Après le « débat » à l’Assemblée nationale le 12 mars 2024, c’est le Sénat qui a suivi. Ce fut le même scénario : le gouvernement, par l’intermédiaire du premier ministre Gabriel Attal, souligne l’importance de l’accord franco-ukrainien… explique que la Russie est à la fois criminelle et responsable d’absolument tous les maux économiques. « Si l’Ukraine perd, nous perdons nous aussi » a-t-il dit. « Nous ne laisserons pas la Russie gagner ! » a-t-il conclu.
Les partis gouvernementaux lui emboîtent forcément le pas (Les Républicains à droite, le Parti socialiste et Europe Ecologie Les Verts à « gauche »). Ils savent qu’il y a un prix à payer pour pouvoir gouverner : il faut s’aligner. La France capitaliste a une logique militaire et industrielle, personne ne peut aller au gouvernement sans l’assumer.
Quand on voit le sénateur Europe Ecologie Les Verts Guillaume Gontard raconter qu’il faut effectivement fournir au régime ukrainien « des munitions, de l’artillerie, des obus et systèmes de défense anti aérien », mais aussi « des Mirage 2000 D », on voit à quel point l’adaptation est obligatoire. En quelques années, Europe Ecologie Les Verts est passé d’une force de gauche à prétention écologiste à un mouvement ultra-belliciste au nom de l’Union européenne !
Quant à Rachid Temal, socialiste vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, il a carrément présenté le retour de « la guerre totale sur le continent européen » comme « une réalité que nous devons prendre en compte » !
Avec cet arrière-plan, il y a donc eu 326 sénateurs qui ont voté. 293 ont voté en faveur de l’accord franco-ukrainien, 22 ont voté contre. Dans le prolongement du vote à l’Assemblée nationale, c’est une véritable offrande au gouvernement pour sa ligne belliciste. La grande majorité soutient son initiative et il y a même quelques opposants à dénoncer comme des agents de Vladimir Poutine.
C’est parfait pour la France capitaliste que cette hégémonie complète, avec quelques protestataires dont on peut se moquer, et qui servent à faire peur !
Car les partis populistes pensent pouvoir l’emporter par une sorte de soulèvement électoral, qui les porterait au gouvernement en leur accordant une grande marge de manœuvre. Cependant, le cahier des charges bourgeois ne disparaît pour autant.
Et donc, les populistes doivent combiner la manipulation des gens et le fait d’être crédible pour gouverner, c’est un jeu d’équilibriste ! C’est pour cela que le RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, le PCF de Fabien Roussel… disent tous qu’ils soutiennent le régime ukrainien, que le soutien français au régime est une très bonne chose.
Ils ne peuvent pas faire autrement ! Mais ils ont peur de perdre leur base populaire, alors ils disent que le gouvernement agit mal, que le président Emmanuel Macron gère mal les choses, qu’il y a des risques, notamment nucléaires. C’est là de la « politique » politicienne tout à fait traditionnel, avec toute sa dose d’absurdité.
Cécile Cukierman, du PCF, a ainsi dénoncé la Russie et son action considérée comme criminelle, appelé à absolument soutenir le régime ukrainien, salué le nationaliste russe Navalny comme une grande figure « démocratique »… pour ensuite reprocher à Emmanuel Macron sa logique d’escalade, ainsi que sa volonté d’intégrer l’Ukraine dans l’Otan. Cela n’a strictement aucun sens.
Le Rassemblement national n’a que trois sénateurs et c’est Christopher Szczurek qui a pris la parole pour eux. Il a fait l’éloge du régime ukrainien, il a affirmé que tout ce que le gouvernement français fait depuis deux ans pour le régime ukrainien est très bien ! Cela implique donc le soutien militaire… Mais Christopher Szczurek a pourtant expliqué qu’il était contre l’escalade dans ce soutien. C’est totalement incohérent.
On comprend tout, de toutes façons, quand on voit que le « débat » a été conclu par les interventions du ministre des Armées Sébastien Lecornu et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné. Leurs propos ont été sans ambiguïtés : il faut faire tomber la Russie.
Tout cela est, bien entendu, une fuite en avant du capitalisme français en crise. Voici un simple exemple pour comprendre la vanité de la France décadente. Dans un petit article de compte-rendu des propos du ministre des Armées sur le site étatique Public Sénat (le Sénat disposant de sa chaîne de télévision), on lit la chose suivante :
« Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu a tenu à rassurer les sénateurs sur l’aide militaire de la France à l’Ukraine dans le cadre de l’accord bilatéral de sécurité qui entraîne l’élaboration par le gouvernement d’un nouveau paquet d’aides militaires « jusqu’à 3 milliards d’euros ».
« Il conviendra de répondre présent sur l’artillerie, sur la défense solaire, sur les frappes après la ligne de front », a-t-il cité. »
Le denier mot reflète bien le niveau débile des intellectuels bourgeois, qui sombrent : le ministre ne s’est bien entendu pas cité lui-même. Mais il est parlé surtout de « défense solaire ». Solaire, c’est relatif au soleil, il fallait bien entendu comprendre « sol-air », de missiles lancés depuis le sol pour viser des avions.
Comme toutefois dans la France capitaliste en décadence, tout le monde fait semblant de tout, personne ne comprend vraiment ce qu’il fait, et forcément on arrive à des aberrations partout. C’est très mal parti pour mener une guerre et c’est pour cela que sacrifier les Ukrainiens en leur fournissant du matériel pour servir de chair à canon est la meilleure méthode du point de vue occidental !
Mais on ne coupera pas à l’engrenage. Et là tout le tissu social français va se déchirer, et on entrera alors, enfin, dans une époque de révolution. Ce sera le Socialisme contre la guerre de repartage du monde. On est au tout début du processus, mais il est inéluctable.
Il y a un sinistre engrenage – mais l’inverse est présent également, comme réponse historique, sous la forme du défaitisme révolutionnaire, du drapeau rouge !