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Photos de prisonniers de guerre : le crime du Figaro

Les prisonniers de guerre ont des droits établis par une convention.

Les prisonniers de guerre ont des droits établis par une convention internationale.

Le 10 février 2023, Le Figaro a publié un article concernant des soldats russes emprisonnés. Cet article a à un moment été mis en Une du site internet, particulièrement lu, avec une photographie de ces soldats.

Un tel acte relève d’une violation du droit international, voire de complicité de crime de guerre, car il expose des prisonniers de guerre à la curiosité publique.

L’article sur internet lui-même contient cette photographie (ici rendue floue par nos soins), consistant pareillement en la même violation ou crime.

Cela semble su par la rédaction du Figaro, car si l’article est mentionné sur la page de garde du numéro du 10 février 2023, les prisonniers de guerre sont de dos sur la photographie, et donc non reconnaissables.

Mais même non reconnaissables par ailleurs, le caractère humiliant de la photographie relève d’une violation du droit des prisonniers de guerre.

L’article se retrouve pages 6 et 7, et si la photographie de gauche est rendue floue par le Figaro, en connaissance donc des normes internationales sur les prisonniers de guerre, celle de droite est laissée telle quelle, ce qui constitue une violation ou un crime.

On remarquera que si on s’en tient à l’esprit de la convention internationale, la publication de photos de prisonniers de guerre même rendues floues est illégale au sens strict, car elle atteint de facto à leur honneur.

La photo de droite est floutée par nos soins

Deux autres points amènent le Figaro à être juridiquement condamnables. Tout d’abord, il est relaté des propos de prisonniers comme quoi l’armée russe serait désorganisée, enverrait ses soldats à la mort, etc. Une telle utilisation de prisonniers de guerre est illégale.

Les droits des prisonniers de guerre impliquent l’absence de représailles, et la tenue ou non-tenue des propos « attendus » aboutit à une menace pour les prisonniers.

Ensuite, l’article donne la voix à des prisonniers relatant des crimes de guerre :

« Les gardiens nous forcent à passer beaucoup de temps
dehors dans le froid, alors que certains détenus sont malades ou ont les extrémités gelées.

À vrai dire, ils n’ont pas besoin de nous frapper : nous sommes tous à bout de force.

Mais ils passent leur temps à nous traiter d’« Orques » ou de « putains de Moskal » (« Moscovites », NDLR), et nous obligent à chanter des chants nationalistes à la gloire de Bandera… »

« Ils m’ont ordonné de raconter huit années de ma vie dans les moindres détails, dit-il. Et quand j’hésitais sur une date, ils m’électrocutaient en me traitant  de sale Orque. »

C’est paradoxal, parce qu’il est logiquement bien de donner la parole à des prisonniers de guerre. Sauf que cela aboutit à un risque de représailles, et que cela implique encore une fois le Figaro dans tout cela, puisqu’il est participé à la présentation d’un crime. C’est aux instances internationales d’étudier les crimes et de les dénoncer, en faisant en sorte que les prisonniers échappent aux représailles.

Le Figaro a commis trois actes illégaux : publier une photographie non floutée (voire également publier une photo floutée), retranscrire des propos de prisonniers de guerre, informer de crimes de guerre sans en faire part les instances internationales et les dénoncer.

Cela se fonde sur la Troisième Convention de Genève de 1949 relative aux prisonniers de guerre, dont les articles suivants sont ici concernés :

Article 13 – Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.

Article 14 – Les prisonniers de guerre ont droit en toutes circonstances au respect de leur personne et de leur honneur.

Le Figaro prend de larges libertés ou rompt ici avec tout cela, afin de contribuer à la propagande de guerre contre la Russie. Il reprend une démarche déjà assumée par le régime ukrainien pendant de longs mois : l’armée ukrainienne a diffusé de nombreuses vidéos de prisonniers de guerre russes, ce qui a été maintes fois dénoncées par des associations internationales (par exemple ici Human Rights Watch).

Tout est bon pour présenter l’ennemi russe comme monstrueux. C’est le bourrage de crâne comme en 1914.