Une méthode qui révèle l’alignement capitaliste.
Le Parti Communiste Français a tenu son 39e congrès, du 7 au 10 avril 2023. Allait-il être satisfait de Fabien Roussel, après son résultat de 2,28% à la présidentielle, un an auparavant?
Il l’a été. La base a confirmé à 81,92 % son texte stratégique « L’ambition communiste pour de nouveaux Jours heureux« . Lui-même a été réélu comme dirigeant à 80,4%.
Et le PCF a mis en place tout un dispositif autour du congrès, pour le rendre facile à comprendre, facile d’accès en ligne avec une vidéo des comptes-rendus (sauf pour le dernier après-midi), une présentation très claire, le tout sur un site dédié.
Une site hébergé par « NationBuilder, 520 S. Grand Ave., 2nd Floor, Los Angeles, CA 90071 ». Il n’est même pas précisé que c’est aux Etats-Unis ! C’est plutôt amusant quand on sait que Fabien Roussel n’a pas cessé d’exprimer son amour de la patrie tout au long du congrès.
Mais justement, son populisme est à l’américaine. Car le PCF a utilisé pour le congrès la plate-forme américaine « NationBuilder », qui met en place une interface en ligne pour mener des « campagnes ».
L’interface pompe un maximum d’informations sur les personnes l’utilisant, notamment par l’intermédiaire de Facebook et de Twitter. Elle permet de lancer des campagnes en fonction, afin de toucher les « cibles », proposant des graphismes, une esthétique, des idée de méthodes, etc.
C’est l’activisme clef en main typique du 24 heures sur 24 du capitalisme. L’interface de « Nationbuilder » a été d’ailleurs employée notamment par Donald Trump pour gagner l’élection américaine de 2016, et par Emmanuel Macron pour gagner l’élection française de l’année suivante.
Le PCF a fait comme Emmanuel Macron la même année, d’ailleurs. Les socialistes français l’emploient aussi, Eric Zemmour fait de même, et on retrouve l’interface dans plusieurs pays ; le Parti du Travail de Belgique fonctionne avec, par exemple.
Pourquoi en parler maintenant? Pour une raison très simple. Employer Nationbuilder, voilà qui ne colle pas vraiment avec le discours de Fabien Roussel d’un retour au terre à terre. Il prétend qu’il veut s’adresser aux gens « normaux » et voilà qu’il emploie la plus développée des interfaces du « monde digital ».
Il y a l’apparence, où l’on prétend s’adresser de manière démocratique. Et il y a la réalité, où dans les structures mentales même, dans la culture, dans la pratique, il y a l’asservissement aux modalités « politiques » du capitalisme le plus moderne.
De son point de vue, il ne verra pas de contradictions. Nous, du point de vue de la Gauche historique, nous le voyons. Nous détestons cette « gauche » Twitter, Facebook et Instagram, ou même youtube et tiktok. C’est totalement aliénant, cela n’a rien à voir avec une bataille pour les consciences.
Croire qu’on peut faire passer des idées de gauche au moyen de produits capitalistes faits pour épuiser les consciences, vider les esprits, consommer… c’est de l’insconscience, de l’absdurdité, de la collaboration avec le 24 heures sur 24 du capitalisme.
Qu’il faille une bonne présentation sur internet, c’est vrai. Qu’on adopte les méthodes des pires capitalistes en s’imaginant les retourner en son contraire, voilà qui est inacceptable.
On comprend alors pourquoi le PCF est totalement pro-nucléaire, pourquoi Fabien Roussel joue au viandard beauf, pourquoi le PCF s’aligne sur l’OTAN tout en le critiquant. Le PCF veut être « de la partie ». Il ne veut pas de rupture.
Et il a fait ce choix en mai 1968, lorsqu’il s’est totalement opposé au mouvement. Cela devait être dit avant d’analyser le congrès, ce qui reste à faire, car on ne peut pas comprendre ce que dit le PCF si on ne voit pas déjà son hypocrisie. Non, on ne peut pas chanter l’Internationale en employant Nationbuilder!
Car c’est là le second aspect, dont il faudra parler, justement avec le congrès. Fabien Roussel représente une ligne qui se revendique du marxisme, du socialisme! Et qui méprise ouvertement la minorité, qui est elle en mode « post-moderne ». Les deux textes signés par des jeunes (ou un peu moins jeunes) pour soutenir les deux factions reflètent bien cette opposition.
Mais cette opposition est-elle réelle? Elle ne peut pas l’être, avec un tel arrière-plan culturel, avec une telle démarche. On ne peut pas agir et faire comme si le monde venait de commencer. En jouant ainsi, le PCF fonce dans le mur et il est une machine à illusions.