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Comment Gims a vu l’avenir en imaginant le passé

L’avenir appartient aux peuples du tiers-monde.

L’avenir appartient aux peuples du tiers-monde.

De quelle couleur sera l’avenir ? Il sera coloré et c’est ça qui compte. Si aujourd’hui, les peuples du monde sont divisés, dans 200 ans, 300 ans, il n’y aura plus qu’un seul peuple mondial, et nous serons tous plutôt noir, plutôt jaune, pour autant que de telles définitions puissent alors avoir encore un sens.

Et c’est parce qu’il a vu cet avenir, sans le comprendre, que le chanteur Gims l’imagine dans le passé. Ses propos lors d’une longue interview ont été aberrants – mais dialectiquement, ils relèvent de notre drapeau, celui de la chute de l’occident. Ils sont cohérents.

Quand Gims dit que le passé c’est l’Afrique avec un très haut niveau de technologie, en réalité il parle de l’Afrique du futur, dans le socialisme. Il a compris le décalage immense entre l’énorme quantité de gens sur ce continent et la si faible qualité qui en ressort. Il sait que ce n’est pas possible. Alors il imagine cela dans le passé, mais il parle en réalité du futur.

Il suffit de relire ses propos en les mettant à l’endroit et on voit très bien que c’est l’un des nôtres.

« L’Afrique c’est Wakanda bordel. C’est le futur normalement chez nous. À l’époque de l’empire de Koush, il y avait l’électricité. Les pyramides qu’on voit là, au sommet il y a de l’or. L’or c’est le meilleur conducteur pour l’électricité. C’était des foutues antennes.

Les gens, les gens avaient l’électricité. Les gens ils arrivent pas à comprendre ça. Les Égyptiens, la science qu’ils avaient, ça dépasse l’entendement. Et les historiens le savent.

L’Afrique a peuplé l’Europe avant les Européens. On les appelait les afropéens. Ils ont été décimés par les vrais européens entre guillemets qui venaient d’Asie. On les appelait les Yamnayas, tu vois ?

50 000 ans avant les Européens, la notion de la chevalerie, on l’avait déjà. Tu retrouves aujourd’hui des tableaux qui sont classés, cachés dans des catacombes. C’est des re-nois qui sont en mode chevalier, Sir Lancelot tout ça. Bien sûr ça existait déjà. Bien sûr. C’est juste qu’il faut connaître notre histoire.

On veut nous faire croire que notre histoire elle a commencé sur négrier, genre on est en train de ramer en sueur. Non. »

Ce qu’il dit n’est pas objectivement faux et subjectivement vrai, il ne s’agit pas de faire du misérabilisme. Ce qu’il dit est objectivement vrai, mais dans le futur, exprimé de manière détournée, aliénée. Et il a subjectivement tort, car il idéalise un passé mythique, comme Kemi Seba qui est passé de l’antisémitisme au panafricanisme, toujours sans comprendre la lutte de classes.

Mais même sans la comprendre, le tiers-monde vit dans ses propos. Lorsqu’il dit que l’Afrique est pillée depuis Cortès, c’est absurde, car c’est le continent américain qui a été victime alors. Si on regarde toutefois avec des yeux révolutionnaires ce qu’il dit, on devine qu’il parle du tiers-monde.

D’ailleurs si Gims est chanteur commercial pour ados, pour faire court, il a vécu jusqu’à 18 ans dans des foyers d’accueil et des squats, il sait ce dont il parle. Ces propos tenus lors de la même interview en font foi.

« Je veux me concentrer sur le continent africain. A un million de pourcents. Un million de pourcents, je vais mettre toute ma force aujourd’hui sur l’Afrique tu vois. Et c’est ce qui me fait vibrer aujourd’hui, autant voire plus que la musique tu vois. C’est ce qui me fait vibrer, moi je suis un fan d’histoire donc, je suis un fan d’histoire, d’étymologie, de toutes ces choses-là.

Aujourd’hui je suis persuadé que l’Afrique a inspiré tout le monde, de Picasso aux grandes marques de luxe, ils ont tout pris à l’Afrique. Absolument tout. Ils ont brûlé les bibliothèques, donc on a plus d’écrit. J’ai appris il n’y a pas longtemps qu’il y avait plus grand que le mur de Berlin, c’est le mur que les Béninois ils ont fait il y a des années.

Donc on a déjà fini le jeu en vérité. Mais on a effacé notre historique, on a tout brûlé donc aujourd’hui moi mon combat c’est que je ne comprends pas je n’accepte pas qu’aujourd’hui un pays comme le Congo, comme le Mali soit dans des dans un tel niveau de précarité quant à la nourriture.

Comment on peut ne pas manger aujourd’hui en 2023 avec le gaspillage ? Tu vois Chirac il a dit un jour si l’humanité mangeait comme les Français il faudrait six planètes Terre, vous vous rendez compte le calcul ? Donc aujourd’hui je pense que c’est ce que je dois faire. Je dois me concentrer sur l’Afrique noire.

Je sais pas encore comment exactement, par quel biais, comment rentrer. Par la culture ? Par si ou par ça ? Mais il faut qu’aujourd’hui les Congolais, les Africains se lèvent. Il faut que… Tout l’argent vient d’Afrique, tout l’oseille de l’Europe vient d’Afrique, depuis l’aube des temps. Depuis Hernán Cortés.

Il faudrait juste qu’on puisse profiter un petit peu de notre argent, c’est tout. Et j’aimerais faire partie des personnages aujourd’hui, comme Sankara, comme toutes ces légendes, comme Lumumba. J’aimerais proposer quelque chose quoi. J’aimerais pas, j’ai pas envie qu’on dise c’est le gars qui a fait « sapé comme jamais ». Non je veux construire quelque chose de solide.

Il faut du cran pour dire comme il le dit je suis juste un chanteur comme plein d’autres et je veux contribuer à l’Afrique. C’est honorable. D’ailleurs le « mauvais buzz » est parti d’un grand partisan de l’occident, Tristan Mendès-France.

Il fait partie de la scène anti « complotiste ». Initialement, il y avait un vrai effort éducatif dans cette scène, surtout contre l’antisémitisme. Mais l’intellectualisme et la fréquentation des milieux universitaires l’a conduite à être totalement pro-occident, notamment pro-Ukraine bien entendu.

Tristan Mendès-France, sur son compte Twitter, s’est donc autant moqué des propos sur les pyramides que ceux, pourtant tout à fait justes, du rôle des multinationales et des grandes puissances dans la situation congolaise !

Cela veut tout dire. D’un côté le tiers-monde qui s’affirme péniblement, dans la souffrance, dans l’incohérence, de l’autre côté l’occidental repu bien à l’abri dans sa forteresse et sa rationalité linéaire.

Gims n’est pas une partie du problème, mais bien de la solution. Si vous regardez la vidéo de Rage against the machine pour la chanson Peoples of the sun, qui parle justement des Mayas et des Aztèques victimes des conquistadors avec Cortès, vous avez la même substance.

Les paroles sont bien entendu rationnelles, car Rage against the machine appartenait directement à notre camp. Ils ne romantisaient pas le passé comme Gims. Mais il y a la même charge. Celle qui fera tomber l’occident ! L’avenir est noir, il est jaune… Il est rouge !

Vérifiez, depuis 1516, les esprits attaqués et surveillés Maintenant rampent parmi les ruines de ce rêve vide
Avec leurs frontières et leurs bottes, au-dessus de nous
Nous écrasant, depuis leur métropole toxique

Mais comment allez-vous obtenir ce dont vous avez besoin?
Les mangeurs de tripes, trempés de sang reçoivent des offensives comme celles du Tet [au Vietnam]

Le cinquième coucher de soleil [aztèque, de la fin des temps] revient, il réclame
L’esprit de Cuauhtémoc [le dernier empereur aztèque], vivant et sauvage

Maintenant, faites face au funk, maintenant, faites exploser votre haut-parleur
D’un et d’un autre, Maya, Mexica
Ce vautour est venu essayer de voler ton nom
Mais maintenant tu as une arme !
Oui, c’est pour les peuples du soleil !