Les animaux sauvages ne traversent pas les routes, ce sont les routes qui découpent les campagnes en long, en large et en travers. Les animaux sauvages ne font que vivre là où ils vivent, ce sont les routes qui se trouvent sur leurs passages.
Le problème d’ailleurs n’est pas tant les routes elles-mêmes, que le fait qu’elles soient empruntées par des bolides en ferraille qui foncent tous azimuts. Comme ces bolides sont nombreux, alors le bilan est terrifiant.
Au crépuscule, à l’aube ou au milieu de la nuit, c’est une hécatombe quotidienne sur les routes des campagnes françaises. Y passer le matin fait froid dans le dos tellement les cadavres d’animaux y sont nombreux, systématiques.
À ces cadavres visibles, d’animaux relativement grands tels les renards, il faut ajouter bien sûr ceux qu’on ne voit pas. Les petits qui, aplatis, se confondent avec le bitume. Ceux qui ont pu avancer jusqu’au fossé avant que l’hémorragie ou les plaies ne les déciment, ou pire qui ont survécu avec une blessure grave leur promettant une lente agonie. Et il y a ceux qui ont été projetés loin de la route, comme les oiseaux. Ceux dont c’est la mère qui est morte et qui, trop jeunes, sont condamnés à une mort lente et douloureuse, après des jours de détresse.
Quelques études sont menées et on peut trouver des chiffrages, qui valent ce qu’ils valent. Une synthèse a été faite de 90 enquêtes menées dans 24 pays : elle estime que chaque année en Europe, ce sont 194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères qui sont tués sur les routes.
En ce qui concerne la France, il y a les assurances auprès desquelles sont déclarées 65 000 collisions chaque année (donc forcément des collisions conséquentes), avec pour près de la moitié des cas un véhicule inutilisable suite à la collision.
Dans les Deux-Sèvres, chaque année les chouettes percutées sont recensées : elles sont plus d’une centaine, en générales des jeunes peu expérimentés, surpris par la hauteur d’un poids-lourd.
On peut trouver aussi le chiffrage de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) qui estime entre 1 et 3 millions le nombre de hérissons tués chaque à années sur les routes du pays.
C’est un carnage. C’est aussi une atteinte grave à la biodiversité.
Les espèces particulièrement menacées par cette hécatombe sur les routes sont les lynx, les blaireaux, les porcs-épics, les tortues, les hérissons et les hiboux. Sinon, on retrouve parmi les victimes de la route essentiellement des chouettes, faucons, milans, chauve-souris, merles, éperviers et passereaux ainsi que des renards, blaireaux, écureuils, martres, lapins, lièvres, sangliers et chevreuils ou encore des salamandres, couleuvres et crapauds.
En Haute-Garonne, l’association environnementale Via Fauna a fait quelque chose de très intéressant, très éclairant. Un sanglier a été équipé d’un GPS, pour suivre sa trace. En un an, il a fait pas moins de 3 300 franchissements de route, une dizaine par nuit !
Le chiffre est éloquent. Souvent, les automobilistes, coupés de la nature, ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez, s’imaginent que l’animal qu’ils viennent d’écraser ou de percuter est stupide, car il aurait dû faire attention à son bolide fonçant plein phare. En pratique, on voit bien que la question ne se pose pas comme ça.
Les animaux sauvages passent en fait beaucoup de temps à traverser les routes ; ils ne peuvent tout simplement pas tout éviter. Surtout sur les petites routes de campagne où le trafic n’est pas dense, où des véhicules surgissent littéralement après des dizaines de minutes ou des heures de calme.
D’autres facteurs expliquent également ce désastre, notamment la physionomie des campagnes transformées par le capitalisme. La disparaissions des haies, qui se concentrent en général maintenant seulement en talus le long des routes, explique logiquement que les animaux se concentrent le long des routes.
Il y a aussi la chasse, qui stresse et chamboule énormément les animaux sauvages, même quant ils ne sont pas ciblés eux-même. Cela engendre directement des grands mouvement, y compris la nuit, et donc des risques de collision.
L’honneur et le devoir d’une société nouvelle, tournée vers la nature et découvrant enfin les animaux, sera de freiner massivement cette hécatombe. Le sujet doit être posé sur la table dès le début d’un nouveau pouvoir en place, de manière démocratique, c’est-à-dire en impliquant absolument tout le monde.
Il y a déjà de nombreuses choses à mettre en place. La première est de faire un recensement systématique et minutieux de ces collisions. On découvre alors forcément des points noirs (ce genre d’étude est déjà pratiquée et éprouvée), ce qui permet de découvrir des passages particulièrement fréquentés.
Il est alors possible de mettre en place un système de clôture, au mieux un kilomètre en amont et en aval du dit point. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cela ne reporte pas forcément le problème plus loin, mécaniquement. Parfois, tout simplement, les animaux sont dirigés naturellement vers un passage plus sûr.
Il est possible également d’organiser des passages. Soit sous les routes, soit au dessus, pour les plus grandes infrastructures. Cela existe déjà et cela doit devenir absolument systématique et généralisé, avec l’idée d’organiser des corridors écologiques efficaces avec un maillage sur toute la France.
Il faut également de la signalisation et des mesures de restriction ou d’encadrement de la circulation, pour protéger au mieux ces points noirs.
De manière générale, la vitesse doit être réduite à 70 km/h sur les routes secondaire dès la tombée de la nuit et à 50 km/h dans les zones particulièrement à risque. Les automobilistes doivent également être formés pour apprendre à mieux anticiper les risques de collision.
Certaines zones doivent être sanctuarisées la nuit, c’est-à-dire que ces routes doivent être interdites dès le crépuscule et jusqu’à l’aube. Aussi, cela va de soit si l’on réfléchit ainsi : de nombreuses routes doivent être ni plus ni moins que fermés tout le temps aux véhicules motorisés, en y autorisant que les engins agricoles, les secours et les cyclistes.
Enfin, il faut une mobilisation générale et massive pour replanter et générer des haies et des arbres dans les campagnes, loin des routes, dans les champs, en cherchant à favoriser le développement de corridors écologiques nouveaux et sécurisés.
Des systèmes d’effarouchement légers peuvent être envisagés pour les cas où il est estimé que la circulation nocturne doit être maintenue malgré tout, en équipant directement les véhicules.
Forcément une multitude d’autres solutions est à découvrir grâce à l’ingéniosité populaire. Quand on cherche, on trouve ! Alors il faut chercher, il faut s’intéresser aux animaux et ne plus tourner les yeux face à l’hécatombe sur les routes.
L’humanité doit savoir reculer, s’effacer quand il le faut, et surtout se mettre au service de la nature et des animaux. Elle doit aimer et servir la biosphère dans laquelle elle vit et dont elle fait partie.