Comment la France va t-elle s’en sortir ? La question est dans toutes les têtes et forme un tel vertige qu’en débattre est exclu. Les esprits s’enivrent, les âmes vacillent et la discussion politique est toujours plus réduite, plus taboue tant les implications sont vastes.
On peut bien discuter des difficultés de la vie, de telles ou telles choses liées à l’actualité mais poser les choses du point de vue politique est interdite. Encore moins si l’on a une prétention idéologique. Si l’on regarde correctement les choses, on ne peut que constater à ce point de vue une coupure majeure entre les années d’avant 2010 et celles d’après 2020.
Il y a encore quelques années, parler de « capitalisme » était autorisé même si cela était une sorte de pensée commune sans surface critique et scientifique, il n’en restait pas moins vrai qu’une discussion impliquant un effort et une attention même minime était envisageable. Cela pour le capitalisme, mais également pour des tas d’autres choses comme la musique, l’actualité, l’écologie, les relations de la vie elle-même…
En 2023, cela est toujours moins permis. Non pas qu’il y ait une barrière formelle, des lois répressives comme le diffuse les petits boutiquiers du mensonge, mais bien que la pression psychique sur les gens est telle que toute discussion au-delà du quotidien immédiat est proscrite. On peut bien parler de grandes sujets, comme le réchauffement climatique, la guerre, l’exploitation salariée, etc., mais cela restera au stade élémentaire.
C’est là une donnée issue de la pandémie de Covid-19, avec des confinement qui ont permis de se poser, de revoir les choses ou pour le dire d’uploader sa vie, ou plutôt la vie dans une nouvelle configuration. Mais en réalité, l’upload a buggé. Le téléchargement des nouvelles données avait bien commencé mais il s’est crashé à 10 ou 20 % du processus…
Le bug a forcé les gens à continuer à vivre dans un autre mode. Penser que les gens sont dans le déni de l’après Covid-19 est donc erroné. Le déni est derrière eux, les gens sont passés en mode sans échec. Toute programmation psychique qui demande un effort dans lequel l’activité cérébrale est tendue vers un aspect collectif prolongé est indisponible.
Les gens vivent sur un mode élémentaire et la seule chose dont ils leur est permis d’avoir conscience, c’est que ce mode est précisément voué à l’échec. Dans le mode sans échec du capitalisme, c’est l’élémentaire et l’immédiat qui prime sur tout.
S’il y avait seulement déni, on ne pourrait comprendre par exemple les émeutes de la fin juin 2023. L’émeute anarchique avec pour arrière-plan l’ « anti-flic » relève d’un tel mode sans échec : le réel n’est pas nié mais filtré par un logiciel sans les pilotes permettant la navigation (l’interprétation) complexe.
Cela est visible dans le rapport aux règles de vie civique, le respect de la nature et des animaux, les relations amoureuses, le rapport au travail, etc. Dans le mode sans échec, ce qui manque c’est justement le pilote qui permet la conscience du rapport social.
Le rapport au travail justement est l’expression typique du phénomène. Il n’y a plus investissement au travail avec l’idée qu’on est là dans un rapport collectif mais une présence sur le mode simple. Il n’est pas question de regretter en soi ce phénomène issu de la réalité du capitalisme, mais d’un autre côté tout révolutionnaire part de cette réalité qui lui lègue des gens leur étant indisponible, voir même indisposé.
Évidemment, la bourgeoisie s’en émeut mais n’y peut rien car elle-même est passée sur ce mode. Il n’y a qu’à voir comment l’endettement du pays l’effraye et dont elle sait qu’il va falloir faire travailler les gens plus, beaucoup plus, avec moins d’acquis sociaux mais il lui faudrait pratiquement un régime policier, voir fasciste pour cela. Une telle programmation complexe lui est hors de portée.
La France va t-elle s’en sortir ? Sûrement pas et tant pis se disent les français puisque de toute manière le mode sans échec ne dure qu’un temps. La France va donc au crash et il sera l’espace de débogage.