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Cacophonie au congrès de la CGT

A l’image de la France.

A l’image de la France.

Du 27 au 31 mars s’est tenu le 53e congrès de la CGT, réunissant presque 1000 délégués et quelques centaines de secrétaires d’Union Départementales et de Fédérations, afin de décider de l’orientation du syndicat pour les trois prochaines années et d’élire la nouvelle Commission Exécutive Confédérale (CEC).

Cela a donc eu lieu dans le contexte du mouvement contre la réforme des retraites et alors même que Philippe Martinez, le Secrétaire Général confédéral, avait au préalable annoncé ne pas briguer de nouveau mandat.

Souhaitant que la suite soit prise par une femme, la direction sortante avait positionné la candidature de Marie Buisson largement en amont.

En face, la fraction syndicaliste-révolutionnaire du syndicat avait profité de l’appel d’air du mouvement contre la réforme des retraites pour faire monter la candidature d’Olivier Mateu, secrétaire de l’Union Départementale des Bouches-du-Rhône, un forestier-sapeur, dont l’arrivée au congrès en Tesla ne passa pas inaperçue.

Si l’affrontement entre la majorité réformiste et la minorité syndicaliste révolutionnaire est un grand classique dans la CGT, le congrès s’est transformé en véritable foire d’empoigne dès le deuxième jour, avec fait inédit, le rejet du rapport d’activité à 50,3% des voix.

Ceci laissa évidemment penser aux syndicalistes révolutionnaires qu’ils étaient entrain de prendre l’avantage, alors que le début du congrès avait été marqué par un verrouillage des débats par la direction sortante.

La suite fut un spectacle affligeant d’une salle où les délégués prenaient la paroles sous les huées des uns ou des autres, et donnant lieu en coulisse à des pressions, menaces et altercations.

En dehors, Olivier Mateu a enchaîné les plateaux dans une course médiatique pathétique, sa candidature montant sur les réseaux sociaux, alors qu’en interne il était loin de conquérir l’unanimité ou même la majorité, notamment chez les femmes.

La surestimation de leur poids par les syndicalistes révolutionnaires s’est confirmée le 30 mars au soir, alors qu’e seulement environ’à peine plus de 30% des délégués essayèrent de le faire rentrer sur la liste de la Commission Exécutive Confédérale.

Ensuite, il fallut une nuit entière, jusqu’à 7h du matin, pour se mettre d’accord sur la figure de Sophie Binet comme Secrétaire Générale.

Elle a été tirée du chapeau, aux dépens de Marie Buisson, afin de maintenir l’unité, et pour cela flanquée du contestataire Laurent Brun de la CGT-Cheminots comme administrateur. Pareillement, le bureau inclut Céline Verzeletti, la candidate bis des syndicalistes révolutionnaires.

On l’aura compris, c’est simple : à la CGT il y a trop de différences, trop de rancunes et de mépris. Une seule chose a maintenu l’unité : la possibilité, l’absolue nécessité de réussir à tout prix l’obtention d’une victoire dans le mouvement contre la réforme des retraites.

Seule une victoire peut éviter la décomposition, voilà ce qui a été le vrai fond de ce qui est ressorti du congrès de la CGT du point de vue de ses participants.

Surtout que personne n’a réellement ni les moyens, ni le courage, ni de perspectives pour opérer une scission, de toutes façons.

D’où le mot d’ordre de conserver les apparences : beaucoup de bruit pour rien, il ne faut pas s’inquiéter, finalement d’un côté comme de l’autre c’est la « famille » CGT avant tout, etc.

Sauf que la réalité, c’est que la nouvelle séquence historique n’en a rien à faire du mouvement contre la réforme des retraites.

L’actualité, c’est la bataille pour le repartage du monde, c’est-à-dire la guerre. Un thème absent du congrès, où par contre toute la salle se retrouve en cœur pour applaudir le délégué du foie gras de Dordogne avant même son intervention.

On reconnaît bien là toute la corruption par le capitalisme.

Voici le communiqué officiel de la CGT, qui assume la dimension « volcanique » du congrès.

« 942 délégué.es représentaient les syndicats CGT des entreprises et services publics de toute la France.


Moment démocratique essentiel du syndicat, les délégué.es ont débattu du bilan d’activité et financier de la mandature écoulée.

Ils ont travaillé sur le document d’orientation, feuille de route de la CGT pour la mandature qui s’ouvre.

Après plusieurs mois d’échanges dans les syndicats, la CGT s’engage à construire un syndicalisme de rupture sociale pour lutter contre les politiques libérales et financières et gagner de nouveaux droits, à développer ses forces et son audience électorale, pour élever et élargir le rapport de force.

Le document a été voté à 72,79%. Après l’intégration des amendements, il sera publié dans les prochains jours.

Enfin les délégué.es ont élu la nouvelle direction composée de 66 membres et sa nouvelle secrétaire générale, Sophie Binet.
Cette direction assurera la conduite de l’action de la CGT dans le cadre des orientations du congrès. 

Sophie Binet élue Secrétaire générale de la CGT !

Dans ses conclusions, la nouvelle secrétaire générale a salué les camarades en grève depuis plusieurs semaines pour le retrait de la réforme des retraites. 

Elle a remercié les camarades bénévoles qui ont assuré l’organisation du congrès et les délégués qui ont vécu une semaine difficile.

Si le congrès s’est tenu sur une terre volcanique, « on a empêché l’éruption » a-elle insisté, et a regretté « qu’on soit parfois plus dur entre nous qu’avec les patrons ». 

L’ambition est de retrouver des relations pacifiées grâce à notre culture de débats et notre culture de la lutte. 

À partir du document d’orientation ambitieux, la CGT va lancer une grande campagne de syndicalisation, et porter la reconquête industrielle et le développement des services publics. 
 
Elle a souligné la marque de fabrique de la CGT :  porter les questions sociales et environnementales en partant de nos métiers et notre travail dans le contexte de la mondialisation. Elle s’est félicitée de l’ambition de la CGT de lutter contre les violences sexistes et sexuelles et a remercié Philippe Martinez pour son engagement à la tête de la CGT. »

Voici l’appel du congrès, qui emploie même l’écriture inclusive. Si on avait dit il y a 20 ans, ou même dix ans, que la CGT parlerait des « travailleurs.euses », cela aurait fait rire. Mais c’est inévitable : la CGT subit le lessivage du 24 heures sur 24 du capitalisme. Il ne fait pas le poids sur rien.

Appel du 53e congrès : uni.e.s et rassemblé.e.s dans la lutte

Les 942 délégué.e.s réuni.e.s au Congrès de la CGT à Clermont Ferrand réaffirment leur opposition à la réforme des  retraites portée par le gouvernement et le patronat. La CGT juge indispensable de donner une ampleur sans  précédent à la mobilisation du 6 avril, d’amplifier le rapport de force par la multiplication des actions de grève,  blocages, occupations décidées en assemblée générale.

Après 10 journées de temps fort d’une mobilisation historique qui ont réuni des millions de personnes, dans la rue  partout en France métropolitaine et en Outre-Mer et alors que des salarié.e.s sont en grève reconductible dans le  pays, Emmanuel Macron ne peut plus rester sourd et aveugle face au rejet massif de sa réforme antisociale.

Le gouvernement est prêt à tous les mauvais coups pour sortir de la crise dont il est responsable. Non à  l’allongement de la durée de cotisations, non à la retraite à 64 ans ! Oui au retrait pur et simple de cette réforme  illégitime, injuste, injustifiable et injustifiée ! Il n’y aura ni médiation, ni compromis.

La CGT réaffirme son exigence d’une retraite pleine et entière à 60 ans avec des départs anticipés pour tous les  travaux pénibles et le maintien de tous les régimes pionniers.

Les délégué.e.s du 53ième congrès de la CGT condamnent avec la plus grande fermeté les actes policiers et des  patrons. D’où qu’elles viennent, les violences ne réduiront pas la colère du monde du travail qui anime cette  mobilisation sociale historique. La CGT condamne les réquisitions et le non-respect du droit de grève, droit à valeur  constitutionnelle. La CGT exige la suppression de toutes les poursuites judiciaires des militant.e.s dans le cadre  d’actions syndicales et de manifestations.

Après des années d’austérité salariale, de plus en plus de salarié.e.s, précaires, privé.e.s d’emploi, jeunes et  retraité.e.s n’arrivent plus à faire face à l’inflation, cela ne peut plus durer. La CGT réaffirme l’ensemble de ses  revendications : augmentation des salaires, SMIC à 2 000 euros, remise en place de l’échelle mobile des salaires,  dégel du point d’indice…

Pleinement mobilisé.e.s contre la réforme des retraites, les délégué.e.s du 53ième congrès s’élèvent contre la  dégradation de la situation internationale et réaffirment leur engagement pour la paix et la solidarité internationale  entre les peuples et clament sans ambiguïté leur refus de la guerre.

Face à cette oppression du capital et de ses relais et face à l’urgence climatique, nous confirmons nos valeurs  fondamentales de classe, de masse, de démocratie et d’indépendance. Nous réaffirmons que dans cette lutte  violente du capital contre l’humanité et la planète, notre force est d’œuvrer à rassembler le monde du travail le  plus largement possible, comme la CGT le fait depuis 128 ans.

Les congressistes du 53ième congrès rappellent leur engagement dans le combat pour l’égalité entre les femmes et  les hommes ainsi que la lutte contre toutes les discriminations et toutes les violences sexistes et sexuelles. Le  congrès dénonce l’agression d’un camarade à Albi par un groupuscule d’extrême droite.

Les délégué.e.s du 53ième congrès appellent également le monde du travail à garder la plus grande vigilance et la  plus grande fermeté contre l’extrême droite et ses idées nauséabondes. Les délégué.e.s du 53ième Congrès  représentant toute la CGT affirment que nous resterons le syndicat de toutes et tous, quels que soient leurs  origines, leurs genres ou leurs croyances.

Nous sommes face à de multiples urgences qui nécessitent la mise en œuvre de véritables ruptures remettant en  avant l’humain, la réponse aux besoins fondamentaux de la population et l’émancipation des travailleurs.euses.

Le 53e congrès appelle les salarié.e.s, retraité.e.s, privé.e.s d’emploi et les jeunes à s’engager dans toutes les  luttes proposées, menées et organisées par la CGT et à la reconductibilité sous toutes les formes. Le 53e Congrès  appelle l’ensemble des salarié.e.s à poursuivre leur engagement dans les grèves en cours, à venir amplifier les  mobilisations et à rejoindre la CGT pour lutter toutes et tous ensemble JUSQU’À LA VICTOIRE !

Clermont-Ferrand, le 30 mars 2023