Depuis l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives 2024, Fabien Roussel n’est plus député. Le secrétaire général du PCF occupait ce siège depuis 2017. Mais le candidat du RN l’a emporté avec 50,30% des suffrages exprimés, tournant une page de l’histoire politique.
Fabien Roussel a chuté à Saint-Amand-les-Eaux, dans le vieux bassin industriel du Nord. La classe ouvrière y est omniprésente, élisant jusque-là, depuis le début du siècle dernier et sans discontinuer, des candidats de gauche.
Et à en croire les bobos des villes, c’en serait fini de la classe ouvrière. Classe dangereuse, elle aurait perdu la raison et serait vendue aux fascistes.
En réalité, Roussel est le dirigeant d’un parti politique à prétention sociale agissant dans le cadre des institutions. Et pour défendre ses intérêts, l’électeur des classes populaires de sa circonscription aura préféré l’assurance tranchante de la droite populiste à la bonhomie “syndicalisante” de la gauche populiste.
En guise d’exemple du style de pantomime présenté par le PCF aux classes populaires, citons le rassemblement qui a eu lieu à Lens, le 6 octobre 2023. Les maires de la circonscription, accompagnés des parlementaires communistes du Pas-de-Calais, s’étaient donné rendez-vous devant la sous-préfecture un vendredi à 18h, pour déposer une pétition demandant la hausse des salaires et des retraites.
Ce rassemblement faisait suite à une campagne de pétition lancée à l’appel de Fabien Roussel. Un peu plus de 10 000 signatures avaient été recueillies durant l’été, “sur le terrain”, c’est-à-dire en réalité sur les marchés, devant les supermarchés, ou directement chez les habitants de sa circonscription.
10 000 signatures sur un bassin de vie de 250 000 habitants, ce nombre dérisoire montrait alors le manque d’ancrage dans le réel de cette farce de lutte des classes. 10 000, c’est deux fois moins que le nombre de suffrages obtenus par le candidat de la droite populiste dans la circonscription de Saint-Amand-les-Eaux, qui ne compte que 80 000 inscrits.
A Saint-Amand-les-Eaux justement, le PCF disparaît donc du paysage. Reste l’essentiel : la classe ouvrière. Lors du premier tour des législatives anticipées de 2024, elle s’est livrée à une droite aigre par défiance d’elle-même. Elle agit encore par procuration, mais… la tension monte. Elle ne tardera pas à trouver en elle-même les ressources nécessaires pour provoquer le changement qu’elle attend.
Pour cela, la classe ouvrière doit accepter son vrai visage. Il n’est ni celui des beaufs de la gauche populiste, ni celui des arrivistes de la droite populiste.
De manière contradictoire, ce visage, c’est peut-être André Stil, journaliste et écrivain né à Hergnies près de Saint-Amand-les-Eaux et promoteur de la révision du communisme par le PCF, qui en parlait le mieux. Dans son livre autobiographique « l’optimisme librement consenti » paru en 1979, il décrit un type d’Homme dont il craignait la rigueur de l’engagement.
“La politique est nécessaire, c’est un mal nécessaire. Dans le monde d’aujourd’hui, une bonne politique est ce qu’on peut faire de mieux pour les hommes. Mais la politique est dure, souvent inhumaine.
Et le plus douloureux n’est pas toujours les coups à prendre ; il y a aussi les contrecoups de ceux qu’on donne. La plus humaine des politiques est parfois inhumaine.
Des hommes tout dévoués au bonheur de l’humanité peuvent, dans ce dévouement même, croire nécessaire de prendre un visage de bois.”
A Saint-Amand-les-Eaux et partout où la gauche de pantalonnade leur cède la place, les visages grimaçants de la droite populiste n’occuperont pas la scène bien longtemps. Et l’échec de Fabien Roussel, qui s’est cru populaire en maniant les éloges de la viande et de la voiture, fait partie de ce parcours-détour.
Dans le même registre, il y a d’ailleurs le désastre du PRCF. Le Pôle de Renaissance Communiste en France est issue de l’aile gauche du PCF, celle qui a la nostalgie du PCF des années 1980, de l’URSS des années 1980.
Le PRCF a choisi de présenter trois candidats pour ces législatives, après une campagne de boycott des élections européennes. C’était un vrai test, car le PRCF tente de se poser comme centre d’un nouveau Parti Communiste, différent de celui de Fabien Roussel, devant revenir sur le devant de la scène historique en France.
Le choix des circonscriptions a été prudent. Les candidats se sont présentés dans des endroits pour ne pas risquer de favoriser le Rassemblement National, des circonscriptions donc acquises à la gauche, où par ailleurs, il existait d’autres candidatures témoins d’extrême-gauche.
Seulement, voilà, au total il a été recueilli 541 voix par les trois candidats. Pour obtenir cela, autant ne rien faire. Quel intérêt que de se faire humilier et rappelé à son insignifiance politique? L’impact de la « gauche programmatique », dont fait partie le PRCF (comme Lutte Ouvrière ou le Parti Matérialiste Dialectique) est réel sur le plan des idées et de la culture, mais cela ne va pas au-delà et cela ne saurait se concrétiser en termes électoraux dans la France actuelle.
Ou alors c’est de la démesure et il y avait vraiment l’espoir de parvenir à quelque chose, ce qui serait une énorme erreur. Le PRCF propose en effet une « Alternative Rouge et Tricolore ». Et le terrain de ce mélange « national » et « social » est déjà occupé par le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella.
Le PRCF peut bien dire que le RN est démagogue et mystificateur, que ses valeurs n’ont rien à voir, dans la pratique les gens ne comprennent rien à ce qui leur apparaît comme des nuances sans importance.
Les gens voient Fabien Roussel défendre le bleu-blanc-rouge, la viande et la voiture, ils voient le PRCF tout fonder sur la patrie… Qu’à cela ne tienne, il y a déjà Marine Le Pen et Jordan Bardella.
Il aurait fallu porter une différence, mais Fabien Roussel et le PRCF s’imaginent que la France est encore en 1960, qu’il n’y a pas de société de consommation, que les gens sont réellement pauvres voire misérables, etc. Ce manque de réalisme est fatal.
Dans le détail pour les résultats du PRCF, on a 131 voix pour Gilliatt De Staërck, dans la sixième circonscription d’Ille-Et-Villaine au nord de Rennes, ce qui représente 0,20% des voix. La candidate Manon Haller a fait 291 voix dans la deuxième circonscription du Val-de-Marne, soit 0,71% des voix, juste derrière le candidat Reconquête. Quant au troisième, il s’agissait de Yannick Duterte avec 119 votes soit 0,28% des voix dans la septième circonscription de Seine-Saint-Denis.
En Ille-et-Vilaine le PRCF appelle à l’abstention avec un deuxième tour Renaissance contre RN, dans le Val de Marne à voter pour le Nouveau Front Populaire (NFP) incarné par Rachel Keke, et en Seine-Saint-Denis aucune consigne n’est donnée puisque s’opposent le dissident LFI Alexis Corbière à Sabrina Ali-Benali de la France insoumise-NFP.
Le PRCF appelle en général à soutenir les candidats du PCF et de La France Insoumise, et à boycotter les autres. Ce qui revient à la position initiale du PRCF, qui est de se poser « à gauche » de La France Insoumise, avec toujours un grand respect pour Jean-Luc Mélenchon notamment.
Où est l’intérêt de tout cela? Quelle est la qualité apportée? Surtout alors que ce qui va arriver va être historiquement d’une autre dimension!