Il ne faut croire aucun compte-rendu !
C’est une chose capitale, qu’il faut absolument comprendre pour saisir la stratégie russe, mais également en partie la stratégie ukrainienne, car la source est la même : la stratégie soviétique. Dans la stratégie soviétique, pris au sens le plus large possible, il y a militairement deux aspects se répondant l’un l’autre.
Le premier, c’est que l’ennemi doit être démoli par une artillerie massive et pour cela il doit idéalement se retrouver dans une poche sans sortie possible.
Le second, c’est que le leurre doit être une mesure systématique, au point que sa mise en place doit être réalisé parallèlement par plusieurs organismes indépendamment les uns des autres afin de faire un maximum d’effet.
Cela veut dire la chose suivante. L’armée ukrainienne revendique que ses petites contre-attaques se sont transformées en contre-offensives en trois points. Il y aurait tout au nord une attaque permettant même de pénétrer ou de prendre la ville de Balaklaïa (25 000 habitants). Un peu plus bas il y aurait pareillement une avancée, et surtout au niveau de Kherson il y aurait une telle avancée qu’une poche russe de 20 000 soldats environ est possiblement encerclée à terme, et coupée de ressources en raison du fleuve sur son flanc Est, le Dniepr.
Il ne faut en fait pas dire « il y aurait », mais « il y a ». Seulement, on ne sait pas en quelle proportion, et surtout cela implique de raisonner ainsi : l’armée russe est débordée, prise de court… ou bien elle laisse faire avec une véritable mise en scène, en laissant même du matériel pour rendre crédible une forme de « débâcle » à petite échelle.
Ce qui rend fort crédible cette hypothèse, c’est que tout d’abord comme dit plus haut telle est la tradition militaire russe du leurre… Qu’ensuite l’armée russe était fortement installée depuis des semaines voire des mois dans la zone, ayant ainsi le temps de tout fortifier… Et que justement comme un assaillant perd bien plus de forces qu’un défenseur, il est bien plus intelligent de laisser une armée ennemie foncer sur des positions fortifiées que de soi-même aller à l’assaut.
C’est d’autant plus vrai que l’armée ukrainienne avait largement fortifié depuis des années ses propres positions. L’armée russe a ainsi tout à gagner à remodeler le conflit.
Ce qui rend vraiment plausible cela qui plus est, c’est que sur les réseaux sociaux russes et pro-russes, la thèse de l’avancée ukrainienne est mise en avant telle quelle, de manière unilatérale. C’est bien trop linéaire par rapport aux discours multiples qu’il y a d’habitude. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Un point essentiel également est que l’armée ukrainienne est littéralement sous commandement américain et que le caractère de cette offensive est typique de l’esprit du « blitzkrieg » justement, la forme traditionnelle des armées jouant sur la mécanisation et l’aviation pour passer en force. C’est là aussi un avantage pour l’armée russe.
Le régime ukrainien obéit par ailleurs au besoin de donner une image d’efficacité aux pays occidentaux en termes de résultat, et de se présenter à la population comme à même de défendre le pays. Pour autant, le régime ukrainien impose un black out total sur l’ensemble des opérations.
Il ne faut donc, au sens strict, croire aucun compte-rendu. On est dans une séquence qui ne sera lisible que dans quelques semaines. Et elle sera fortement lisible, parce que dans un sens comme dans un autre, on va aller dans le sens d’une escalade.
La séquence de début septembre 2022 dans le conflit Russie-Ukraine n’est pas lisible, mais elle montre que les choses ne restent nullement statiques en attendant l’hiver. Il va se passer encore beaucoup de choses dans les prochaines semaines et c’est un pas de plus dans le processus d’affrontement généralisé dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde.