Un sondage IFOP de 2022 établit que soit-disant 75% des Français sont pour le principe de la gestation pour autrui (GPA). C’est-à-dire qu’ils adhèreraient au fait qu’on puisse réquisitionner le corps d’une femme, contre rémunération (ou non), pour en obtenir un enfant, à l’aide d’un contrat.
Dans le Droit bourgeois, le droit individuel est à peu près au dessus de tout, c’est un prétendu consentement éclairé, c’est comme ça que sont présentées les choses aux gens.
Et surtout, pour arriver à ce résultat c’est la souffrance de la séparation mère-enfant qui est masquée. Les gens qui ont intérêt à ce que la gestation pour autrui se répande se cachent derrière la notion de contrat et de consentement.
Si la mère porteuse a bien compris que l’enfant n’est pas pour elle, alors c’est bon, il n’y aura pas de souffrance. Et puis selon les acteurs du secteur, si les ovules de la mère porteuse ne sont pas utilisés alors il y a moins de risque qu’un lien puisse se créer.
C’est faire preuve ici de beaucoup de mauvaise foi, il est clair qu’il y a un lien qui est tissé durant la grossesse, par huit à neuf mois d’échanges organiques et sensoriels. C’est cette réalité qui rattrape beaucoup de mères porteuses, qu’elles soient soi-disant « altruistes » ou motivées par des raisons financières, au moment où le lien est rompu avec la séparation juste après la naissance.
C’est ce lien rompu que propose d’exposer le livre Broken Bounds : Surrogate Mothers Speak Out (« Liens brisés : les mères porteuses s’expriment »), à travers des témoignages de mères porteuses de différents pays. Un ouvrage n’ayant eu malheureusement presque aucun écho donc n’existant qu’en anglais.
Il y est notamment souligné en introduction que lorsqu’il s’agit de la plupart des animaux on fait très attention de ne pas séparer des petits de leur mère avant le sevrage car cela crée des troubles, ou si on tue une mère ayant des petits, cela choque.
« En science animale, la séparation maternelle est considérée comme l’une des expériences négatives précoces les plus stressantes de la vie d’un animal (Récamier-Carballo et al., 2017). »
Klein, Renate. Broken Bonds : Surrogate Mothers Speak Out (édition anglaise) (p. 10). Spinifex Press.
Une compréhension et une compassion qui s’arrête malheureusement ou commence le calvaire des animaux d’élevage destinés à l’industrie alimentaire, ou de l’habillement ou encore des cibles vivantes de chasse.
Bref, là où il existe une industrie, il existe un discours visant à présenter les choses sous un jour attrayant et propre, comme dit plus haut au sujet de la GPA.
La grossesse est un processus biologique complexe, indépendamment de la question de l’origine des gamètes. Si la grossesse fonctionne, c’est bien que l’organisme féminin fait comme si c’était une fécondation naturelle.
Il y a un lien dialectique qui se forme entre deux êtres et non pas un lien unilatéral de la mère à l’enfant qui serait artificiellement évitable. Au contraire on est à la source de la vie et les choses sont faites pour que cette dernière triomphe.
La grossesse prépare une relation autant qu’elle « fabrique » un enfant.
Pour la mère c’est une préparation à accueillir un être dont elle a entendu et vu le cœur durant les échographies, dont elle a porté le poids et senti les mouvements. Même si l’attachement se construit encore après la naissance, la naissance n’est qu’un saut qualitatif dans un processus ou la grossesse et la vie de l’enfant forment une continuité organique.
Qu’on le veuille ou non le moment de la séparation est donc difficile non seulement pour la femme connaissant tous les inconvénients du post-partum, sans ses joies, mais aussi pour l’enfant.
Pour le nourrisson, le lien se matérialise très concrètement par le fait de retrouver l’odeur du liquide amniotique sur le sein de sa mère, de reconnaître sa voix et celle de ses proches, entendues pendant neuf mois, les battements du cœur maternel. Toutes ces choses sont impossibles à reproduire artificiellement, car ce que vivent mère et enfant est une synchronie physiologique, hormonale et sensorielle.
La rupture de ce lien est une immense perte de repère pour le nouveau né et est très traumatisante. Un stress précoce qui peut expliquer des troubles anxieux et dépressif chez l’adulte, ainsi que des tendances addictives.
Là où cela arrive par défaut, en raison d’une naissance prématurée, un problème de santé grave chez le nourrisson ou la mère, d’un abandon pour X raison dramatique, la GPA vient le provoquer sciemment.
La GPA contient donc une rupture physiologique et psychologique chez les femmes exploitées et les enfants qui en sont le produit pour satisfaire une vision égoïste de la reproduction.
Pour promouvoir la gestation pour autrui auprès de potentielles mères porteuses il est joué sur l’empathie et l’altruisme des femmes. Une véritable instrumentalisation ne manquant pas d’hypocrisie, comme ci-dessous, où l’on laisse penser que le fait d’être mère porteuse a quelque chose à voir avec le fait d’être mère (le texte dis « tu aimes être mère ? As-tu pensé à devenir mère porteuse »).
Le décalage entre comment la GPA est montrée comme « altruiste », une « expérience humaine unique » et la froideur de la réalité du rapport marchand est une notion qui revient dans de nombreux témoignages de mères porteuses des pays occidentaux où la GPA est autorisée.
La gestation pour autrui est une pratique moche qui ne devrait même pas être une option. L’envie de parentalité doit être reconnue comme une chose sociale et non pas individuelle.
La reproduction est la base du renouvellement de la société humaine, mais elle n’est pas la seule manière de préparer le futur. S’impliquer en adoptant ou en tant que famille d’accueil sont par exemple des manières très louables de faire partie de ce processus inexorable.