C’est du social-impérialisme.
Le mouvement « Ensemble! » correspond à une frange politique pas forcément connue, mais formant un vivier historique d’activistes politiques et associatifs.
C’est méconnu si on ne connaît pas ce milieu, mais cela représente (ou représentait…) des milliers de gens, du genre à faire du travail associatif, à lire Politis, à avoir un mode de vie imaginé comme différent et culturel (et consistant surtout à lire Télérama), à participer systématiquement aux élections dans une démarche « constructive » et « participative ».
« Ensemble! » fait ainsi partie de la NUPES mise en place par la France insoumise, mouvement par ailleurs très similaire. En bien des points, la différence est que là où La France Insoumise se la joue plébeien populiste, « Ensemble! »a une approche « bobo – syndicaliste – associatif « assumée.
Qui sont ces gens ?
On parle ici d’un mélange de la fraction « autogestionnaire » de la seconde gauche (celle anti-communiste) et de la fraction la plus post-communiste du PCF des années 1980. « Ensemble! » est ainsi né en 2013 de la fusion de plusieurs organisations, on va dire pour moitié PCF, pour moitié trotskiste/post-trotskiste.
On a les « Alternatifs », structure née en 1998 sur la base de « l’Alternative rouge et verte » née de la candidature du PCF « alternatif » Pierre Juquin à la présidentielle de 1988.
On a la Fédération pour une alternative sociale et écologique, en bonne partie sortie du PCF en 2008. La principale figure de « Ensemble! », Clémentine Autain, est d’ailleurs issue du PCF et de cette Fédération qui en est sortie.
On a également donc « Convergences et alternative », née en 2009 d’une scission du Nouveau Parti Anticapitaliste, tout comme la « Gauche unitaire » établie en 2013, également de la partie.
C’est un milieu socialement bobo ou relevant de la petite-bourgeoisie intellectuelle, ou alors fonctionnaire. Clémentine Autain vient d’ailleurs de tenir un mini meeting à la Bellevilloise, un lieu historique du PCF parisien des années 1930 devenu un temple bobo.
Le caractère urbain – petit-bourgeois intellectuel de ce mouvement devait immanquablement ressortir avec la guerre en Ukraine. « Ensemble! » c’est comme l’idéologie LGBTQ+ : cela se prétend transformateur, mais en réalité c’est un vecteur du capitalisme dans sa version modernisatrice.
« Ensemble! » soutient donc ouvertement le régime ukrainien, présenté comme démocratique, issu d’un mouvement populaire, le Maïdan en 2014, qui n’aurait nullement été manipulé par les États-Unis ni porté par les nationalistes ukrainiens.
« Ensemble! » dit pareillement qu’au grand jamais l’OTAN ni les États-Unis n’ont voulu cette guerre ni d’ailleurs démanteler la Russie. Tout serait simplement la faute de la Russie et de Vladimir Poutine, et donc il faut soutenir les sanctions de l’Union européenne, et il en faudrait même plus, et il faut soutenir l’envoi d’armes par l’OTAN, et il en faudrait même plus.
C’est très parlant, c’est une lecture (dont on a un exemple ici) qui dédouane entièrement l’Occident capitaliste de tout militarisme, de toute tendance à la guerre. Cet Occident serait simplement à réformer, mais sa base ne serait pas pourrie.
C’est hypocrite et c’est surtout du social-impérialisme. En paroles c’est social, en réalité ce social s’appuie sur les capacités du capitalisme français à profiter de l’ordre mondial.
Ce que dit « Ensemble! » dans les faits, c’est que le capitalisme français peut faire ce qu’il veut à l’extérieur du moment qu’il ne touche à rien à l’intérieur. Peu importe la guerre en Ukraine, dont les seuls protagonistes seraient les Russes et les Ukrainiens, du moment qu’on peut encore « critiquer » le capitalisme en France.
Et pour ce faire « Ensemble! » soutient son propre pays, son propre régime, pour qu’il continue de vaincre et de laisser des places chaudes à des gens comme eux (et aux autres gens comme eux, comme le NPA, ATTAC, etc. puisque c’est le même milieu).
Ce que fait « Ensemble! » est ignoble, mais si on regarde bien c’est la position de l’ensemble de la Gauche française. Même ceux qui dénoncent la position, par ailleurs ridicule, de « Ensemble! » font pareil dans les faits, en ne parlant pas de la guerre de manière régulière et systématique, en ne dénonçant pas de manière prolongée l’armée française, en n’expliquant pas qu’on va droit à la troisième guerre mondiale.
Qui ne dit mot consent. Quand on fait de la guerre en Ukraine une anecdote ou une chose bien secondaire, quand on se contente d’émettre éventuellement des positions critiques sur ceci ou cela, qu’ont dit les autres sur la guerre en Ukraine, on converge avec « Ensemble! », on s’aligne sur son propre capitalisme, sur l’OTAN, sur la superpuissance américaine.