Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a tenu le 26 mars 2024 une conférence de presse. On avait à ses côtés notamment Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, et Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées.
L’information principale, passée totalement sous silence dans les médias, c’est que la réquisition est désormais instaurée. Pour mettre en place l’économie de guerre, l’État pourra réquisitionner des industries.
Bien entendu, ce n’est pas annoncé de manière brutale. C’est dit de manière louvoyante. Le ministre des armées « ne s’interdit pas de le faire dans les toutes prochaines semaines ».
Cela reflète en fait la contradiction historique entre le capitalisme, par nature libéral, et sa décadence où il se centralise, s’étatise, se militarise afin de conquérir. En période de crise, l’État et les industriels se confondent dans un Capitalisme monopoliste d’État. On y est pas encore, on en est même très loin, mais la direction prise est claire.
« J’attends des industriels des efforts en la matière. Ce ne sont plus des arsenaux, ce sont des entreprises. Néanmoins, ce ne sont pas des entreprises comme les autres. Pour la première fois, je n’exclus pas d’utiliser ce que la loi permet au ministre et au délégué général de l’armement de faire. C’est-à-dire si le compte n’y était pas en matière de cadences et de délais de production, de faire des réquisitions le cas échéant. »
Dans les faits cependant, tout est mis en place pour réaliser une telle opération. Promulguée en août 2023, la loi de programmation militaire 2024-2030 affirme ainsi que en cas :
« de menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, à la protection de la population, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense, la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires pour y parer peut être décidée par décret en Conseil des ministres. »
Le ministre des armées a bien rappelé que sont concernés « des personnels, des stocks ou des outils de productions », dans le cadre d’avoir à « imposer aux industriels d’accorder la priorité aux besoins militaires ».
Il y a également eu des aspects secondaires, comme le fait de justifier la fourniture de drones suicides de l’entreprise Delair au régime ukrainien par le retour d’expériences qui en reviendra pour l’armée française. Car, effectivement, toutes les armées occidentales ayant fourni des armements ont des retours, et ce même en temps réel pour certains matériels.
Il a mentionné ce qui était considéré comme central pour le moment, à savoir les canons Caesar, les missiles antichar, les missiles sol-air courte portée, les missiles Aster, les munitions. Et, évidemment, la remise en marche d’une industrie de la poudre, car la France n’en produit plus depuis plus d’une quinzaine d’années
Bien entendu, la Russie a été présentée comme une menace, ce qu’elle n’aurait pas été il y a encore deux ans, etc.
On est ici dans la confluence entre les intérêts militaires du régime ukrainien et ceux de la France qui veut prendre la tête d’une coalition militaire contre la Russie. Sébastien Lecornu l’a d’ailleurs bien précisé, il n’y aura pas de retour de la conscription, d’ailleurs une armée moderne ne peut pas s’appuyer sur des non-professionnels selon lui.
Par contre, la Journée Défense et Citoyenneté des jeunes prendra une « coloration kaki ». Car il s’agit de structurer l’armée, de l’alimenter.
Quand on voit cela, il faut vraiment se forcer pour nier la réalité, ou bien il faut être un capitaliste, un cynique favorable à la guerre contre la Russie. L’État met en place l’affrontement militaire, c’est indubitable, et il faut s’y confronter. Guerre à la guerre !