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Vie quotidienne

Les sans-attaches et les ligotés du capitalisme

Dans la vie quotidienne du capitalisme, on peut distinguer deux types d’attitudes majeures. Il y a ceux qui vivent les choses de manière consommable, sans jamais vouloir s’engager durablement. Et il y a ceux qui suivent ce qu’on peut appeler un modèle de vie d’adulte, au sens petit-bourgeois et bourgeois du terme. Les deux camps cohabitent dans le capitalisme, mais vivent à part. Leurs mentalités peuvent se rejoindre, pas pour les mêmes raisons cependant.

Car ce qu’il faut bien saisir, c’est que ces deux attitudes majeures, ces deux styles de vie si on veut, ne dépendent pas des classes. Elles dépendent du rapport à la ville et aux campagnes. Cela ne veut pas dire qu’on soit dans un capitalisme qui se soit débarrassé des classes. Cependant, la fracture villes-campagnes sans cesse élargie par le capitalisme aboutit à une situation en développement.

Prenons par exemple la contestation « très à gauche » et celle « très à droite ». Dans les deux cas, on trouve ensemble les sans-attaches et les ligotés du capitalisme. Mais pas les mêmes ! Dans la version de « gauche », on trouvera des gens changeant d’emploi facilement ou étudiant, surtout jeunes, qui sont hyperactifs sur les réseaux sociaux, s’agitent d’autant plus qu’ils n’ont pas de responsabilités : pas de famille, pas de propriété. Ils profitent de la ville où ils s’activent d’autant plus qu’ils ont peut-être moyen de faire carrière par cette agitation. L’étudiant sans succès sait bien que plus il ira loin par exemple dans les délires LGBT, plus il va socialiser avec le turbocapitalisme et pouvoir trouver une place.

On trouve aux côtés de ces sans-attaches des ligotés du capitalisme, dans leur variante bourgeois de gauche. C’est le public de l’Observateur, le « nouvel obs » historique où les discours de « gauche » accompagnent des articles sur des montres à 2000 euros et des appartements pour CSP++. Ces gens veulent un capitalisme moderne, qui se renouvelle, qui soit social pour atténuer les chocs. Le Parti démocrate aux États-Unis est l’équivalent de tout cela.

« Très à droite », on a aussi des sans-attaches et des ligotés du capitalisme. Sauf que ces derniers ne sont pas des bourgeois : ils sont populaires. Ils ont acquis la propriété, et maintenant il ne faut plus que ça bouge. Le vote Le Pen, c’est historiquement cela. Les gilets jaunes sont également une expression de ces ouvriers et employés, artisans et commerçants ultra-conservateurs. Parvenus à un certain niveau d’accumulation de capital, ces gens aimeraient geler la situation. Tout ce qui est nouveau les dérange. Et le nouveau, voilà ce qui dérange aussi des sans-attaches… pour le coup bourgeois et grand-bourgeois. Car il y a des bourgeois restés au capitalisme à la papa.

Les agités de « l’ultra-droite » française relèvent totalement de cela et à ce titre ils ne sont même plus d’extrême-Droite. Ils assument de « réagir » au capitalisme accéléré, avec un style provocateur et brutal qui relève totalement des codes du capitalisme accéléré. Ils n’ont aucune cohérence sur le plan des idées et l’assument. Pour preuve, tous soutiennent le régime ukrainien pourtant totalement au service de l’Otan et de la superpuissance américaine. Cela ne les dérange pas, car ils voient que le régime ukrainien a une idéologie nationaliste et que les nazis y ont un immense espace en théorie et en pratique. Alors ils foncent : ils assument d’être simplement en réaction.

Il n’est pas difficile de voir ici que plus on est lié aux villes, plus on est influencé par le turbocapitalisme, alors que plus on est lié aux campagnes, plus on est marqué par la contestation « en réaction ». Ce qui ne veut pas dire qu’on soit concrètement en ville ou à la campagne. On peut en effet idéaliser la ville et la campagne. Tel urbain va avoir une image idyllique de la campagne, par l’intermédiaire de la chasse, tel habitant des campagnes va rêver d’une vie pleine de fantasmes en mode LGBT urbain. Et il y a bien entendu en France toute une série de degrés entre la campagne « absolue » et le centre de Paris.

Il est évident que tant que cette mauvaise dialectique des sans-attaches et des ligotés du capitalisme se maintient, il n’y a pas de place pour la Gauche historique. Et y en aura-t-il ? Car en France, pays occidental s’effondrant, tout a l’air coincé, tout en parvenant à se maintenir, et on peut penser qu’il y en aura pour un certain temps avant que tout cela ne soit remis en cause. Cela semble même être pareil pour tous les pays occidentaux. Dans tous, l’idéologie LGBT est assumée officiellement par les États, par l’Union européenne encore plus, et c’est pourtant toujours présenté comme une « cause » d’une portée « rebelle ». Que les gens acceptent une telle mystification, même passivement, en dit long.

De toutes manières, un pays qui finit par accepter l’idée qu’être homme ou femme, c’est dans la tête que ça se décide… a atteint un relativisme absolu. Plus rien ne peut vraiment tenir quand on a atteint un tel niveau de remise en cause de la dialectique de la réalité, avec ses oppositions bien-mal, passé-futur, positif-négatif, prolétariat-bourgeois. Tout se voit réduit à de l’individuel, à du choix de consommation. Encore faut-il pouvoir consommer… et c’est là la faiblesse du capitalisme. Si la superpuissance américaine n’arrive pas à torpiller la Russie puis la superpuissance chinoise… ce sera l’instabilité.

Là les sans-attaches et les ligotés du capitalisme cesseront d’être un obstacle à la recomposition du prolétariat dans la métropole occidentale.