Le président français Emmanuel Macron est revenu dans l’amphithéâtre de l’université de la Sorbonne, sept ans après, pour de nouveau un discours sur l’Europe.
Voici les passages les plus importants de ce qu’il a dit le 25 avril 2024, où l’on voit que la France « gaulliste » consiste à être au premier rang dans une Union européenne qui est une succursale de la superpuissance américaine.
« Le principal danger pour la sécurité européenne est évidemment aujourd’hui la guerre en Ukraine.
La condition sine qua non de notre sécurité, c’est que la Russie ne gagne pas la guerre d’agression qu’elle mène contre l’Ukraine. C’est indispensable. C’est pourquoi nous avons eu raison, dès le début, de sanctionner la Russie, d’aider les Ukrainiens et de continuer à le faire, d’avoir la chance d’avoir les Américains à nos côtés pour cela, et sans cesse de relever notre aide et d’accompagner.
Simplement, j’assume totalement le choix en la matière, le 26 février dernier à Paris, d’avoir réintroduit une ambiguïté stratégique.
Pourquoi ? Nous sommes face à une puissance qui est désinhibée, qui a attaqué un pays d’Europe, mais qui n’est plus dans une opération spéciale et qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite.
Pourquoi chaque matin devrions-nous dire, nous, quelles sont toutes nos limites stratégiquement ? Si nous disons que l’Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue en Ukraine, davantage que la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays déjà clé, mais la sécurité des Européens.
Avons-nous des limites ? Non. Et donc, nous devons être crédibles, dissuader, être présents et continuer l’effort.
Mais cette guerre, engageant une puissance dotée de l’arme nucléaire et qui utilise celle-ci dans sa rhétorique, n’est sans doute que le premier visage des tensions géopolitiques avec lesquelles l’Europe doit apprendre à vivre.
C’est pourquoi nous sommes en train de vivre un changement très profond en termes de sécurité. Les événements les plus récents ont démontré l’importance des défenses anti-missiles, des capacités de frappe dans la profondeur, qui sont indispensables au signalement stratégique et à la gestion de l’escalade face à des adversaires désinhibés.
C’est pourquoi ce qu’il nous faut faire émerger, et c’est cela le paradigme nouveau en matière de défense, c’est une défense crédible du continent européen.
Alors évidemment, le pilier européen au sein de l’OTAN que nous sommes en train de bâtir, dont nous avons convaincu tous nos partenaires du bien-fondé ces dernières années, est essentiel. Mais il nous faut donner un contenu à ce qu’est cette défense crédible de l’Europe, qui est la condition même pour rebâtir un cadre de sécurité commun. L’Europe doit savoir défendre ce qui lui est cher, avec ses alliés, à chaque fois qu’ils sont prêts à le faire à nos côtés, et seule si c’est nécessaire.
Est-ce que pour ça, il nous faut un bouclier antimissile ? Peut-être. Est-ce en augmentant nos capacités de défense, et lesquelles ? Sans doute. Est-ce suffisant face aux missiles russes ? Il nous faut travailler sur ce point.
Mais quand nous avons un voisin devenu agressif, qui n’explique plus ses limites, mais qui dispose de capacités balistiques, sur lesquelles il a beaucoup innové ces dernières années, dont les portées et la technologie s’est transformée, qui dispose de l’arme nucléaire et en a monté les capacités, on voit bien qu’il nous faut bâtir ce concept stratégique d’une défense européenne crédible pour nous-mêmes. »
« La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen.
C’est grâce à cette défense crédible que nous pourrons bâtir les garanties de sécurité qu’attendent tous nos partenaires, partout en Europe, et qui aura vocation aussi à construire le cadre de sécurité commun, garantie de sécurité pour chacun. Et c’est ce cadre de sécurité qui nous permettra, le jour d’après aussi, de construire les relations de voisinage avec la Russie. »
« Il nous faut aussi nous presser dans la mise en œuvre de la Boussole stratégique, que nous avons conclue sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, et tout particulièrement mettre en place une force de réaction rapide pour pouvoir déployer rapidement jusqu’à 5 000 militaires dans des environnements hostiles d’ici à 2025, en particulier, pour venir en aide à nos ressortissants.
Nous devons également, pour ce faire, investir les nouveaux espaces de conflictualité.
Là où nous le voyons, dans la guerre hybride que nous mène la Russie, se joue déjà une part de la guerre d’aujourd’hui, là où se protègent nos infrastructures, qu’il s’agisse des transports, des hôpitaux, des réseaux électriques ou des télécommunications.
Aussi, je souhaite que nous développions une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense. Et alors même que nous sommes tous en train de commencer à bâtir ces capacités pour nos propres armées, c’est une occasion inédite de tout de suite bâtir des coopérations européennes et d’agir en Européens face à ces risques. »