Macron gère tant bien que mal la restructuration du capitalisme français.
Le discours d’Emmanuel Macron mercredi 22 mars a été l’illustration même de la crise. Non pas qu’il y ait un tournant historique qui se joue comme le prétendent certains, mais tout au contraire parce que le pays continue à s’enfoncer dans la décomposition sans que ni « en haut », ni « en bas », il n’y ait une quelconque perspective.
On notera ainsi le format de l’intervention qui n’a pas été un discours, comme cela avait pu être le cas lors de la pandémie de Covid-19, départ à la crise historique. L’heure ne fut pas non plus celle de grand écoute du 20h, mais à 13h.
De fait, son discours n’a ni servi à temporiser, ni servi à réprimer une quelconque protestation de masse, mais simplement à assumer la gestion d’une restructuration du capitalisme. Et quoi de mieux que de s’adresser à 13h, soit directement aux retraités en pantoufles, pour endosser le dossard du champion du conservatisme ?
Son discours n’a été rien d’autre qu’une répétition de ses grandes orientations, sans aucune grande annonce, car de grande annonce il n’y a en réalité nul besoin. La vérité c’est que les gens sont contre la réforme des retraites tout en ayant compris qu’ils s’étaient eux-mêmes piégés dans le mode de vie capitaliste fait de crédits en tout genre.
C’est pour cela d’ailleurs qu’Emmanuel Macron a rappelé que les choses avaient changé depuis 2019, avec la pandémie de Covid-19 qui a obligé l’État à s’endetter plus fortement. Le président de la République avait déjà déclaré il y a quelques jours que la réforme était une « nécessité absolue » et le Premier ministre Élisabeth Borne en avait préciser la raison au 20h de TF1 le jeudi 16 mars, celle de la protection du niveau de vie dans le capitalisme français :
« Quand on voit les sommes que l’on a mobilisé pour accompagner les français dans la crise covid, quand on voit ce qu’on mobilise pour les accompagner face à la flambée des prix de l’énergie, on ne peut pas faire croire aux français qu’on peut financer notre système de retraite par la dette […] Peut-être que certains veulent laisser croire que l’on peut tout financer par la dette, je pense que les français qui veulent acheter une maison, ils voient que les taux d’intérêts augmentent. C’est pareil pour l’État »
Et justement les gens se sont eux mêmes bloqués, veulent du capitalisme sans en vouloir. A ce titre, les contestataires ne représentent que l’apogée de la figure du petit-bourgeois pris de rage née en 2018 dans la crise des gilets jaunes. Macron le sait et peut se permettre d’enfoncer le clou en se déclarant prêt à « endosser l’impopularité » car il n’y a précisément aucune « majorité alternative ». Tout cela est vrai…et c’est très inquiétant car cela ne peut que servir cette vieille solution du sauveur suprême sorti des rangs de l’extrême-Droite capable d’assumer franchement le « tout changer pour ne rien changer ».
Macron endosse alors tout à la fois le parti de l’ordre et celui de la modernisation. Tout en appelant à l’augmentation de casernes de gendarmerie dans le pays et au personnel de justice, il vise à la « réindustrialisation » en profitant des réformes précédentes, comme la baisse des impôts de production ou bien encore la loi travail 2016, pour relancer le capitalisme français.
Macron navigue à vue : il est à un moment de l’Histoire où il se doit de sauvegarder le capitalisme français, ou plus exactement de le relancer sur une nouvelle base, tout en s’assurant de la paix sociale et civile. Une relance-restructuration qui se heurte non pas à une contestation intérieure mais à l’aiguisement de la compétition politico-militaire internationale le précipitant sous le parapluie des États-Unis.
Dans ces conditions, Macron se contente de gérer les choses en faisant passer une réforme qui rassure les investisseurs internationaux, condition seule à même de garantir la capacité de la France à lever sa dette et donc à conserver son niveau de vie actuel, donc à garantir la paix sociale.
Cela fonctionne pour l’instant car il n’y a précisément pas de contestation de masse du régime puisqu’il n’y a pas de Gauche historique travaillant à l’émergence d’une telle proposition. La bourgeoisie reste malgré tout bien inquiète de la situation car elle recèle objectivement toutes les conditions pour la renaissance d’une telle proposition…
Et l’on voit ici combien les opposants actuels sont de faux contestataires mais de vrais saboteurs de la seule prise de conscience nécessaire, celle du renversement d’un capitalisme français qui ne peut plus, dans cette époque de crise générale, payer l’addition sans se cracher lui-même…