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Bilan du sommet de l’OTAN de janvier 2023 à Ramstein

La guerre frontale ou pas, telle fut la question posée.

La guerre frontale ou pas, telle fut la question posée.

La base aérienne de Ramstein en Allemagne est une importante composante du dispositif militaire américain ; elle fut à ce titre la cible d’une attaque à l’explosif par la Fraction Armée Rouge en 1981. C’est sa dimension logistique qui prime et c’est à ce titre que les ministres de la Défense de 54 Etats s’y sont réunis le 20 janvier 2023 à l’initiative de l’OTAN, pour décider de quoi fournir à l’armée ukrainienne.

On parle ici de sommes colossales et d’une masse énorme d’armement. Rien qu’en janvier 2023, la superpuissance américaine a fourni 5,3 milliards de dollars à l’armée ukrainienne – autant que 90% du budget militaire de celle-ci en 2021.

Le Danemark, qui possède 19 canons automoteurs Caesar, a décidé de tous les donner à l’armée ukrainienne. La Suède fournira 12 canons automoteurs Archer.

La superpuissance américaine va contribuer avec une centaine de blindés de transport de troupes Stryker et cinquante-neuf véhicules de combat Bradley. 300 000 obus de 155 mm américains stockés en Israël vont également être envoyés en Ukraine.

Le Canada va envoyer deux-cents véhicules Senator APC, le Royaume-Uni 14 chars Challenger 2 ainsi qu’une une trentaine d’obusiers automoteurs AS-90. Les Pays-Bas sont prêts à fournir des avions F-16.

Cependant, ce dernier point est exemplaire du problème. Pour que l’armée ukrainienne puisse se servir de F-16, il faut des soldats capables de les utiliser, de s’en occuper. La logistique est qui plus est très importante.

C’est pour cela que la superpuissance américaine a dit qu’envoyer des chars Abrams ne servait à rien. En l’occurrence, le turbomoteur de ces chars consomme du kérosène spécial dénommé JP-8. L’armée ukrainienne n’en dispose pas et si elle le remplace par un autre carburant, cela multiplie le nombre de litres nécessaires (2000 au lieu de 600 pour 500 km) en réduisant massivement sa puissance.

Cependant, c’est vrai en fait de tout le matériel perfectionné dont disposent les pays occidentaux : la logistique nécessaire est affreusement complexe. Il faudrait un an pour tout mettre en place.

Or, l’armée ukrainienne n’a pas un an. Il est considéré de manière ouverte que l’armée russe va mener une grande offensive.

La situation à la fin janvier 2023 va dans le sens d’une amélioration générale de l’initiative russe

Le directeur de la CIA William Burns s’est rendu en Ukraine secrètement les 14-15 janvier 2023 pour informer le régime ukrainien de cette évaluation américaine. Le chef d’État-Major des armées des États-Unis Mark Milley dit ouvertement que le but est une position de force ukrainienne pour négocier avec la Russie.

Il faut donc mettre le paquet maintenant ou jamais du point de vue occidental. Et pour cela il n’y a qu’une seule possibilité : que l’Allemagne accepte que des chars Leopard 2 vendus à 13 pays européens à autour de 2 000 exemplaires soient fournis à l’armée ukrainienne.

Or, elle tergiverse. La victoire sur la Russie n’est pas garantie et elle considère que les pertes ukrainiennes ont été particulièrement massives ces dernières semaines. En cas d’échec du régime ukrainien face à la Russie, elle serait la première à payer les pots cassés.

Inversement, le Royaume-Uni qui n’a rien à perdre pousse à fond pour la guerre frontale. Son ministre des affaires étrangères James Cleverley prône l’envoi massif d’armement pour que l’Ukraine « finisse le travail ».

On est là, de manière inévitable, dans les contradictions entre puissances. Le bloc occidental n’est pas unifié – il ne peut pas l’être.

Le sommet du 20 janvier 2023 reflète de manière intéressante ces contradictions. Et ce n’est qu’un début : l’approfondissement de ce type de contradictions va toujours plus prévaloir.

Dans l’état actuel des choses, la situation est la suivante.

L’Allemagne dit qu’elle accepte l’envoi de chars Leopard 2 en Ukraine… si les Etats-Unis envoient leurs chars Abrams et que la France est de la partie. La Pologne est prête à se contenter d’une initiative franco-allemande. La superpuissance américaine pousse les pays d’Europe continentale à y aller seuls.

Le temps presse et il faudra bien qu’une décision soit prise. Dans tous les cas, elle sera aux dépens de la nation ukrainienne, martyre du repartage du monde entre grandes puissances.

Son existence même va être en fait historiquement remise en cause. De par la position allemande actuelle, le découpage en trois zones semble devenir inévitable.

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