Le monde ne cesse de s’équiper en armements et dilapide des sommes colossales dans la recherche d’engins de mort toujours plus sophistiqués. Et cela de manière accélérée : au niveau mondial, les dépenses militaires ont progressé de 6,8 % entre 2022 et 2023.
De manière générale, ce sont 2443 milliards de dollars qui ont été engloutis dans le monde en 2023 pour l’armement. Une recrudescence qui frappe alors que ce même budget militaire mondial n’avait cessé de baisser entre la fin des années 1980 et le début des années 2000. Le seuil des 2000 milliards a été franchi en 2019, après une hausse constante depuis 2014, marquant par là l’entrée dans l’époque de la crise générale et de ses corollaires, la guerre et la révolution.
L’immense majorité de ces dépenses, environ 1799 milliards de dollar, revient à une poignée de pays, que sont notamment les États-Unis, la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni et l’Inde. À travers cette concentration, on perçoit tout le caractère de la guerre de repartage impérialiste en cours avec trois mondes qui sont de plus en plus délimités.
Car parler de manière générale de « dépenses militaires mondiales » n’a en réalité pas de sens puisque de nombreux États n’ont pas de complexe militaro-industriel leur permettant d’assurer un développement souverain de leurs armées. Ces États forment le monde des pays dominés, rivés par des liens néocoloniaux, notamment par le biais de « partenariats militaires », à une puissance de second ordre ou une superpuissance. Ils forment le butin des deux principales superpuissances ou de leurs vassaux, les puissances secondaires, et leur militarisation par un tel ou un tel permet de déployer des guerres par procuration dans le cadre du repartage impérialiste.
Ainsi la course aux armements n’est-elle pas quelque chose de chaotique mais s’organise autour de la polarisation des budgets militaires de la Chine et des États-Unis, avec respectivement 296 milliards et 916 milliards en 2023. Il est évident que l’ensemble des pays du monde se prépare à l’affrontement Chine/États-Unis, les deux superpuissances rivales, notamment dans la zone info-pacifique. Chacune de ces deux superpuissances entretient alors militairement des pays vassaux, formant le terreau de la course aux armements.
Taïwan comme satellite américain a ainsi vu son budget militaire augmenter de 11 %, pour atteindre 16,6 milliards de dollars pour une île qui compte 23,57 millions d’habitants. À l’inverse, les Îles Salomon, un États sans forces armées, ont signé un partenariat militaire avec la Chine en 2022 lui permettant d’y déployer ses forces militaires.
Face à la puissance challengeuse chinoise, un axe Australie, Philippines, Japon est en train de se tisser, avec là aussi une remontée en flèche des budgets d’armement. L’Australie vise à atteindre 2,4 % de son PIB pour ses dépenses militaires, tout en augmentant de 30 % ses forces d’ici 2040, avec à l’arrière-plan l’alliance AUKUS. L’Australie se situe ici dans le camp des puissances de second ordre alignées sur la superpuissance américaine, son budget permettant de faire tourner les grandes entreprises d’armement anglaises et américaines.
En Europe, c’est la Pologne qui a le plus renforcé son budget militaire, avec un bond de 75 % de ses dépenses entre 2022 et 2023. Cela se fait au bénéfice de l’industrie de l’armement américaine évidemment, avec l’achat récemment de près d’une centaine d’hélicoptères et de 1798 missiles de tous les types.
C’est également au niveau de l’U.E qu’il y a eu un tournant important avec un « fonds européen de la défense » disposant de 8 milliards d’euros jusqu’en 2027 pour financer de la recherche militaire. Une ligne budgétaire qui était inexistante avant 2017… et qui bénéficie en premier lieu au complexe militaro-industriel français qui a lui aussi vu ses commandes bondir dans le cadre d’une hausse de 50 % du budget militaire français entre 2019 et horizon 2030. Une Europe militarisée qui cherche à s’imposer comme véritable délégué politico-militaire des États-Unis contre la Russie…
Derrière la course aux armements, il y a aussi et surtout une réorientation accrue des investissements de capitaux dans les industries de guerre en vue de produire plus d’armes en tous genre mais aussi en vue d’en fournir de nouvelles, plus « performantes », plus meurtrières. La science et la technologie, ces trésors de l’Humanité pour améliorer sa condition d’existence, se transforment en un simple rouage de la destruction de la civilisation. Le militarisme devient une porte de sortie pour la valorisation de capitaux qui tournent en rond et ne trouvent plus à se valoriser de manière profitable dans un contexte de ralentissement général de l’accumulation capitaliste.
À ce titre, la guerre en Ukraine est le laboratoire macabre des complexes militaro-industriels des principales puissances capitalistes pour adapter leurs armements en vue de la troisième guerre mondiale. Et l’on saisit l’effroyable cercle vicieux : les rivalités de puissances alimentent l’industrie de guerre, la croissance des industries de guerre alimente les tensions et autres replis bellicistes des grandes puissances…
Comme cela s’est déroulé dans les années précédent 1914, c’est tout le capitalisme mondial qui se précipite dans la guerre pour se relancer. Une tendance qui s’exprime à travers un monde qui se scinde entre les deux superpuissances ; superpuissances qui tissent leurs zones d’influences en vassalisant militairement des États en vue de se partager le butin du Tiers-Monde.
La course aux armement révèle que l’engrenage n’en n’est plus à ses débuts mais est dorénavant bien enclenché telle une machine gargantuesque qui alimente à son tour la tendance à la guerre. L’alternative est posée : soit la guerre est empêchée par la révolution, soit la guerre provoque la révolution.