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L’utilisation du concept de crise par Vladimir Poutine le 30 septembre 2022

On parle ici d’économie politique.

On parle ici d’économie politique.

L’un des aspects très particuliers du discours stratégique de Vladimir Poutine du 30 septembre 2022, c’est son utilisation du concept de crise. Il y a quelque chose de très surprenant, car normalement aucun régime fondé sur le capitalisme n’admet le concept de crise. Le capitalisme se présente comme à la fois inévitable et en mouvement perpétuel, il n’y a pas de place pour quoi que ce soit qui le présente sous un jour temporaire, relatif.

Or, Vladimir Poutine a dans son discours utilisé le concept de crise littéralement de la manière avec laquelle l’Internationale Communiste abordait la « crise générale du capitalisme » durant la période de l’entre-deux guerres. Plus encore, il utilise une présentation de « périodes » tout à fait en phase avec ce principe de crise générale conçu par l’Internationale Communiste.

Cela ne veut bien entendu nullement dire que Vladimir Poutine soit devenu communiste. Cependant, comme la Russie est à la marge du capitalisme mondial et converge avec la Chine, elle joue un rôle explosif dans la remise en cause de l’ordre mondial capitaliste actuel – pour le remplacer par un autre, mais bien entendu ce n’est pas dit ainsi.

Si on fait attention aux commentaires des lecteurs bourgeois du Figaro dans les articles sur la Russie, on peut d’ailleurs remarquer que justement en raison de cette remise en cause par la Russie, Vladimir Poutine est assimilé à un communiste. Il contribue à déstabiliser le capitalisme, il est donc communiste, même si en réalité il déstabilise le capitalisme sous une certaine forme, pour en vouloir une autre.

Mais voici les mots de Vladimir Poutine lors de son discours.

« Qu’est-ce que je veux souligner ? Tout porte à croire que les élites occidentales ne vont pas chercher de solutions constructives à la crise alimentaire et énergétique mondiale, qui a surgi par leur faute, précisément à cause de leur politique de longue date, bien avant notre opération militaire spéciale en Ukraine, et dans le Donbass.

Ils n’ont pas l’intention de résoudre les problèmes d’injustice, d’inégalité. On peut craindre qu’ils soient prêts à utiliser d’autres recettes, qui leur sont familières.

Et il convient ici de rappeler que l’Occident est sorti des contradictions du début du 20e siècle par la Première Guerre mondiale.

Les récompenses de la Seconde Guerre mondiale ont permis aux États-Unis de surmonter enfin les effets de la Grande Dépression et de devenir la première économie mondiale, imposant à la planète la puissance du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

L’Occident a largement surmonté la crise des années 1980 – et la crise s’est aggravée dans les années 1980 – en s’appropriant l’héritage et les ressources de l’Union soviétique, qui s’est effondrée et a fini par s’écrouler. C’est un fait.

Maintenant, pour se sortir d’un nouvel enchevêtrement de contradictions, il leur faut à tout prix casser la Russie, et les autres États qui choisissent la voie souveraine du développement, afin de voler encore plus la richesse des autres et à ce prix de boucher, de colmater leurs trous.

Si ce n’est pas le cas, je n’exclus pas qu’ils tentent de provoquer l’effondrement du système, sur lequel tout pourra être imputé, ou, Dieu nous en préserve, qu’ils décident d’utiliser la formule bien connue ‘‘la guerre va tout effacer’’. »

Si l’on regarde bien, ce que dit Vladimir Poutine c’est que le capitalisme a connu une certaine forme pendant cent ans, à partir de 1914, et que maintenant il va en prendre une nouvelle. Certains pays ont dominé le 20e siècle, mais le 21e siècle ne sera pas dominé par ces pays, ni par personne – en réalité bien entendu il s’agit simplement de remplacer les pays dominants.

La Russie exprime ici, par la voix de Vladimir Poutine, son entière convergence avec la Chine. Ce que dit Vladimir Poutine, c’est que le capitalisme monopoliste russe a tout à gagner et même ne peut se maintenir que si la Chine devient la superpuissance dominante.

C’est cela qui permet, dans une forme récupérée à l’Internationale Communiste mais déformée, le réemploi du concept de crise et même de bouleversement de la situation mondiale.