Quand on n’assume pas, on tourne mal.
Depuis quelques jours, il est parlé de-ci de-là d’Arno Klarsfeld, qui a mis en place une petite pétition appelant à la fin de la guerre en Ukraine. C’est une figure médiatique très connue depuis plusieurs décennies et sa pétition a eu un petit écho.
Arno Klarsfeld a initialement le parcours réussi typique de l’intellectuel de la bourgeoisie juive du 16e arrondissement de Paris, travaillant dans une banque puis un cabinet d’affaires. Mais fils de Serge et Beate Klarsfeld, il s’est tourné dans le combat contre l’antisémitisme, participant notamment au procès contre Paul Touvier. Sa carrière devint alors celle de l’avocat de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France.
C’est pourquoi il est totalement décontenancé et scandalisé par les valeurs du régime ukrainien et sur son compte Twitter, il ne cesse de dénoncer la valorisation de Stepan Bandera et des bandéristes, historiquement des antisémites fanatiques. Ce qui l’a mis hors-jeu dans le contexte actuel où contre la Russie il s’agit de soutenir le régime ukrainien à 100%.
On reparle d’Arno Klarsfeld ces derniers jours, car il a donc mis en place une pétition pour que cesse le conflit en Ukraine. C’est là son travers bourgeois : il ne peut pas s’empêcher, même quand il a mis la main sur quelque chose de vrai, d’en faire trop, de se mettre en scène, etc. Médiatiquement, il est fameux pour son style engagé, narcissique et sincère-maladroit, d’ailleurs typique des « chalalas » c’est-à-dire de jeunes de la bourgeoisie juive parisienne.
Au lieu de continuer son travail démocratique de dénonciation du bandérisme, Arno Klarsfeld se place au niveau politique, qui le dépasse. Le texte de la pétition est ainsi très bref et très faux :
« Non à une 3eme guerre mondiale pour le Donbass
Les peuples ont soutenu l’union européenne parce qu’ils pensaient que cette union était garante de paix. Pourtant cette union semble nous entraîner dans un conflit généralisé qui dévasterait à nouveau le continent européen sans même rechercher un compromis dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui n’est pas membre de l’Otan, sans consulter les peuples de l’union. Nous nous y opposons. »
Le titre montre les illusions de la pétition, car nous ne sommes plus en 2021, désormais l’enjeu c’est l’Ukraine elle-même, Kharkiv, Odessa, Kiev. La pétition aurait eu un sens avant le conflit commencé en février 2022. Désormais tout a changé de niveau.
Nous qui avons annoncé le conflit en Ukraine six mois avant son commencement, nous savons de quoi il en retourne et non la question n’est pas le Donbass. La question c’est que le régime ukrainien bandériste veut détruire la Russie et est appuyé par l’Otan en ce sens. La Russie mérite une critique mais ce n’est pas le lieu ici, l’ennemi étant dans notre propre pays.
Arno Klarsfeld dit juste qu’il n’apprécie pas le régime ukrainien, qu’il craint la guerre mondiale. Il veut que tout cesse, car tout devient instable. Il ne disait pas la même chose auparavant, lui initialement un partisan de l’Union européenne et de l’Otan. En 2003 il avait publié un texte poético-politique dans le Monde (« Je suis pour la guerrre ») pour justifier l’invasion de l’Irak.
Il reprenait alors le discours américain comme quoi l’Irak avait des armes de destruction massive, et justifiait absolument tout, de l’intervention à la soumission à la superpuissance américaine :
« Je suis pour la guerre contre l’Irak parce qu’il est de l’intérêt vital des démocraties d’imposer la démocratisation au monde arabe par la force, comme les Alliés ont réussi à le faire en Allemagne et au Japon (…).
Je suis pour la guerre contre l’Irak parce qu’il devrait être du devoir de la France de faire bloc derrière une nation qui lui a permis de remporter la première guerre mondiale, de ne pas devenir nazie, d’être dans le camp des vainqueurs à la fin de la seconde guerre mondiale et ensuite de ne pas être subjuguée par l’impérialisme soviétique. »
Et qui valorise-t-il sa pétition mis en place? Le magazine de Droite ultra Valeurs Actuelles, le média d’extrême-Droite pro-Russie Omerta, le fasciste Michel Onfray.
Arno Klarsfeld est même passé à Sud Radio, l’un des principaux vecteurs de l’extrême-Droite. Lui-même ne peut pas ne pas le savoir. Il agit sciemment en ce sens.
La vérité, c’est que le changement de situation mondiale amène Arno Klarsfeld à se retrouver dans une situation incohérente. C’est un bourgeois juif et il ne peut accepter le bandérisme. Comment faire? Il ne peut pas, alors il rue dans les brancards.
Voici comment Marianne, également sur une ligne populiste à tendance fasciste, présente ironiquement la situation d’Arno Klarsfeld :
« L’avocat franco-israélien Arno Klarsfeld a longtemps eu pignon (médiatique) sur rue. Du temps de sa superbe, le fils de Beate et de Serge Klarsfeld, célèbres chasseurs de nazis, se rendait au Palais de justice en rollers avant de retrouver la jet-set.
Il fréquentait Carla Bruni, appuyait l’invasion de l’Irak par George W. Bush, se vantait de faire son service militaire en Israël et soutenait Nicolas Sarkozy.
Arno Klarsfeld était dans le camp du Bien, ce qui lui ouvrait bien des portes demeurées infranchissables pour d’autres. Aujourd’hui, il a disparu des écrans radars alors qu’il tient à propos de l’Ukraine des propos iconoclastes, ceci expliquant sans doute cela. »
Arno Klarsfeld se plaint ainsi du fait qu’il soit passé sous silence, mais c’est qu’il est incohérent dans son parcours historique. Tout aurait dû l’amener, comme Bernard-Henri Lévi, à passer sous silence le bandérisme et à soutenir le régime ukrainien.
Il ne le peut pas. Eh bien alors il fallait faire comme beaucoup de bourgeois juifs rompant avec leur classe et passant dans le camp du Socialisme. Les exemples ne manquent pas, à l’instar de Rosa Luxembourg en Pologne et en Allemagne, d’Otto Bauer le chef des sociaux-démocrates en Autriche, de l’Ukrainien Lazare Kaganovitch, etc.
Sa lutte démocratique contre l’antisémitisme et sa prise de conscience de la question animale le poussaient ainsi dans le bon sens.
Mais il veut être exposé médiatiquement et continuer à vivre comme un grand bourgeois. Il ne « comprend » alors pas pourquoi on ne l’utilise pas comme avant, et il le vit mal. Alors il bascule dans ce qui est une tentative de revenir à la situation d’avant en forçant les choses – c’est le fascisme.
C’est au fond un parcours typique d’intellectuel : à un moment où il faut faire un choix entre le fascisme et le Socialisme. Lui a choisi le fascisme, alors qu’il aurait pu choisir le Socialisme. Il avait compris les animaux, il a compris la guerre, mais il veut conserver son ego et son style, son mode de vie.
Tant pis pour lui. L’Histoire ne connaît pas de compromis et ceux qui prônent un compromis quand tout s’effondre sont des réactionnaires. Non, Arno Klarsfeld, il ne faut pas la paix – il faut la défaite du régime ukrainien et de l’Otan, et la déroute de l’Occident !