Quand le capitalisme s’écroule, il produit des choses étranges, notamment des ultra-révolutionnaires venant torpiller la révolution de l’intérieur. L’exemple suivant est anecdotique, mais finalement presque amusant. C’est même tellement pittoresque qu’on se croirait dans le scénario d’une série Netflix. Plus précisément, c’est une série Netflix, parce que les gens qui ont participé à ces aventures sont totalement dans cet esprit-là.
Voici le scénario. Nous sommes dans les années 2010. Le lieu : en Allemagne, aux États-Unis, au Canada, ainsi qu’en France, surtout. Les acteurs : des étudiants et des aventuriers fréquentant les milieux d’extrême-gauche. L’histoire est simple : ces acteurs veulent apparaître comme super-révolutionnaires.
Mais comment faire pour avoir l’air hyper-révolutionnaire? Étant étudiants ou aventuriers, il n’y avait pas quarante solutions pour de tels gens. Les voici :
- multiplier les messages et la présence sur les réseaux sociaux ;
- racoler au maximum en se disant d’accord sur tout mais comme proposant la seule voie vraiment révolutionnaire ;
- harceler et dire du mal des « concurrents » ;
- se donner une image ultra-révolutionnaire.
Jusque-là, rien d’extraordinaire. Tout ce qui racole à gauche de la gauche fonctionne ainsi. Cependant, l’émergence des rapports sociaux a provoqué une immense pression et il fallait en rajouter toujours plus…
Aussi, cet assemblage de petits-bourgeois et de lumpen ont repéré le maoïsme. C’est une idéologie très compliquée, avec beaucoup de concepts. C’est logique : c’est le produit de la Gauche historique. Il faut connaître le marxisme… puis le léninisme… puis le maoïsme. Il faut connaître le mouvement ouvrier des débuts, puis l’URSS, puis la Chine populaire. Cela fait beaucoup et le niveau est élevé. C’est l’exigence du matérialisme dialectique.
Et donc, comme c’est compliqué, et dans le creux des années 2010, en pleine généralisation de la consommation… il y avait moyen de s’approprier le « maoïsme ». Personne n’y comprend rien, tout le monde s’en moque, les étudiants arrangent tout comme ça les arrange… Et voilà un « maoïsme », sans contenu, bien entendu, mais avec un « style ». Cela permet de faire du bruit, puisque le principe c’est de se revendiquer de la « guerre populaire »… sans faire, bien entendu.
Maintenant, imaginez le problème. Un groupe de gens se revendiquant d’une idéologie « ultra-révolutionnaire » et devant apparaître comme tel… Cela donne une folie furieuse interne. On parle ici de véritables sectes. Étant donné qu’il n’y avait pas d’idéologie en effet, donc pas de principes, tout marche avec un « boss ». Pour donner l’illusion d’avoir une activité interne, on parle de réunions permanentes, avec des « critiques » et des « autocritiques » incessantes.
Il faut sans cesse faire semblant d’être une actualité, il faut sans cesse participer aux manifestations, en faisant semblant de leur donner de l’importance. Il faut également écrire des slogans sur les murs, faire des compte-rendus sur les réseaux sociaux pour la moindre affiche collée, etc. C’est l’auto-intoxication permanente.
Dans un tel contexte, ce qui se produit, c’est bien entendu d’un côté un écrasement des psychologies, de l’autre des révoltes hystériques produisant des scissions en série. Ces scissions n’ont évidemment jamais de réelle base idéologique ou politique. On est ici dans la rancœur, la recherche de prétexte, mais aussi les drames. Le prétexte tient souvent (notamment en France) à des histoires de viols, c’est dire à quel point c’est glauque.
La plupart du temps, la scission part donc d’une révolte de gens horrifiés par les comportements hiérarchiques abusifs et ne comprenant pas pourquoi ils ont finalement lieu. Le même phénomène se reproduit ensuite de nouveau de scission en scission.
Aux États-Unis, les anciens membres des « gardes rouges » ont ainsi publié une quantité importante de documents pour se présenter comme des « rescapés » d’un « culte ». Ils se présentent comme des victimes particulièrement traumatisés dans leur vie personnelle. Il n’y a aucune interprétation politique, seulement une dénonciation de « manipulateurs » pervers.
Ce phénomène a vraiment été propre aux années 2010. L’émergence de la pandémie y a mis un terme, même il en existe des restes, sur une base très précaire et avec beaucoup moins de prétentions. Ce qui compte surtout, c’est l’énorme gâchis d’énergie et la démolition de bonnes volontés.
Le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada a réussi à s’implanter dans tout le pays. Il a amené plein de gens à devenir activiste, dans un pays sans tradition historique révolutionnaire réelle. Comme c’était malheureusement en racolant, la dérive en mode « LGBT » universitaire a été massive. Les « anciens » se sont révoltés et ont été éjectés, tout s’effondrant dans la foulée en plusieurs scissions encore. De tout cela, il ne reste finalement… rien. A part des articles pittoresques de médias comme Vice (ici sur les « maoïstes » fictifs français) et éventuellement une carrière ou des contacts pour un tel ou un autre.
Cet exemple lamentable est anecdotique. Quel intérêt de savoir que quelques dizaines ou centaines de personnes ont perdu leur temps à se croire ce qu’ils ne sont pas, pour débarrasser le plancher une fois leur aventure passée. Cependant, il faut voir également que cela reflète une tendance du capitalisme à tout s’approprier pour le transformer dans un sens capitaliste. Ce n’est pas pour rien que ce « maoïsme » fictif a repris à son compte les délires LGBT en les poussant au maximum. Pour les « maoïstes » français fictifs, les « trans » étaient pratiquement le nouveau sujet révolutionnaire.
Pour préserver les valeurs de la Gauche historique, il faut avoir en tête que le capitalisme utilise également des « ultras » pour déborder en apparence par la Gauche, pour précipiter dans l’implosion en général. Ce que Mao Zedong avait justement remarqué durant la révolution culturelle chinoise avec Lin Piao et son culte du « petit livre rouge », ou encore le mouvement ouvrier durant la guerre d’Espagne avec le POUM « ultra-révolutionnaire » visant à torpiller le Front populaire antifasciste au nom de la « révolution ».