C’est le collectivisme qui doit primer.
Depuis plusieurs années, le maire de Saint-Gervais-les-Bains, connu pour ses prises de parole grandiloquentes, se fait remarquer par des sorties médiatiques à l’encontre de randonneurs qui tentent l’ascension du Mont-Blanc sans aucune préparation physique et avec des équipements plus que légers.
Il faut dire que l’afflux toujours plus grand de touristes dans la vallée du Mont-Blanc s’accompagne de personnes qui pensent l’ascension du toit de l’Europe à portée de main… Comme ce jour d’été 2019 où un ancien commando marine britannique avait voulu grimper sur le toit de l’Europe accompagné de son rameur de musculation… qu’il abandonna finalement.
Bref, on nage en plein délire. Il n’est pourtant pas compliqué de comprendre qu’une ascension à 4 800 mètres d’altitude, soit près de 2 500m de dénivelés pour 11 h d’ascension à travers des chemins escarpés et des glaciers n’a rien d’anodin, cela impliquant un type de matériel et une préparation physique et mentale minimale.
Et cela d’autant plus que dans le contexte du réchauffement climatique qui voit se succéder canicules et sécheresses depuis de nombreuses années, le Mont-Blanc et plus généralement les Alpes subissent d’importants changements, certains parlent même d’« effondrement ».
Ce qui est d’ailleurs concret puisqu’avec la fonte à vitesse grand V des glaciers d’altitude mais aussi du permafrost (cette couche intérieure de montagne en permanence gelée et faisant office de ciment), les éboulements n’en finissent pas et présentent de graves dangers pour les alpinistes.
Pour le seul mois de juin, la Mer de glace a par-exemple perdu 3,5 m d’épaisseur, ce qui rappelle que les Alpes se réchauffent en moyenne plus et plus vite que le reste du globe, sous l’effet de la diminution de l’albédo avec la fonte des glaciers.
Et pourtant, il y a toujours une foule d’inconscients qui s’imaginent être au-dessus des autres et des risques et qui y vont quand même, en étant mal équipés, se comportent mal et polluent la montagne. Si le problème n’est pas nouveau et ne concerne pas seulement les conditions climatiques, celles-ci amènent le cynisme de la situation à son paroxysme.
Ainsi, ce jeudi 4 août, Jean-Marc Peillex, le maire de la commune de Saint-Gervais en Haute-Savoie a publié un communiqué de presse menaçant d’un arrêté municipal informant les candidats à l’ascension du Mont-Blanc qu’ils devraient payer une caution de 15 000€ en raison de la dangerosité de la montagne à cause des conditions climatiques.
En réalité, il est impossible pour un maire d’appliquer une telle mesure et c’est pourquoi Jean-Marc Peillex a surtout pris la décision de fermer les deux refuges permettant de faire l’ascension par la voie normale en plusieurs jours.
C’est qu’actuellement la majorité des guides de haute-montagne locaux ont suspendu leurs activités sur les courses sujettes à de nombreuses instabilités, éboulements, ponts de neiges fragiles, trous et crevasses anormalement découvertes.
Seuls les itinéraires où la roche est liée au permafrost sont concernés, soit au dessus de 2000m, dans l’environnement des glaciers.
Le maire n’a évidemment pas le pouvoir de demander une telle caution, mais l’arrêté symbolique était sensé montrer le coût potentiel de cette inconscience à la collectivité et aux proches : un secours représente en moyenne 10 000€, en cas de décès on rajoute 5 000€ de sépulture.
Suite à cela, Jean-Marc Peillex a fini par prendre la décision de fermer le refuge du Goûter et celui de Tête Rousse, les refuges étant sous administration municipale. Cette mesure présentée comme quelque chose d’ »autoritaire » relève pourtant du strict bon sens, du bon sens collectif.
Car cette mesure de fermeture, c’est le cri d’alarme de la société face à des comportements produits par une société de consommation où l’individu se pense roi et au-dessus de tout, y compris et surtout au dessus de la Nature…
Évidemment cela ne doit pas être un prétexte à une mise en avant romantique des origines de l’alpinisme marquée par une approche aristocratique, mais à un bon en avant vers le collectivisme qui doit être aux postes de commandes des valeurs de la société.
Face aux effets du réchauffement climatique, il n’est plus question de se penser comme un individu libre de tout, plus question de parler de libre-arbitre, mais de faire en sorte que la collectivité se répare elle-même en se réintégrant correctement dans la Nature.