La fraction libérale-atlantiste de la bourgeoisie mène la danse.
La tribune intitulée « Budget de la Défense : encore un effort nécessaire » publiée le 6 février par l’Express et rédigée par Nicolas Bouzou, un économiste atlantiste et vice -président du cercle Turgot, est ainsi très révélatrice de la situation en cours.
L’hebdomadaire l’Express est un journal qui est organiquement lié, au sens idéologique et culturel, à la fraction libérale-atlantiste de la bourgeoisie. Ses prises de positions sont l’expression condensée de la pensée de toute la fraction moderniste de la bourgeoisie, celle actuellement au pouvoir par la voie d’Emmanuel Macron, celle qui « réforme ».
La réforme des retraites est à ce titre une expression de la restructuration du capitalisme français. Il faut la voir avec les lunettes du monde de 2023 et non pas de celui d’avant la pandémie de Covid-19, qui a engendré un grand dérèglement social et économique, culturel et politique.
Il y a ainsi deux camps réels, si on omet ceux qui veulent que rien ne change, par nostalgie. Il y a ceux qui veulent sauver le mode de vie capitaliste et ceux qui veulent s’en débarrasser.
Ce que dit la tribune est justement l’inverse de ce qui est dit sur agauche.org. Il est dit sensiblement la même chose dans la forme, mais totalement l’inverse dans le contenu. Pour résumé, le monde aurait radicalement changé depuis 2020 et la guerre en Ukraine ouvre la voie à une déstabilisation générale du monde. Il s’agit donc d’inscrire le capitalisme français dans l’optique de l’affrontement à tous les niveaux.
Un pays incapable de faire une réforme des retraites bénigne pour équilibrer son système et augmenter l’emploi des 55-65 ans alors que la guerre menace de s’étendre sur notre sol est voué à devenir insignifiant. Car les lois de l’économie (qui ne sont rien d’autre que des lois de l’organisation des humains en société) sont implacables : pour investir davantage dans l’énergie décarbonée, dans la santé, dans l’éducation, dans notre sécurité, nous n’avons pas d’autre choix que de produire davantage de richesses : travailler plus et mieux, être plus intelligents, investir davantage. Voilà la feuille de route cohérente avec notre environnement hostile. Si nous ne le faisons pas, par défaitisme, lâcheté ou pacifisme, c’est notre pays que ne nous mettons en danger.
Voilà, pour les capitalistes français, la nouvelle donne qu’il s’agit d’avoir en tête pour pouvoir continuer à faire progresser le capitalisme français. S’il est salué l’augmentation du budget de la Défense, passant de 295 milliards d’euros sur la dernière loi de programmation militaire à plus de 400 milliards pour l’exercice 2024-2030, il faudrait « encore un effort nécessaire ».
La réforme des retraites s’inscrit alors dans ce panorama, celui qui doit permettre de dégager plus de recettes financières dans le but de renforcer le capitalisme français, et principalement son complexe militaro-industriel. De fait, l’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce.
Au vu de la situation de 2023, ne pas faire la réforme des retraites n’aurait rien à voir avec les précédentes réformes en 1995, 2003, 2010 : cela signifierait l’incapacité du capitalisme français à se restructurer pour mieux se relancer dans le grande bataille du repartage du monde sous égide de l’Otan, donc des États-Unis.
On voit ici à quel point la réforme des retraites n’est qu’un élément secondaire dans la véritable tendance de fond, celle de la mise en place des conditions d’une nouvelle guerre mondiale.
A ce titre, il est une fois de plus confirmé le fait que la perspective de se confronter à l’Otan sur des bases socialistes-pacifistes mène directement à se confronter au régime en place. Logiquement, si une mobilisation d’ampleur avait lieu sur cette base, cela déboucherait sur une crise de régime. C’est bien pour cela que l’extrême-Droite dans sa variante parlementaire a refusé un tel positionnement dès l’invasion russe en Ukraine au mois de février 2022.
De ce point de vue, on ne peut que constater combien les contestataires actuels de la réforme des retraites sont à côté de la plaque. Pour eux, la question se limite à de vilains financiers qui veulent épuiser les gens au travail, tels des vampires maléfiques qui seraient des parasites détachés de la vie réelle.
Leur contestation est vaine. Pire : de part son orientation, du fait de sa négation de l’arrière-plan historique, il ne s’agit que de faire tourner la roue de l’Histoire en arrière.
Si on a compris qu’il y a en fait la mise en place d’un rouleau compresseur militariste au service de la restructuration capitaliste, il ne peut y avoir d’autre option que celle énoncée sur agauche.org. Car face à cette perspective, il s’agit d’être ancré dans le sens de l’Histoire mais du point de vue démocratique et populaire.