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L’extrême Droite a loupé le train de l’histoire…et c’est tant mieux

Pour la sortie de l’OTAN, place à la Gauche historique.

Sur agauche.org qui suit en long et en large depuis maintenant avril 2021 le conflit en Ukraine, il n’a pas été cessé de rappeler que cette guerre, loin d’être une fantaisie sortie de la tête de Poutine, relevait d’une tendance générale à la guerre de repartage du monde.

Chaque jour confirme cela et il va sans dire qu’une telle réalité amène fatalement les choses à prendre des tournures d’importance. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on fait de la politique : nier ou contourner la guerre en Ukraine dans ses implications totales, c’est se couper de l’Histoire en marche.

Cela, les lecteurs assidus d’agauche.org l’ont bien compris. Ce qui amène à cette autre question qui ne manque d’émerger : si la politique est dorénavant conditionnée à des prises de positions sur ce conflit, qu’en est-il de l’extrême Droite ? Car force est de constater que l’extrême Droite qui a repris le flambeau du néo-gaullisme soulève une pierre trop grande pour elle, pour ne pas dire insoutenable en pratique comme il l’a été dernièrement remarqué.

Oui mais alors, au-delà de l’impossible néo-gaullisme du fait de ses vaines prétentions d’indépendance nationale, l’extrême Droite n’est-elle pas vue comme une force pro-russe ? Question tout à fait sérieuse et qui montre le rouleau compresseur de l’histoire en marche. Car oui, plus qu’être vue comme telle, l’extrême Droite a toujours entretenu des liens directs avec le régime de Poutine. Cela s’explique notamment par sa défense d’un ordre traditionnel-conservateur contre un occident « dégénéré » (et en réalité capitaliste décadent).

A moins d’être de mauvaise foi, l’extrême droite ne peut qu’admirer le discours critique de Poutine contre la propagande LGBT et la transformation des états civils en « parent n°1 et parent n°2 ». D’ailleurs, c’est pour cette raison que Marion Maréchal accompagnée de Thierry Mariani et d’André Kotarac, alors cadre de LFI, se rendaient en Crimée au Forum économique de Yalta en avril 2019.

« Je ne suis pas d’accord avec Mariani et Maréchal sur de nombreux sujets. Mais sur la défense de la souveraineté et sur la nécessité de s’allier à la Russie, je suis d’accord », disait Andréa Kotarac, qui devait passer au Rassemblement National quelques jours après ce voyage en Crimée.

En dehors des (très minoritaires) nationalistes-révolutionnaires qui soutiennent depuis 2014 les clans néo-nazis intégrés dans l’armée ukrainienne, donc l’OTAN, l’extrême Droite française est évidemment pro-russe, comme preuve renouvelée de son impossible néo-gaullisme.

Mais le problème historique, c’est bien que cette extrême Droite française s’est couchée et pas qu’un peu. Il peut bien y avoir des prises de position individuelles de-ci, de-là, et il est fort à parier que les discussions en « off » soient critiques de l’OTAN et des États-Unis. Il n’en reste pas moins vrai que l’Histoire ne se fait pas « en coulisse » mais devant la face du monde et sur ce terrain là, l’extrême Droite française a choisi de s’aligner sur l’OTAN et les États-Unis.

Aucun député RN, pas plus que LFI, n’a eu le courage de ne pas applaudir et de refuser de soutenir l’ambassadeur ukrainien lors de la session de rentrée parlementaire du 3 octobre. Voilà tout, fin de l’histoire. Mais maintenant, qui prendra au sérieux demain le RN ouvertement pro États-Unis et pro-OTAN ? De la même manière que la chance de se « rattraper » en réassumant ouvertement son soutien à la Russie s’éloigne toujours plus, à tel point que l’on peut dire qu’elle est même définitivement passée.

De fait pour l’extrême Droite, son espace-temps politique aurait été d’assumer le positionnement pro-russe, en attendant que justement l’histoire, toute l’Histoire se déroule, mais cela demandait d’être contre vents et marées. Et l’extrême Droite est une force bien trop corrompue pour assumer un quelconque antagonisme. Il suffit de voir le vacarme populiste qu’elle fait à propos de l’horrible meurtre de la jeune Lola alors même qu’elle reste silencieuse sur le fait que l’on est au bord d’une guerre mondiale, pour voir qu’elle a été court-circuitée par l’histoire.

Le souci pour l’extrême Droite, c’est que le soutien pro-OTAN, pro-États-Unis relève historiquement du camp libéral et social-libéral. Robert Ménard, lui ne s’y est pas trompé et a depuis le 24 février 2022 rejoint de manière assumée le camp pro-OTAN, quand bien même il fut ces dernières années un des acteurs importants de la dite « droite hors les murs » qui réunissait en réalité les forces pro-russes tels Mariani et Maréchal. Voici par exemple ce que déclarait Marion Maréchal lors du Forum économique de Yalta de 2019 :

Les Russes se souviennent de mes positions dans le débat français, loin de celles de l’élite libérale. Ils invitent les acteurs européens qu’ils perçoivent comme de bons interlocuteurs pour eux.

Même si cela était visible avant, il est maintenant évident que la guerre en Ukraine comme expression de la tendance à la guerre de repartage mène à la polarisation entre la superpuissance américaine et la superpuissance chinoise. Les puissances de second ordre, tels que la Russie, la France, l’Italie, etc., n’ont plus les moyens de leur indépendance et doivent obligatoirement se positionner sous tel ou tel giron au risque de perdre tout crédit.

A moins d’être fidèle à la Gauche historique et de refuser ce réalisme capitaliste, au nom de valeurs réelles, historiques, révolutionnaires.

Le fait même que l’extrême Droite ait loupé le coche met ainsi sur le devant de la scène le retour de la Gauche historique comme force de proposition en France – à condition de comprendre que l’aspect principal de l’évolution du monde, c’est l’affrontement sino-américain pour l’hégémonie mondiale.