La France n’a plus aucune envergure, ni aucun horizon, à part se ratatiner sur elle-même. Le programme présenté par Jordan Bardella pour les élections législatives de juin 2024 est à ce titre exemplaire.
Le Rassemblement national est censé représenter une alternative politique radicale, un grand chamboulement, attirant pour les uns et repoussant pour les autres : ce qu’il propose est en réalité d’une tiédeur consternante.
Son principal horizon ? Abroger la réforme des retraites qui avait mis en colères les syndicalistes et fonctionnaires français.
Il est expliqué que dès l’automne prochain, il sera permis à « ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans de partir à la retraite avec 40 annuités à un âge légal de départ de 60 ans ».
Pourquoi pas, mais cela n’emmène pas très loin en termes de chamboulement proposé, puisque cela ne consiste qu’en le fait de revenir à ce qui existait il y a encore quelques mois !
Mais ce qui compte surtout pour les Français, c’est leur capacité à pouvoir consommer sans entrave. Alors le Rassemblement national a ce qui faut à proposer : baisse de la TVA sur les énergies et le carburant, de 20 % à 5,5 %.
Cela est même censé entrer en vigueur dès l’été (si la majorité lui est acquise), avec un projet de loi de finances rectificatif lors d’une session parlementaire extraordinaire.
Dans un second temps, il est envisagé ni plus ni moins que la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. C’est simple et efficace, bien racoleur comme il faut afin d’attirer le lambda ; peu importe que la TVA soit l’impôt qui rapporte le plus au Trésor public, les Français adorent quand on dépense sans compter. Le service public ? Oh oui ! Les impôts ? Oh non !
Toutefois, côté budget il faut bien quelques promesses, pour avoir l’air sérieux. Cela tombe bien, Jordan Bardella en avait deux en stock : supprimer certaines niches fiscales (qui sont des combinaisons pour éviter des impôts) et abaisser de 2 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne.
Là encore, rien de transcendant. La promesse qui est faite est simplement de maintenir l’existant, en jurant de grandes largesses financières. C’est précisément l’inverse d’un chamboulement.
Là où Jordan Bardella prétendra avoir un peu de radicalité, c’est sur le thème de l’immigration et de l’insécurité, qui ne consistent pour lui d’ailleurs qu’en un seul et même thème. Ainsi, les choses sont très simples pour les Français qui n’ont pas à s’inquiéter de devoir changer leurs mentalité ou faire évoluer la civilisation : ils suffirait de virer les migrants pour que toute aille pour le mieux dans le meilleur des mondes!
Toutefois, là encore, il n’y a absolument aucune radicalité, ni aucune conflictualité sur le sujet. Voilà ce que met en avant Jordan Bardella en présentant son programme :
- peines planchers pour les affaires de stupéfiants et d’atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ;
- suspensions d’allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes ;
- suppression du droit du sol ;
- remplacement de l’aide médicale d’État par un fonds limité aux urgences vitales.
Dans le programme officiel, il est ajouté également l’expulsion des délinquants étrangers.
C’est à peine un programme de Droite traditionnelle, et c’est le genre de choses tout à fait banales qui existent déjà largement dans tout un tas de pays occidentaux.
Jordan Bardella n’envisage évidemment aucunement de renvoyer les migrants dans leur pays. L’immigration en France, qui est absolument massive, est indispensable pour le capitalisme, afin de faire faire le sale boulot à des gens moins regardant que les Français, qui ont malgré tout acquis une conscience de classe et des exigences sociales.
L’immigration, essentiellement d’Afrique et d’Europe de l’Est, approvisionne massivement les chantiers, les hôtels, la restauration, les usines, les maraîchages, etc. Jordan Bardella n’en parle pas du tout, car il n’envisage aucunement de couper l’herbe sous le pied au capitalisme français.
Le Rassemblement national utilise des grandes phrases, en disant vouloir « réduire drastiquement l’immigration légale et illégale ». Mais il n’en parle jamais dans le détail et n’évoque jamais le sujet sur le fond.
Ce qu’il raconte est à chaque fois extrêmement mesuré. Politiquement, c’est surtout d’une extrême mollesse. Une mollesse de droite, exactement comme François Hollande incarnait une mollesse de gauche, puis Emmanuel Macron une mollesse centriste.
D’ailleurs, il suffit à Jordan Bardella de dire qu’il s’oppose à Emmanuel Macron, et voici que sa ligne politique est affirmé. Voici comment est officiellement présenté le programme du Rassemblement national (en deux phrases, nous ne mettons que la première) :
« Les élections législatives des 30 juin et du 7 juillet sont une chance historique d’engager le redressement de notre pays et de mettre fin à la politique toxique d’Emmanuel Macron qui vous fait tant souffrir. »
Pauvres Français, enfants pourris gâtés du capitalisme, qui ont « tant souffert » ! Cela est grotesque, mais tout à fait à l’image du pays : c’est la meilleure chose à dire pour quelqu’un souhaitant effectivement devenir Premier ministre de la France molle et larmoyante d’aujourd’hui.
C’est absolument répugnant, indigne de l’immensité culturelle et historique de la France. En vérité, seule la Gauche, la vraie, portée par le prolétariat et notamment les femmes du prolétariat, pourra réellement assurer la continuité historique de la France, être à la hauteur de son héritage.
Au contraire, le populisme nationaliste mou de Jordan Bardella est infâme, comme l’est la France aujourd’hui, fille malade de l’occident en perdition.