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La double ligne allemande sur l’Ukraine

La bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié.

La bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié.

Couverture du quotidien allemand avec le chancelier Olaf Scholz et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock : « La fissure »

L’intérêt de porter un regard sur la ligne allemande dans les Affaires extérieures est double. Déjà, cela permet de voir comment les contradictions entre grandes puissances se façonnent. C’est un aspect directement utile.

Ensuite, cela permet de voir que la bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié et qu’en son sein de multiples factions s’affrontent. C’est une leçon indirecte pour la situation française.

Surtout que la question de cette « double ligne allemande » a atteint un point de non-retour. Le chancelier Olaf Scholz, un social-démocrate, est en confrontation ouverte avec la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, une écologiste.

Toute la presse allemande « sérieuse » aborde ouvertement la question, pour saluer l’un, pour saluer l’autre, pour s’arracher les cheveux devant une telle crise, alors que l’Allemagne est partie prenante du bloc occidental pour détruire la Russie.

Ministère allemand de la Défense : le ministre de la Défense Pistorius à Ramstein, avec le secrétaire américain à la Défense Austin ouvrant la cnférence pour coordonner le « soutien » à l’Ukraine

Concrètement, Annalena Baerbock a agi en coulisses afin de faire triompher la ligne anglo-américaine. Elle a poussé à fond pour que des chars Leopard 2 soient livrés au régime ukrainien, y compris sans dire ce qu’elle faisait, ou le masquant au chancelier.

Le quotidien d’importance Die Zeit parle notamment d’un voyage à Londres où elle a demandé à son homologue britannique James Cleverly de livrer des chars Challenger au régime ukrainien, afin de forcer la main à l’Allemagne.

Autrement dit, Olaf Scholz aimerait temporiser, ce qui représente les intérêts de la bourgeoisie allemande, qui aimerait tirer son épingle du jeu. La ligne d’Olaf Scholz est d’impliquer au maximum la superpuissance américaine, pour que celle-ci ne se soit pas en mesure de se défausser si les choses ne tournent pas très bien. En cas de désastre sur le front ukrainien, l’Allemagne serait la première à en payer le prix.

Annalena Baerbock représente les intérêts de la bourgeoisie s’alignant entièrement sur la superpuissance américaine. Il faut y aller à fond, à tout prix, il y a tout à gagner. C’est la même ligne qu’Emmanuel Macron en France. Annalena Baerbock exprime cependant ça de manière encore plus ouverte, car elle est écologiste, et les écologistes de toute l’Europe occidentale sont devenus littéralement une annexe de la CIA.

D’où ses propos au Conseil de l’Europe, le 24 janvier 2023, en appelant à l’unité : « Nous sommes en guerre contre la Russie, pas entre nous ».

Annalena Baerbock en Ukraine le 10 janvier 2023 : « Soyez certain que l’Allemagne vous soutiendra sur toute la ligne ».

C’est là une contradiction interne à la bourgeoisie allemande, et elle touche tous les aspects de la « diplomatie », c’est-à-dire des orientations stratégiques bourgeoisies.

Le chancelier Olaf Scholz cherche, pour prendre un autre exemple, à pareillement temporiser avec la Chine, un pays qu’inversement Annalena Baerbock considère ouvertement comme un ennemie. Et elle met les pieds dans le plat, pour savonner la planche au chancelier. Lorsque celui-ci est allé à Pékin en novembre 2022, juste avant son départ elle rappelle que la coalition gouvernementale considère la Chine comme un « rival systémique ».

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président chinois Xi jinping en novembre 2022

Il en va de même pour la Turquie : Olaf Scholz veut temporiser, c’est la ligne officielle, mais Annalena Baerbock est ouvertement pour une ligne agressive contre la Turquie, comme elle l’a ouvertement formulé à l’été 2022.

Comme on le voit, il n’y a rien d’unifié dans la ligne allemande. Rien de plus faux que de voir la bourgeoisie comme unifiée, capable de raisonner, de former une stratégie, etc. C’est une classe décadente.

Et dans ce processus de décadence, les factions cherchent chacune à prendre le dessus. Ne pas sombrer à la remorque d’une d’entre elles exige d’avoir un haut niveau d’économie politique. On peut par exemple voir que le mouvement actuel contre la réforme des retraites est entièrement au service d’une faction bourgeoise social-impérialiste. La preuve ? Le thème de la guerre contre la Russie n’existe tout simplement pas. C’est très révélateur.

L’autonomie stratégique des masses populaires est une condition à leur libération, et pour cela il faut un haut niveau de conscience, un haut niveau d’analyse – c’est à cela que sert et que reflète agauche.org.