Une confusion indéniablement occidentale.
On dit aux gens qu’ils doivent travailler plus longtemps, alors forcément ils sont mécontents, ils ne veulent pas. Mais le gouvernement en place peut parvenir à réformer les retraites quand même, car les gens accompagnent de toutes façons le capitalisme.
Comme certains ne le comprennent pas, cela donne des petites révoltes éparses, bruyantes, médiatiques, cependant cela ne change rien à l’affaire.
Formulé différemment, cela donne : bien au chaud en occident, les gens peuvent faire les malins mais se plient de toutes façons aux adaptations du capitalisme.
Regardons la séquence qui vient de se terminer, pour y voir clair, et pour saisir ce qui va se passer ensuite.
Le gouvernement, avec à sa tête Élisabeth Borne, met en place une réforme des retraites, avec notamment le recul de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.
La majorité des Français est contre, il y a toute une série de manifestations massives. Malgré toutefois la participation de millions de personnes, aucune critique du capitalisme n’émerge. Pareillement, le soutien militaire au régime ukrainien par l’intermédiaire de l’Otan et de l’Union européenne est passée sous silence.
L’ensemble reste d’esprit uniquement syndical. Il n’y a aucune effervescence politique ou culturelle sur une base de gauche.
C’est un simple constat : sur le plan des valeurs, de la culture, la France n’a connu aucun changement.
Continuons. Comme le gouvernement dispose d’une majorité relative, la réforme passe les 15 et 16 mars 2023.
Deux phénomènes parallèles s’enclenchent : du côté politique d’un côté, du côté protestataire de l’autre.
Les partis politiques d’opposition tentent en effet de profiter de l’aubaine. Une telle contradiction entre un gouvernement et l’opinion publique, ça ne se rate pas. Il y a alors le 20 mars 2023 deux motions de censure proposée pour faire tomber le gouvernement.
La première est proposée par le RN, elle n’obtient que 88 voix. La seconde est proposée par des centristes, du groupe « Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires ». Elle obtient le soutien de tout le monde dans l’opposition : de la part des élus du RN, de LFI, du PS, d’EELV, du PCF, et également d’une partie de la Droite traditionnelle (Les Républicains).
Seulement il aurait fallu que tous les députés « Les Républicains » soient de la partie. La motion de censure a donc échoué, avec 278 votes contre 287 requis.
On a donc une perte de légitimité gouvernementale : la majorité des gens est contre la réforme, la majorité gouvernementale n’a pas de réelle stabilité. Pour autant, la réforme est passée.
On doit donc dire que ça passe, mais que ça casse en même temps. C’est typique d’une situation de crise. C’est conforme à notre affirmation comme quoi c’est la crise générale depuis 2020. L’instabilité gouvernementale est un critère de la crise générale, bien évidemment.
Quel est le second aspect ? Une telle situation produit, vu l’état de la France, l’assaut des forces populistes. Gilets jaunes, ultra gauche, syndicalistes… toutes ces forces « antiparlementaires », étrangères et hostiles aux valeurs de la Gauche historique, pensent que c’est leur heure.
Les heurts sont nombreux dans de nombreuses villes, avec des centaines d’interpellations. Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Toulouse, Rennes, Saint-Étienne, Amiens, Brest, Strasbourg…
Un bilan de ce phénomène est impérativement à mener. Ce qu’on peut et doit dire déjà pourtant, c’est que ces gens n’ont rien de gauche, ils ne sont que le produit de l’appel d’air de la crise gouvernementale.
L’instabilité produit toujours l’activation des « antiparlementaires ». Autrement dit, c’est fondamentalement réactionnaire.
Maintenant, quelle va être la suite?
Soit l’Histoire, cette vieille taupe, profite de ce moment de faiblesse du capitalisme occidental version française pour faire émerger une forme de lutte de classes, dont les contours nous surprendront…
Soit la décomposition politique française va conduire encore plus à l’aigreur et à l’apolitisme, avec des gens égoïstes prêts à tout accepter et à mettre le pays au service de la superpuissance américaine dans sa guerre contre la Russie (et la superpuissance chinoise).
Naturellement, la dialectique de la réalité implique la coexistence de ces deux phénomènes.
Tel est le cours de l’Histoire et ses contradictions : il faut des déchirures internes pour que les choses apparaissent… et s’affrontent.