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Sommet de l’OTSC à Yerevan: la fuite en avant suicidaire de l’Arménie

D’où que l’on regarde, le sort de l’Arménie semble scellé dans la montée à la guerre.

D’où que l’on regarde, le sort de l’Arménie semble scellé dans la montée à la guerre.

L’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) réunissant autour de la Russie la Biélorussie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan a tenu jeudi 24 novembre une réunion à Yerevan en Arménie. Pour l’Arménie, il s’agissait d’une occasion de tenter de mettre la pression sur son protecteur russe afin d’obtenir un positionnement clairement agressif dans le cadre de son conflit avec l’Azerbaïdjan.

L’OTSC n’a en effet jusqu’aujourd’hui pris aucune position sur ce conflit, ni sur la question du Karabagh arménien, ni même sur les agressions menées par Bakou sur le territoire arménien en lui-même. Lorsque la Russie est intervenue en novembre 2020 au Karabagh, cela a été de son propre chef, malgré les appels du régime arménien à ses alliés de l’OTSC à intervenir.

Or, le régime arménien dirigé par Nikol Pashinyan s’est montré depuis un satellite tout à fait discipliné dans le cadre de cette alliance puisqu’il n’a pas hésité à envoyer des troupes réprimer entre le 6 et le 11 janvier 2021 de larges manifestations qui secouaient le régime Kazakh, allié de
Moscou, qui craignait la chute de ce régime en faveur d’un gouvernement pro-occidental.

Face donc aux récentes agressions de Bakou sur la frontière arménienne, réclamant l’ouverture à travers le territoire arménien d’un « corridor de circulation » pour relier l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan, et au-delà à la Turquie, le régime arménien multiplie tout azimut les appels pour tenter d’impliquer au maximum les grandes puissances dans ce conflit.

Ainsi, il est organisé à Paris une rencontre entre parlementaires français et le président de la République auto-proclamé de « l’Artsakh », c’est-à-dire du Karabagh arménien en Azerbaïdjan, Araïk Haroutiounian, prévue pour le 7 décembre. Dans le même ordre d’idée, le régime a laissé s’exprimer une manifestation pro-occidentale dénonçant la passivité de l’OTSC et revendiquant une alliance avec l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique à Yerevan durant la visite de Vladimir Poutine en Arménie à l’occasion du sommet de l’OTSC. Des drapeaux ukrainiens ont même été brandis durant la manifestation, avec des slogans dénonçant l’occupation russe.

Le président Nikol Pashinyan lui-même a exprimé ouvertement ses reproches à l’organisation en tentant d’obtenir une position ferme sur une éventuelle intervention en cas d’attaque de l’Azerbaïdjan. Cela correspond à une opinion largement exprimée dans les couches dirigeantes de l’État arménien et même son élite universitaire, comme quoi l’Arménie serait une sorte d’île n’ayant rien à faire en Orient et devant tout faire pour se connecter à l’Europe occidentale et aux États-Unis, selon la même logique qu’a développé le régime israélien ou celle que voudraient suivre certains mouvements nationalistes kurdes en Syrie par exemple.

Mais de toute manière, il est inutile de chercher de la cohérence à la politique du régime arménien, il est en fait littéralement aux abois, ayant cherché à négocier un rapprochement avec la Turquie, en arrêtant et en extradant sans conditions par exemple en septembre deux combattants kurdes des HPG/YPG ayant cherché à se réfugier en Arménie, tout en multipliant les signes de soumission à l’influence de la France, par le relais de sa diaspora et par celui de l’Organisation de la Francophonie, et en poussant dans le même temps la Russie à s’engager plus directement à ses côtés.

Le fait est que le sol se dérobe sous les pieds de l’Arménie et que son régime cherche désespérement de l’air pour échapper à l’étranglement turco-azerbaïdjanais qui cherche à le mettre à genou, et éventuellement à l’écraser militairement.

Le prix de toutes ses années de corruption nationaliste, engagée depuis la Perestroïka dans les années 1980, est cher pour l’Arménie d’aujourd’hui. Il est dramatique de constater à quel point les Arméniens ont été ni plus ni moins écrasés par l’Azerbaïdjan, et à quel point ils ont tout fait pour participer à ce massacre général et attiser les haines.

La situation, totalement tragique pour l’Arménie et les Arméniens est désormais la suivante :

  • La Russie et l’OTSC, dont l’unité s’effrite face à la guerre en Ukraine, n’interviendront pas dans un conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Moscou ayant signifié que sa position était que la question des frontières devait être clarifiée sur la base de l’intégrité territoriale, ce qui implique que le Karabagh arménien est totalement suspendu à la Russie, et que l’Arménie devait accepter un corridor de circulation Est-Ouest sur son territoire.
  • La priorité pour Moscou est de maintenir coûte que coûte une influence sur Bakou, avec qui un corridor Nord Sud a été décidé.
  • L’Arménie ne peut se retirer de l’OTSC malgré tout, le président biélorusse ayant clairement signifié la centralité de la guerre en Ukraine, et que toute défaite russe sur ce front impliquait un effondrement des régimes liés à Moscou, comme le sont celui de Minsk et de Yerevan de fait, et la fin de l’OTSC de toute manière.
  • L’Azerbaïdjan triomphe diplomatiquement, ayant annoncé avoir plus d’influence dans l’OTSC que l’Arménie sans même en faire partie et en poursuivant d’ailleurs pendant le sommet de l’OTSC ses provocations frontalières sur l’Arménie.
  • Malgré toute l’agitation du régime arménien, aucune puissance occidentale ne parle du Karabagh arménien, sinon pour accuser la Russie d’y maintenir des troupes, et s’il est envisagé par la France de s’opposer à une expansion turque sur le territoire arménien en lui-même, le Karabagh arménien aux mains des russes est lui totalement abandonné à son sort devant l’Azerbaïdjan.
  • L’Iran en pleine agitation sociale et politique, est potentiellement hors de capacité d’intervenir massivement contre une attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, malgré des annonces faites en ce sens.
  • Le Sud Caucase est potentiellement à la portée d’une attaque panturque coordonnée par Bakou et Ankara, établissant un corridor de circulation en l’imposant à l’Arménie par une victoire militaire.

Alors que la Turquie, puissance du capitalisme bureaucratique expansionniste, se trouve aux portes d’un choix historique : ou bien l’expansion et donc la guerre, ou bien le reflux, que le régime turc est chauffé à blanc sous le poid de ses propres préjugés nationalistes, et que son allié azerbaïdjanais à le fusil à la botte, prêt à se ruer sur le Karabagh arménien et l’Arménie, le régime arménien a choisi le suicide de la fuite en avant, n’ayant de fait plus d’espace dans la Crise qui monte et le repartage du monde allant à la guerre mondiale qui se précise chaque jour un peu plus.