La Chambre des représentants, l’équivalent américain de l’Assemblée nationale en France, a voté samedi 20 avril 2024 un plan gigantesque de 95 milliards de dollars, dont 61 milliards présentés comme étant en faveur de l’Ukraine, par 311 voix pour et 112 voix contre.
Cela faisait des mois que la situation était bloquée par l’opposition républicaine, particulièrement par sa frange la plus radicale organisée autour de Mike Johnson, réputé proche de Donald Trump.
Il est le président de cette assemblée et prônait une ligne dure consistant en le fait de se focaliser uniquement sur l’affrontement contre la superpuissance chinoise (via Taïwan), en laissant de côté l’affrontement avec la Russie (via l’Ukraine).
Finalement, il a fait voter le plan de Joe Biden à propos de l’Ukraine en déclarant :
« Pour parler franchement, je préfère envoyer des munitions à l’Ukraine plutôt que des soldats américains. Mon fils va entrer à l’Académie navale cet automne. Pour moi comme pour de nombreuses familles américaines… ce n’est pas un jeu, ce n’est pas une plaisanterie ».
D’ici quelques jours, les formalités devraient être réglées après un passage du texte devant le Sénat, puis une validation par le Président Joe Biden lui-même.
En fait, les 61 milliards pour le régime ukrainien seraient ainsi répartis :
- environ 10 milliards de dollars pour de l’assistance économique dédiée aux secteurs de l’énergie et des infrastructures, sous la forme d’un prêt ;
- près de 14 milliards de dollars pour former, équiper et payer l’armée ukrainienne ;
- le reste pour les usines d’armement américaines.
Par ailleurs, le plan d’aide autorise le Président Joe Biden à confisquer et à vendre des actifs financiers russes, pour qu’ils servent à financer la reconstruction de l’Ukraine.
Autrement dit, tout cela consiste essentiellement en deux choses : d’une part l’asservissement économique de l’Ukraine (ou de ce qu’il en restera) à l’issue de la guerre, d’autre part en la mise en branle de l’économie de guerre aux États-Unis en vue de l’affrontement avec la Chine.
Le plan consiste également en 13 milliards d’aide à Israël, qui profite du massacre du 7 octobre pour procéder à la destruction meurtrière de Gaza, et surtout en 8 milliards d’investissement dans des sous-marins pour venir en aide au régime de Taïwan contre la Chine.
À la manière d’une film hollywoodien (il faut imaginer ici une musique mièvre et lancinante pour accompagner la lecture), le président ukrainien Zelensky a immédiatement déclaré à l’issue du vote :
« Je remercie la Chambre des représentants des États-Unis, les deux partis, ainsi que le président Mike Johnson personnellement pour cette décision qui maintient l’histoire sur la bonne voie.
La démocratie et la liberté auront toujours une importance mondiale et n’échoueront jamais tant que les États-Unis contribueront à les protéger. Le projet de loi vital sur l’aide américaine adopté par la Chambre aujourd’hui empêchera la guerre de s’étendre, sauvera des milliers et des milliers de vies et aidera nos deux nations à devenir plus fortes.
Une paix et une sécurité justes ne peuvent être obtenues que par la force.
Nous espérons que ces projets de loi recevront le soutien du Sénat et seront envoyés au bureau du président Biden. Merci l’Amérique ! »
En plus d’être pathétiques, ces propos sont odieux, car bien évidemment ils n’aideront en rien à sauver des milliers de vies. Ce qui se prépare, concrètement et directement, c’est un emballement guerrier meurtrier avec les millions de victimes que fera la grande bataille pour le repartage du monde, qui ne fait que s’élargir, chaque jour.
L’Ukraine, la nation ukrainienne, n’est malheureusement qu’un prétexte à tout cela, son peuple servant de chair à canon pour ce qui n’est qu’un prologue à la troisième guerre mondiale.
Concrètement, le régime nationaliste et corrompu de Kiev va pouvoir, grâce à l’aide américaine, tenir tête encore quelques temps au rouleau compresseur russe. Mais l’Ukraine est déjà condamnée depuis longtemps, n’étant qu’un pion, une case, un passage sur le chemin historique du véritable conflit : l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger, la superpuissance chinoise.
D’ailleurs, le président Joe Biden ne s’est pas trompé en expliquant très justement la nature de ce plan de 95 milliards :
« un message clair sur la puissance du leadership américain à travers le monde ».
Ce n’est pas pour rien que le même jour, le secrétaire d’État américain Antony Blinken (l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères) expliquait que selon lui la Chine alimente indirectement le conflit en Ukraine en fournissant des composants pour son industrie de défense, permettant ainsi à Moscou de « continuer son agression ». Un voyage en Chine est d’ailleurs annoncé de sa part.
C’est en effet de cela dont il s’agit en priorité pour les représentants américains : affronter indirectement la Chine et se préparer à affronter directement la Chine.
Tout le reste n’est que du cinéma, de la narration, pour légitimer le fait de faire tourner l’économie de guerre américaine. Personne n’en a rien à faire ni de l’Ukraine, ni des Ukrainiens.
Forcément, la Russie ne se prive pas de le dénoncer et c’est très habilement que le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov a déclaré :
« La décision de fournir une aide à l’Ukraine était attendue et prévisible. Elle enrichira davantage les États-Unis et ruinera encore plus l’Ukraine, en tuant encore plus d’Ukrainiens à cause du régime de Kiev ».
Il faut préciser également une chose très importante, qui pourrait paraître anecdotique au premier abord mais qui ne l’est pas du tout. Le plan voté ce samedi 20 avril 2024 contient également un texte prévoyant la possibilité de l’interdiction de l’application TikTok.
Cette application est directement liée au régime chinois, via sa maison-mère ByteDance, pour ce qu’il est convenu d’appeler à notre époque la guerre hybride.
TikTok est d’abord un gigantesque aspirateur à intelligence : sur le plan culturel et moral, l’application est un véritable désastre, abrutissant une génération entière de part son fonctionnement qui rend les cerveaux hostiles à tout effort, à toute réflexion. Il est évident que la Chine a intérêt à abrutir la jeunesse américaine (et la jeunesse occidentale en générale).
Mais il y a également le fait, plus concret et facile à voir, que l’application est accusée par les représentants américains d’être utilisée par la Chine pour espionner et manipuler ses 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis.
Il y a là un enjeu immense, un affrontement de la plus haute importance, entre les deux puissances rivales. C’est la bataille pour le repartage du monde, c’est la 3e guerre mondiale comme perspective immédiate.