La France de la fin mai 2024 est ignoble. Les Français suivent le cours des choses, sans avoir l’énergie de rien, et surtout pas de participer à quelque chose de collectif, ne serait-ce que sur un plan culturel, esthétique ou musical.
Les efforts sont minimalistes, il ne faut surtout pas se faire remarquer, ou bien au contraire le kitsch est assumé dans le grotesque, le ridicule, le mauvais goût, afin de passer inaperçu dans une vague bienveillance.
Des beaufs et des gens au style LGBT, voilà en quoi consiste la société française, le tout dans une acceptation d’une mentalité de fragiles, à qui on ne peut rien dire et surtout pas expliquer que c’est par les contradictions que le monde avance.
La société de consommation a triomphé, les ordures sont pleines. La bourgeoisie, ce sont désormais les bobos et les masses populaires tentent de les imiter ou au contraire de se cantonner dans la passivité, à l’écart, éventuellement avec aigreur.
On a ici le matériau humain le moins conforme possible à la possibilité d’une révolution.
Et pourtant, les choses ont leur pendant. Le mode de vie mis en place n’est réellement praticable que par quelques centaines de milliers de personnes, habitant dans les centre-villes et surtout à Paris.
Evidemment, cela suffit à en corrompre plusieurs millions, qui gravitent autour. Et la majorité des gens s’accommode tout à fait de ça, du moment qu’il reste la possibilité de devenir propriétaire, de mener sa petite vie au jour le jour, avec la certitude de faire partie des 10% les plus riches du monde.
Car là est la grande hypocrisie. Les Français peuvent bien s’agiter sur les acquis sociaux, les valeurs républicaines, la solidarité avec les démunis et tout ce qu’on voudra, ils savent très bien qu’ils sont des privilégiés au niveau mondial.
Ici, on peut raconter ce qu’on veut, se prétendre ce qu’on veut, et même faire l’idiot. Cela n’aura pas de conséquences vraiment fâcheuses. La France, ce n’est pas l’Afrique du Sud, ce n’est pas l’Inde, ce n’est pas le Brésil, ce n’est pas le Mexique, ce n’est pas la Thaïlande, ce n’est pas le Mali, ce n’est pas le Bangladesh, ce n’est pas le Paraguay.
C’est pour ça que les Français ne sont bons à rien. Ils ne sont que des occidentaux décadents. Pour eux, les « gilets jaunes » étaient vraiment une contestation, et le mouvement contre la réforme des retraites vraiment une révolte sociale. Alors que c’était insignifiant, faux, théâtral et vide.
Mais comme on dit, le triomphe de la société de consommation ne profite qu’à une petite base, et cette base se réduit. Les contradictions dans le monde entre les puissances fait que le socle de la société de consommation perd en solidité. On peut de moins en moins accepter la vie quotidienne, la soutenir, y participer.
En fait, le système s’épuise. Ce n’est pas le matériau humain qui se révolte, c’est juste que déjà passif, il ne peut même plus faire semblant de ne pas l’être en consommant aisément. On a littéralement droit à une anti-révolution depuis la pandémie, qui a précipité la crise du capitalisme.
C’est l’autre côté dialectique de la flemme et de la fragilité : le désengagement.
Naturellement, cela ne fait pas nos affaires : nous avons besoin d’abnégation et d’héroïsme, pour faire la révolution. Mais l’ennemi capitaliste est aussi ennuyé que nous : que faire avec des gens aussi inefficaces, flemmards, fragiles, sur qui on ne peut pas se compter ?
C’est dans cet espace que le prolétariat va se recomposer, pour prendre les commandes d’une société en bout de course. Le prolétariat va imposer sa dictature, et elle ne sera pas qu’économique. Il s’agit de rééduquer moralement, socialement, culturellement, politiquement des gens aliénés, déformés, corrompus par le capitalisme le plus avancé.
Et dans cette oeuvre historique, le prolétariat lui-même corrompu se corrigera lui-même – et disparaîtra en tant que classe.