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Rapport entre les classes

L’occupation de Sciences Po par la « gauche » américaine

Sciences Po a été brièvement occupé, à Paris, par des étudiants ayant mené une opération de grand guignol. Déguisés au moyen de keffiehs et brandissant des drapeaux de la Palestine, ces étudiants se sont imaginés l’avant-garde de la contestation mondiale, en mobilisant dans cette école depuis la mi-mars, jusqu’à finalement une occupation pour bloquer les cours.

Leur revendication : le cessez-le-feu à Gaza, alors que l’armée israélienne ravage totalement cette zone, provoquant la mort d’autour de 30 000 personnes. Il va de soi qu’on est ici dans le théâtre, puisque les occupants de Sciences Po disent en fait… exactement la même chose que la diplomatie française.

Mais ce à quoi on assiste est un théâtre justement parfaitement mis en scène. Les étudiants jouent à s’imaginer avoir une existence sociale et politique au niveau mondial. Et cette auto-intoxication vise à renforcer le camp de la « gauche » américaine.

La France insoumise, le fer de lance idéologique de cette « contestation », a ainsi été un soutien permanent, avec notamment Jean-Luc Mélenchon envoyant une vidéo de soutien :

« Je voulais à tout prix vous adresser le salut le plus reconnaissant et le plus admiratif pour le travail que vous avez engagé en occupant les lieux et puis ce matin en vous rassemblant.

Vous êtes à cet instant, pour nous, l’honneur de notre pays. L’image la plus forte que nous puissions donner du fait que les Français n’acceptent pas, ne se résignent pas, ne laissent pas faire sans agir, l’odieux, l’abominable massacre, le terrible génocide à Gaza. »

Jean-Luc Mélenchon était également présent pour un meeting à Sciences Po le 22 avril 2024, après une interdiction de s’exprimer à l’université de Lille. Jean-Luc Mélenchon avait alors rapproché le président de cette université du fonctionnaire nazi Eichmann, qui en tant que fonctionnaire avait joué un rôle essentiel dans la logistique de l’Holocauste.

Et cinq députés La France insoumise étaient à Sciences Po pour soutenir les occupants, et jouer un rôle dans la négociation avec la direction de cette école, obtenant l’arrêt de l’occupation en échange d’une amnistie.

C’est terrible pour les Palestiniens de voir leur cause utilisée par des opportunistes prompts à n’importe quelle magouille. Les Palestiniens connaissent une situation dramatique depuis 1948 et on ne les redécouvre que lors de catastrophes, comme là alors que l’État israélien détruit Gaza dans le sang à la suite de l’attaque assassine du Hamas le 7 octobre 2023.

Mais telle est cette « seconde gauche », qui utilise des causes pour contester sans remettre en cause.

La « seconde gauche », c’est cette « gauche » étrangère au mouvement ouvrier historiquement. Appuyée par le capitalisme, elle a triomphé. Pour les gens, être à gauche maintenant, c’est promouvoir la modernité du capitalisme dans sa version sociale, les migrants, les LGBT, le style de vie bobo, l’esthétique des centre-villes, l’art contemporain.

Quelle honte!

La « seconde gauche » est bourgeoise moderniste, par opposition aux bourgeois conservateurs, mais bourgeoise tout de même. C’est l’équivalent de ce qu’on a aux États-Unis, avec les Démocrates et les Républicains. Et l’occupation de Sciences Po à Paris, au nom soit-disant de la Palestine, est dans ce cadre un exemple parlant. C’est tout le rapport entre les classes qui s’y révèle.

Car la France est en effet en train d’instaurer une économie de guerre et assume de vouloir dépecer la Russie. Mais la « gauche » américaine telle qu’elle existe en France ne parle absolument jamais de cela, ou seulement pour un article ou un communiqué de temps en temps. Elle ne croit pas en la guerre de repartage du monde, elle croit seulement en la société française de consommation, où il s’agirait de s’agiter pour « déconstruire ».

La question palestinienne est alors utilisée pour masquer la réalité bourgeoise de la gauche américaine, pour donner une aura contestataire, voire révolutionnaire. C’est totalement artificiel et ouvertement populiste, puisqu’il s’agit de jouer sur le nationalisme arabe et le sentiment religieux, voire un antisémitisme qui ne s’assume pas. Quand on voit des gens de cette « gauche » américaine donner des drapeaux palestiniens à des enfants arabes, on devine l’arrière-plan manipulateur, régressif.

En réalité, la question palestinienne ne s’explique que si on voit que les puissances luttent les unes contre les autres, avec l’État israélien fanatisé et meurtrier utilisé par la superpuissance américaine, le Hamas criminel et obscurantiste utilisé par le Qatar, la Turquie et l’Iran.

Et l’Histoire n’est pas faite par les étudiants de Columbia ou de Sciences Po Paris, deux lieux de l’élite des cadres des bourgeoisies américaine et française. Mais peut-on encore les distinguer d’ailleurs, alors que les études aux États-Unis, au Canada ou en Angleterre relèvent désormais de l’habitude pour les enfants des couches supérieures une fois le bac en poche ?

Car l’imaginaire est ici totalement bourgeois. Le député LFI Carlos Martens Bilongo avait justement lancé à Sciences Po :

« Comme à Columbia, comme à Harvard, ça donne du courage de vous voir vous lever ! »

« Columbia, Sciences Po, Buenos Aires : la jeunesse montre la voie »dit pareillement Révolution Permanente, ce qui est délirant quant on sait à quel point Sciences Po Paris représente l’élite bobo de gauche.

On lit :

« De New York à Buenos Aires, ces mobilisations portent en elles la colère profonde d’une jeunesse qui refuse qu’on l’empêche d’avoir accès à l’éducation, d’aspirer à une vie meilleure ou encore que leurs études servent les intérêts des puissances impérialistes. »

Justement, pas du tout, Columbia et Sciences Po sont les élites assumées de demain. Pour Columbia, une année d’étude revient à 89 587 dollars (bien qu’il existe des aides possibles), pour Harvard, 82 866 dollars.

Le capitalisme s’effondre, et le théâtre des bourgeois de gauche contre les bourgeois de droite s’agite d’autant plus. Mais ce sont des contre-feux pour tromper les masses au moyen d’une fausse actualité, rien de plus.

La vraie actualité, c’est la marche à la guerre mondiale, avec en son cœur l’affrontement entre les superpuissances américaine et chinoise. Impossible de soutenir les Palestiniens si on ne comprend pas cela, justement.

Mais ici c’est du théâtre, seulement du théâtre. Un marché aux illusions, une foire, une sinistre farce !