L’escalade passe obligatoirement par la mise en place d’une opinion publique favorable à la guerre. C’est toujours le même refrain : il serait souhaitable de faire différemment, mais on ne peut pas, car l’ennemi en face est sans foi ni loi, etc.
Le New York Times est un quotidien qui joue ici un rôle éminent. Le 25 février 2024, il avait déjà « révélé » que la superpuissance américaine était en partenariat étroit avec le régime ukrainien depuis 2014. Il y a ainsi eu 12 bases d’espionnage construites à la frontière avec la Russie…
Une « révélation » qui visait, naturellement, à éduquer l’opinion publique américaine, pour dire : voyez, nous sommes déjà installés, nous devons maintenir nos positions.
L’information balancée le 16 mai 2024 relève de cette approche. Ici encore, ce qui est dit serait le résultat d’une « enquête ». Sauf que bien sûr, les journalistes ne font que raconter ce qu’il est voulu qu’il soit raconté. La base de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, Israël… c’est d’avoir une narration travaillée de manière extrêmement élaborée.
Que dit l’article du New York Times ? Qu’une ligne rouge est en train de devenir floue, car le régime ukrainien a demandé aux États-Unis et à l’Otan de former 150 000 soldats ukrainiens. Et que le président du comité des chefs d’état-major interarmées de l’armée américaine, Charles Q. Brown Jr., a affirmé qu’on y viendrait forcément. « Nous finirons par y arriver, avec le temps ».
L’article dit ouvertement que ce général a raconté cela aux reporters dans un avion les emmenant à un sommet de l’Otan à Bruxelles… Ce qui est ouvertement souligné est le côté officiel.
Pourquoi l’entraînement en Ukraine est-il nécessaire ? Pour deux raisons. Tout d’abord, la contre-offensive ukrainienne a échoué et c’est la preuve qu’un entraînement en-dehors de l’Ukraine est trop abstrait, alors qu’il s’agit de pratiquer des manœuvres assez vastes et coordonnées de tanks, d’infanterie, de d’artillerie.
L’article ne le dit pas ici, mais en réalité les méthodes militaires trop différentes ont amené à des incompréhensions (et au remplacement du chef de l’armée ukrainienne). L’armée américaine enseignait de taper en un seul point sur la ligne de front, en mode « choc », et l’armée ukrainienne avait dispersé ses forces, se cassant les dents sur la défense russe très bien préparée.
Ensuite, l’armée américaine ne connaît que bien trop peu l’intensité de la guerre qui a lieu en Ukraine. Et là on comprend qu’il ne s’agit pas tant d’entraîner l’armée ukrainienne… Que d’entraîner l’armée américaine à une guerre intense d’artillerie et de drones.
Il faut en effet savoir que le principe de la guerre américaine, c’est la supériorité aérienne totale, les missiles hyper calibrés, puis ensuite seulement le déversement des troupes. C’est la théorie du blitzkrieg, ni plus ni moins, et le mode de pensée bourgeois ne peut pas concevoir autre chose.
L’article du New York Times le dit d’ailleurs à mots couverts, expliquant que les formateurs américains formeraient mieux l’armée ukrainienne… s’ils apprenaient eux-mêmes davantage sur le terrain.
L’article explique aussi que certains formateurs américains sont déjà sur le terrain, de manière ciblée, pour aider à utiliser le matériel de guerre fourni… mais qu’il en faudrait bien plus.
Et que plusieurs pays veulent pareillement massifier ce soutien technico-opératif : la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. L’Estonie et la Lituanie sont présentés comme deux pays poussant en ce sens.
Voici donc une pierre de plus à l’édifice de l’escalade. Les tabous tombent les uns après les autres et les contours d’une intervention occidentale en Ukraine sont relativement clairs. Formateurs de plusieurs pays de l’Otan, puis troupes de soutien à l’arrière par plusieurs pays de l’Otan (pas forcément les mêmes)…
Où tout cela mène-t-il ? C’est très clair, pour qui a compris les enseignements de 1914 et de 1939, pour qui a saisi ce qu’est la bataille pour le repartage du monde issue de la crise générale du capitalisme.