Catégories
Réflexions

Rien ne se fera sans grandeur d’âme

Ce qui est étroit d’esprit doit être banni.

Ce qui est étroit d’esprit doit être banni.

Alexandre Deineka, Conférence de femmes, 1937

Ce qui caractérise le capitalisme en putréfaction, c’est le misérabilisme, la réduction des grandes causes à des aspects secondaires, voire littéralement sans importance ou grotesque. Au lieu de voir les choses en grand, on réduit son regard à une partie sans importance, sans vie réelle, et on se focalise de manière fétichiste là-dessus, perdant son temps et celui des autres.

Alors qu’on a besoin d’un héroïsme propre aux exigences des temps, qu’on doit vivre un romantisme conforme au besoin d’adéquation à une révolution du rapport entre Nature et culture, la société capitaliste produit à la chaîne des fascinations toujours plus morbides et grotesques pour des phénomènes bruyants mais sans contenu.

Il n’est pas de différence en effet entre le nazi des campagnes rejoignant le bataillon Azov en Ukraine et le LGBT des villes vivant à fond le turbocapitalisme consumériste, entre l’étudiant pseudo-contestataire des manifestations syndicales et l’adulte se complaisant dans sa vie d’entreprise. Tout cela est une fuite ou une raison pour fuir, tout cela est sans saveur, sans réalité réelle, c’est une vie qui se perd en s’éloignant toujours plus tant de la Nature que de la culture.

Il est effarant qu’une vie quotidienne aussi morne que celle de la société française ne provoque pas une grande révulsion, une vague de romantisme éperdu exigeant la transformation de secteurs entiers de l’existence, notamment au minimum la possibilité de rapports amoureux, l’empathie pour les animaux, deux choses sans lesquelles on ne peut pas vivre ne serait-ce qu’un peu.

Ce qui est même à la fois terrifiant et odieux là, c’est de voir que les gens continuent, pour reprendre l’expression cliché, de perdre leur vie à la gagner, de vivre au jour le jour sans jamais de recul ou de mise en perspective, et que cela dure, et que cela dure, et que jamais ils ne se remettent en cause.

S’il est ainsi des gens qui s’imaginent qu’avec un tel arrière-plan historique, un capitalisme ralenti ou perturbé va amener les gens à basculer à gauche de manière mécanique, c’est qu’ils n’ont rien compris. Ce qui va avoir lieu, avant tout, c’est une crise de civilisation, une remise en cause qui va provoquer d’abord des troubles intérieurs, d’immenses inquiétudes, des désorientations massives.

La tendance est d’ailleurs déjà là, se profilant avant l’émergence de la crise du capitalisme en 2020, telle la marée annonce son mouvement avant de s’officialiser concrètement par son vaste mouvement.

Pour cette raison, qui veut s’en sortir, au-delà d’un réel niveau sur le plan des idées et de la culture, doit déjà être à la hauteur humainement, en se rappelant que, substantiellement, rien ne se fera sans grandeur d’âme. Qui est mesquin ne serait-ce que dans un détail, dans un aspect anodin, bascule dans le passé, nie l’avenir, reste prisonnier d’une époque révolue, empêche l’esprit des temps nouveaux de se systématiser.

La vie quotidienne est un ensemble, tout marche en rythme même si de manière décalée. Il faut même voir sa propre vie telle une composition. Une composition musicale, littéraire, architecturale, picturale, comme on le voudra, de toutes façons cela revient au même : tout est synthèse et la question est de savoir quelle synthèse on veut être.

C’est pourquoi ce qui est étroit d’esprit doit être banni. Il faut voir la grandeur même dans les petites choses, tout comme le particulier porte l’universel.