Sahra Wagenknecht fonde fin octobre 2023 un nouveau parti ; voici quelques points précisant sa démarche. Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, car elle est une figure de la Gauche historique. Elle n’appartient pas à la « gauche post-moderne » qui s’est installé à partir des années 2000, dans le prolongement du développement forcené du capitalisme de 1989 à 2020. Wagenknecht a ainsi comme démarche de chercher à s’adresser aux gens « normaux », refusant de s’aligner sur les principes de l’écriture inclusive, sur le migrant ou les LGBT comme figure sociales à défendre, etc.
A quel courant de la Gauche historique appartient Wagenknecht? Disons que c’est une socialiste à l’allemande. Si on prend la question de la guerre, elle relève de la social-démocratie d’avant 1914 (donc Lénine et Rosa Luxembourg compris). Elle dénonce non stop le militarisme et la course à la guerre des superpuissances ; vivant en Allemagne, elle s’oppose en premier lieu à l’OTAN et au soutien militariste sans limites au régime ukrainien.
Sur le plan social, Sahra Wagenknecht a une ligne revendicative agressive, très agressive. Pour forcer le trait, elle agit comme si elle craignait qu’un mouvement comme les gilets jaunes se produisent, ou bien que l’extrême-Droite s’approprie une thématique sociale. Donc elle a une ligne, pas populiste, mais peut-être assez proche dans la forme, afin de vraiment la rendre lisible et présente. Cela marche très bien, tout le monde doit le reconnaître en Allemagne. Un sondage à l’annonce de la fondation de son parti montre que 19% des gens pensent pouvoir voter pour elle à l’ouest de l’Allemagne, et 29% à l’est.
Sur le plan économique, sa position est, on va dire, assez proche dans l’esprit ds discours de l’Allemagne de l’Est des années 1980. Sahra Wagenknecht considère que le capitalisme, c’est désormais un capitalisme féodal, avec des monopoles donnant le ton. Elle est pour briser ces monopoles. Par contre, elle n’est pas pour le socialisme. En fait, sa ligne tient plutôt au fameux propos de François Hollande « mon ennemi c’est la finance ». Elle veut un capitalisme industriel et concurrentiel, dans le cadre d’un système évidemment très social.
Ce qui est intéressant ici, c’est que ce capitalisme compétitif et social, c’est le vrai rêve d’Emmanuel Macron au départ. Sauf que lui est sorti de nulle part car de gros capitalistes « modernes » sont allés le chercher et qu’il est totalement intégré au turbo-capitalisme LGBT pro-migrants. Sahra Wagenknecht ne veut justement pas aller dans ce sens là. Elle est une sorte de rupture à la Emmanuel Macron, mais dans l’autre sens, ou bien si on veut, une sorte de François Hollande qui aurait assumé la rupture, ce en quoi beaucoup de gens avaient cru et espéré au moment de son élection.
Sahra Wagenknecht est évidemment totalement dénoncé par toute la « gauche postmoderne » allemande. Elle est considérée comme une « stalinienne » en raison de sa volonté d’avoir des principes bien établis et de ne pas du tout participer aux mouvements pro-migrants et pro-LGBT. Il est évident que lorsqu’elle dit que les migrations vers l’Allemagne rentrent au service du capitalisme et des monopoles – une simple vérité – cela déplaît fortement à la « gauche post-moderne » dont la fonction est justement de repeindre aux couleurs LGBT le capitalisme occidental.
Pareillement, elle a dénoncé les massacres du Hamas du début octobre 2023, tout en dénonçant dans la foulée le blocus terrible de Gaza par Israël. Rien de plus normal, et rien à voir avec l’hystérie « gauchiste » au sujet de la Palestine, dont elle se tient bien à l’écart. La ligne de Sahra Wagenknecht, c’est clairement une Gauche accessible, lisible, se plaçant dans une continuité historique et sur la base de valeurs bien définies.
C’est en cela que sa démarche est très intéressante !