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Rapport entre les classes

Mélenchon contre Blum

Jean-Luc Mélenchon n’est, pour agauche.org, plus une figure de gauche depuis bien longtemps. C’est un populiste, qui est sorti du cadre de la Gauche historique fut-elle réformiste.

Et il a tenu des propos sur Léon Blum qui en disent long sur son rejet des concepts fondamentaux de la Gauche historique. Il a en effet considéré que Léon Blum… n’avait pas d’envergure historique !

C’est là exemplaire de la question du rapport qu’il faut avoir – à la classe, ou bien à l’État bourgeois. Comment faut-il comprendre le rapport entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre le nouveau et l’ancien ?

Voici les propos de Jean-Luc Mélenchon, tenus lors d’une interview à 20 minutes le 15 juin 2024.

« Aujourd’hui, vous ne faites plus « consensus », n’est-ce pas la preuve d’un changement du rapport de force ?

La stratégie politique des insoumis c’est l’union générale et le programme des ruptures avec le système. En douze ans, c’est devenu celle de toute la gauche. Donc là, pour moi, carton plein avec cet accord.

Matignon n’est pas un sujet existentiel. Je ne suis pas en train de construire une carrière. Les insoumis ont produit des dirigeants capables.

Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et dirigeant marxiste du Parti socialiste. »

C’est très clair : selon Jean-Luc Mélenchon, être un « dirigeant marxiste du Parti socialiste » ne fournit pas un niveau qualitatif pour gouverner qui soit le plus haut possible. Bien au contraire, même, puisqu’on a des figures « politiques » opportunistes qui seraient bien mieux qualifiées.

Qui sont en effet Manuel Bompard, Mathilde Panot et Clémence Guetté ?

Manuel Bompard est quelqu’un qui a fait une thèse de mathématiques appliquées en aéronautique, monté une start-up. En 2009, il rejoint le Parti de Gauche, et l’année d’après il en devient le secrétaire national ! Il devient ensuite un cadre de La France insoumise, surtout pour les élections.

Mathilde Panot a un master en relations internationales à Sciences Po, avant de devenir cadre dans le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Clémence Guetté a un master de sociologie politique à Sciences Po, avant pareillement de devenir une cadre de Jean-Luc Mélenchon.

Les trois sont nés respectivement en 1986, 1989, 1991. Ce sont des cadres classiques des mouvements électoralistes, qui après avoir fait des études participent comme organisateurs, sont élus.

Et Léon Blum ne serait « pas au niveau » de tels opportunistes, sans caractère ni profondeur ?

Rien que l’âge, déjà. Léon Blum, en 1936, était bien plus âgé puisque né en 1872. En soi, cela ne suffit pas à expliquer un meilleur niveau, sauf qu’il a d’ailleurs lui une intense activité.

Il a eu un vrai parcours institutionnel, puisqu’il a été chef de cabinet du socialiste Marcel Sembat, ministre des Travaux publics, de 1914 à 1916, commissaire du gouvernement à plusieurs reprises.

Il est surtout, c’est cela qui compte pour nous, le chef de file des socialistes, organisés dans la Section Française de l’Internationale Ouvrière. Depuis 1920, c’est un dirigeant ouvrier, organisant, écrivant – et effectivement, c’est un littéraire de formation.

Léon Blum au congrès socialiste de 1932

Léon Blum a à ce titre mené deux combats fondamentaux. Tout d’abord, il est en première ligne pour dénoncer les « néo-socialistes », qui sont une fraction des socialistes qui devient fasciste. Ensuite, il soutient le Front populaire dont il devient une figure.

Et donc, Léon Blum, qui a bataillé politiquement pour le Socialisme, avec un très haut niveau idéologique, depuis 1920 dans la classe ouvrière, vaudrait moins que des aventuriers de la politique bourgeoise en 2024 ?

Jean-Luc Mélenchon ne peut pas ne pas savoir tout cela. Et pourtant, il prétend que ses cadres seraient mieux. « Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté. » Comment, pourquoi ?

Parce qu’il considère que le populisme vaut, finalement, mieux que la Gauche historique. Même une expérience de masse d’une envergure formidable comme le Front populaire ne vaut pas, pour lui, la politique « immédiate », la démarche populiste. C’est un signe de démesure que de voir les choses ainsi, mais il en va ainsi de l’opportunisme qu’il se croit réellement avoir une signification.

Comme la bourgeoisie aide cet opportunisme, forcément, les opportunistes se sentent pousser des ailes. Historiquement, pourtant, le Socialisme balaie tout cela ! Le prolétariat porte le nouveau, qui s’allie sur la bourgeoisie bascule dans l’ancien ! Au-delà des détours, la Gauche historique l’emportera !