre la défense de positions pacifistes et internationalistes. Or, comme l’ont déjà montré les votes au Sénat des différentes groupes parlementaires de « gauche », rien de tout cela n’est ressorti et la NUPES révèle d’ailleurs ces craquements sur ce sujet si fondamental.

Pour Aurélien Saintoul, président du groupe LFI, il n’a fait que simplement regretter un « mécanisme de polarisation des relations internationales » qui ne serait pas dans l’intérêt des pays nordiques, ni dans celui de la France alors que leur adhésion à l’Union européenne et leur participation aux exercices de l’OTAN suffiraient à les protéger.

Mais le pire est sûrement les propos du député LFI Frédéric Mathieu qui, tout en dénonçant les positions pro-OTAN de la présidente du groupe EELV Anne le Hénanff et plus indirectement celle d’Isabelle Santiago, présidente du groupe PS, également pro-OTAN, fustige ces adhésions car cela renforcerait l’industrie militaire américaine, au détriment du complexe militaro-industriel français (pompeusement dénommé par son nom institutionnel « base industrielle technologique de défense » – BITD).

La paix et la solidarité entre les peuples, dans tout cela ? Pas un mot. La Gauche est inexistante dans cette affaire, puisque l’on a droit à un alignement chauvin sur la France, ou bien une position pro-OTAN, pro-UE par le PS et EELV, ce dernier par la voix de sa présidente Anne le Hénanff reprenant tout l’argumentaire de la propagande anti-russe.

Et malheureusement, comme on en a que trop l’habitude, c’est la démagogie d’extrême-droite qui réussit à dénoncer les arguments pro-OTAN tenus par la majorité présidentielle, même si le groupe préconise une bien timide abstention puisqu’au fond l’idée est surtout de pouvoir tisser une alliance militaire « autonome » avec ces pays nordiques.

Toujours est-il que seul Laurent Jacobelli, président du groupe RN, a rappelé que les deux pays nordiques étaient liés militairement depuis longtemps aux États-Unis, rappelant le « renoncement du programme militaire suédois dans les années 1980 fait en contrepartie d’une garantie d’assistance militaire par les États-Unis » et interprétant ces adhésions comme un « signal belliqueux envoyé à la Russie ».

Pire, bien pire car cela devrait être le B-A-BA d’une position de Gauche en relation avec un rejet franc de ce projet de loi, Laurent Jacobelli a eu ces propos en fin de commission :

N’oublions pas quand même que notre objectif, en tout cas je l’espère mes chers collègues, n’est pas la guerre et madame la rapporteur j’ai été, je le crois, assez étonné, même un peu surpris de vos propos, toujours précis et toujours très clairs, mais vous nous avez expliqué que l’on avait essayé la diplomatie, vous nous avez expliqué que l’on avait essayé les représailles économiques, que tout ça n’avait pas marché et qu’on avait un ennemi qui est la Russie. J’ai très peur de la troisième étape. Donc faisons attention aux éléments qui pourraient laisser imaginer que nous sommes dans une attitude de vouloir la troisième guerre mondiale

Évidemment, il ne faudrait pas tomber dans le piège tendu par l’extrême-droite qui est d’apparaître comme pacifiste pour mieux être populaire. On sait combien le RN souhaite redessiner un axe nationaliste pour la France, en partenariat notamment avec la Russie.

Et c’est cela qui est inquiétant car sans une dénonciation ferme du bellicisme pro-OTAN sur une base internationaliste, c’est un mauvais substitut qui triomphera dans une partie de l’opinion publique, à savoir le fascisme… Espérons que les députés PCF, visiblement absents lors de cette présentation à la commission, assumeront cela lors des débats à l’assemblée nationale le 2 août.