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Restructurations économiques

La manifestation du 16 octobre 2022 aurait dû être syndicale… pour une grève politique de masse

La politique est une chose, les revendications économiques une autre chose.

La politique est une chose, les revendications économiques une autre chose.

La manifestation parisienne du 16 octobre 2022 contre la vie chère n’a pas obtenu le soutien de la CGT, ni de Force ouvrière. C’est dans l’ordre des choses. La politique est une chose, les revendications économiques une autre chose.

Si l’on prend le mouvement ouvrier d’avant 1914, tant dans la social-démocratie que chez les « socialistes français », il était considéré que le travail politique et le travail syndical étaient deux choses distinctes, qu’il ne fallait pas mélanger les genres.

Naturellement, il y avait une différence de fond. Pour la social-démocratie, forte en Allemagne, en Autriche-Hongrie notamment, le Parti avait la primauté et le syndicat, tout en ayant sa spécificité, était un rouage de la stratégie politique générale du Parti.

Pour les socialistes français, le Parti et le syndicat étaient indépendants et marchaient côte à côte ou plutôt parallèlement, les syndicalistes révolutionnaires refusant d’ailleurs même l’idée de Parti, les partis étant considérés comme des « sectes » comme il est dit dans la Charte d’Amiens de la CGT en 1906.

Après 1918, les choses sont restées tels quels, à ceci près qu’en France il y avait le PCF avec la CGT-Unitaire et le Parti socialiste SFIO avec la CGT. Lorsqu’il y a une réunification avec le Front populaire en 1936, la liaison de la CGT unifiée avec les socialistes ou les communistes est flagrante.

Après 1945, la CGT marche avec le PCF et la CFDT (issue du syndicalisme chrétien) avec les socialistes, ou peut-être plutôt l’inverse d’ailleurs, en tout cas au moins pour le PCF, car la ligne impulsée par Maurice Thorez fut vraiment celle du PCF comme « Parti du syndicalisme ». Force Ouvrière, ouvertement mise en place par les États-Unis comme scission de la CGT, reste indépendante ou proche des socialistes.

Tout cela est désormais bien loin. Aujourd’hui, alors que la CGT est en perte de vitesse, que Force ouvrière est en crise d’identité et que la CFDT est devenu le syndicat moderniste accompagnant ouvertement les gouvernement, la question se pose de la nature même du syndicalisme.

Et si les syndicats CGT, FO et CFDT avaient appelé à la manifestation du 16 octobre 2022, ils se suicidaient. Reste à savoir désormais quoi faire.

Leur penchant naturel est un syndicalisme anti-politique, et c’est là une erreur, une faute historique. Le syndicalisme doit assumer sa place, mais seulement sa place. Il doit se soumettre à la politique, comme la CGT l’a d’ailleurs fait au moment du Front populaire en 1936.

Il n’y a guère ici à attendre de la CFDT, qui accompagne les gouvernements comme force « moderniste », ni de Force ouvrière façonné par un anti-communisme virulent. Reste la CGT.

Elle avait appelé à une journée de grève interprofessionnelle, le 29 septembre 2022, et cela n’a pas été une réussite ; elle espérait être aux premières loges ainsi. Et il n’y a pas à attendre qu’elle s’imagine autre chose. Elle vit dans un mythe politique où elle joue le premier rôle.

En admettant que cela soit possible, alors cela aurait eu lieu en mai 1968, là la CGT pouvait jouer ce rôle central. Elle ne l’a pas fait car elle ne le pouvait pas, et d’ailleurs elle ne le voulait pas : elle a été l’un des pires ennemis de mai (et juin) 1968.

Son organisation est qui plus est corrompue et bureaucratique depuis des décennies. Et s’imaginer qu’on peut faire repartir la CGT sur une base de « lutte de classe », d’unité de classe, ou en formant des syndicats « syndicalistes révolutionnaires », c’est ne pas comprendre les défauts inhérents au syndicalisme.

Le syndicalisme français ne peut renaître qu’en assumant d’être une forme secondaire de lutte de classe par rapport au Parti, donc en cessant les délires sur la « grève générale » pour assumer la grève politique de masse.

Le Parti ne doit pas se réduire aux revendications économiques, les revendications économiques n’ont un sens que dans la stratégie du Parti pour aller au Socialisme.