Il ne se passe rien de rien, quelle folie.
Il est tout à fait évident que le mouvement contre la réforme des retraites est un échec. Plusieurs mois de mobilisations de masse n’ont abouti à rien, n’ont produit aucune nouvelle réalité politique, idéologique, culturelle, sociale. Si on voit les choses avec du recul, si on regarde disons depuis 1970, alors on voit jusqu’en 2023 une totale continuité politique au niveau gouvernemental, une totale continuité économique sur le plan capitaliste.
Il y a bien entendu eu des événements sociaux et politiques, des changements profonds. L’élection de François Mitterrand en 1981, la systématisation du Minitel, l’émergence du rap, la révolte des banlieues en 2005, la généralisation des smartphone, bref tout ce qu’on voudra.
En pratique pourtant, rien n’a changé au niveau des rapports entre les classes, ni sur le plan de la vie quotidienne. On naît, on s’amuse dans sa jeunesse, on s’insère socialement, on prend ses « responsabilités » d’adulte, on bosse quelques décennies en élevant ses enfants (ou pas), on vit une retraite dans la passivité et on meurt.
Certains auront plus de chance que d’autres, car ils profiteront d’un filet social, matériel, leur accordant une marge de manœuvre plus importante. Ils vivront dans de grands logements, iront en discothèque à Paris pendant plusieurs années, auront des postes à responsabilité bien payés ou seront rentiers.
Et dans tout ça, il y a aussi le mariage, le divorce, les rapports sentimentaux, la culture, les loisirs, le sport.
Mais enfin, ça ne change rien au fond. La France de 2023 est celle de 1982, même celle de 1962 ou de 1932. Sur le plan des forces productives, c’est différent bien entendu. Dans les mentalités, dans la participation au capitalisme, pas de différences par contre.
Restent, heureusement, des moments clefs de contre-tendance. Il y a le Front populaire, la Résistance, Mai 1968. Cela fait loin. Et cela n’a pas eu d’incidences sur le 24 heures sur 24 du capitalisme. D’ailleurs, sur le fond, malgré des différences d’ampleur, le système social est le même en France, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, en Italie.
Il y a les mêmes accords entre les représentants corrompus des travailleurs et la bourgeoisie, il y a la même fascination pour la petite propriété de la part des travailleurs. Il y a la même passivité générale des masses sur tous les plans. Les gens, individuellement, font bien entendu souvent plein de choses. Personnellement, pris un par un, ils sont intéressants.
Au niveau historique, l’exploitation et l’aliénation les bloque humainement de manière immense, déformant leur personnalité réelle, les façonnant selon le moule capitaliste. Si on regarde les choses en termes de décennie, c’est évident.
Si au contraire on a un regard opportuniste, sur le court terme, alors évidemment on s’imagine qu’il se passe des choses. C’est cependant de l’hypocrisie, du mensonge. Et l’une des preuves les plus nettes est le silence complet sur l’intégration de la France dans l’Otan et l’utilisation de l’Ukraine comme chair à canon contre la Russie.
La France veut profiter de sa réalité occidentale jusqu’au bout, voilà la raison de la totale paralysie de la société française. Elle converge avec la guerre contre la Russie : une victoire permettrait, en dépeçant la Russie, de maintenir le niveau de vie, l’hégémonie sur le monde.
Quelle faillite morale, intellectuelle, politique, culturelle, sociale, idéologique ! Et c’est sans avenir. Il n’y a pas de paralysie qui tienne. Ce sera la reconnaissance du Socialisme comme avenir mondial, ou l’agonie dans un mélange de décadence libérale-libertaire et de fièvre identitaire occidentaliste.